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tants d’abord, elle devint, au début du x r siècle, une prière du prêtre. La suite de la formule, dans un style rimé qui trahit sou époque, exprime bien les avantages que l'Église espère du culte des saints, et spécialement de la messe célébrée au.jour de leur fête : l’honneur des saints procuré par l’offrande du saint sacrifice d’abord : ut illis proflciai [oblatio] ad honorent, et secondairement par « la mémoire que nous faisons d’eux sur la terre » c’est l’exégèse de Bellarmin, Controv. de eucharistia, C. vin — le salut des chrétiens par l’intercession de ces saints au ciel, intercession implorée par notre prière terrestre. Cf. Lebrun, Explication de lu messe, t. i, ]>. 319-321.

Dans le cycle liturgique, le sa net oral est très envahissant. Non seulement le calendrier se charge chaque jour de nouveaux saints, mais le missel s’enrichit de quelques messes propres, avec leur introït, leur graduel, etc. (messe Salve sancta parens du Xe siècle, graduels des fêtes de. la Visitation, alléluia de l’Assomption, de Saint-Pierre-aux-liens, etc.). Seuls le respect de l’antiphonaire de saint Grégoire et la difficulté de créer des mélodies nouvelles ont endigué l’invasion. Mais l’office canonial accueille des pièces propres bien plus nombreuses, en particulier les hymnes aux saints, communes à tous comme le Placare Christe du ix c siècle. l’Jste confessor et le Sanctorum meritis, d’autres particulières à l’un d’eux et retraçant ses vertus et quelquefois sa vie. Les oraisons s’encombrent également de détails historiques, pas toujours bien vérifiés (collectes de sainte Catherine, de saint Denis, etc.) ; les oraisons communes demandent le suffrage de tous les saints principaux : À cunclis. Les formules de confession, assez courtes jusqu’au xii c siècle (celles qui ont été conservées par divers ordres religieux) s’allongent jusqu'à la formule de notre Confileor actuel, qu’on date d’un concile de Ravenne de 1314.

Les litanies des saints ont bien conservé l’ancien cadre, où miserere nobis s’adresse à Dieu et ora pro nobis à la Vierge et aux saints ; mais le nom des patrons locaux vint allonger démesurément la liste de chaque diocèse. On peut remarquer pourtant que les litanies officielles du samedi saint gardaient, sinon toujours la teneur romaine, du moins une brièveté antique. Avec les séquences et les proses de Nolker et consorts, chantées à la messe, nous arrivons aux confins du culte public et du culte privé ; car c'étaient des pièces excessivement populaires, dont les prêtres faisaient parfois le thème de leurs prédications et qui furent souvent traduites en langue vulgaire et transformées en cantiques extraliturgiques. Cf. /'. L., t. lxxxvii, col. 35. Cette popularité tenait justement à leurs accents de dévotion enthousiaste et même tapageuse pour les saints patrons des diocèses et des paroisses.

On pourra donc trouver que la part des saints devenait bien grande — elle l'était en effet dans une liturgie qui était le culte de l'Église pour Dieu et le le Christ. Cependant. il faut distinguer dans cet apport ce qui constitue la prière sacerdotale, c’est-à-dire les formules de préface, le canon de la messe et ses oraisons : or, toutes ces prières sont constituées dans l’ancien moule : Domine sancte, Pater omnipnlens… per Jlominum noslrum, et les saints n’y jouent qu’un rôle secondaire d’intercesseurs. Les autres pièces, où ils prennent volontiers la grosse place « ont une portée préparatoire et dispositive relativement aux prières proprement liturgiques ; elles fournissent aux fidèles le motif ou le thème spécial de ses adorations, elles réveillent noire foi, excitent notre amour, demandent la grâce. » D. Lambert liauduin. Essai île manuel île liturgie, dans Les questions liturgiques, t. iii, p. 273. La preuve en est qu’elles n'étaient pas même récitées autrefois par le célébrant, mais par la schola des chantres ou par le chœur des moines laïcs, i Bref, elles

sont en fonction des prières sacerdotales ; loin de nous détourner du terme unique de notre culte et de se substituer à lui, elles nous le font atteindre pleinement. Loc. cit. On remarquera d’ailleurs que, parmi ces loimules secondaires, celles qui ont été ajoutées au Moyen Age affectent volontiers la forme de prières formelles aux saints, que ne connaissait pas l’ancienne liturgie romaine : elle disait : Mirabilis Deus in sanctis suis. Yullum tiium deprecabuntur ; les nouvelles formules disent maintenant : Salue sancta Parens. Solve jubenle Dca, Petrc catenas.

A ce propos, Suarez se préoccupe de réformer quelques formules liturgiques introduites au Moyen Age : « L'Église prie parfois les saints ut ipsi faciant : on dit dans le Salve : Tuos miséricordes oculos ad nos converle. » A cela rien à dire, puisque l’explication vient tout de suite : Et Jesum… nobis ostende. Mais on prie lis apôtres : A’o.s a peccatis omnibussolvite jussu quæsumus.Quorum præcepto subditursalus et languor omnium. « Le culte, répond Suarez, ne tient pas surtout aux formules et aux signes extérieurs, mais bien plutôt à l’intention ; souvent nous [irions l’intercesseur dans les mêmes termes que l’auteur du bienfait, nous lui disons qu’il ait pitié de nous, cpi’il nous accorde notre demande, et autres choses semblables ; mais nous entendons toujours qu’il fasse cela en intercédant pour nous. C’est bien le sens de l'Église ; aussi termine-t-clle toutes ses oraisons en attribuant tout à Dieu. D’ailleurs on peut parfois demander à un saint de coopérer avec Dieu pour nous procurer tel bienfait : on peut prier son ange gardien « de nous protéger, de nous « illuminer et de nous aider », et un saint, de nous guérir : saint Augustin disait dans ce sens : Faciunt autem ista martyres, vel potius Deus, vel orantibus, aut cooperantibus eis. De civit.Dei, t. XXII, c. x. » Suarez, Opéra omnia, t. xiv, p. 37. D’ailleurs les prières aux saints et même l’Ave Maria, sont restés, au Moyen Age, des formules de surérogation que les fidèles n'étaient pas obligés de réciter, ni même de savoir, comme le Pater ou le Credo, seuls obligatoires. Ni les chartreux, ni les templiers, ni les carmes, ni les frères mineurs, ni les frères lais dominicains ne devaient réciter l’Ave Maria ; c’est chez les cisterciens, où le culte de la Vierge prit de très bonne heure un grand développement, et encore pas dans les us de Cîteaux, mais dans le Grand lixorde, au I. IV, e. xiii, que l’on voit la Salutation angélique apprise de tous, puis imposée. Mais, au xiii° siècle. l’Ave Maria se généralisa comme prière de dévotion, bien que la formule n’en fût pas encore fixée.

On peut rattacher sans crainte à la liturgie les arts liturgiques. Sans doute dans la constitution du programme iconographique des églises, à côté de la littérature religieuse et de l’inspiration des docteurs, force est de faire une part à la tradition artistique » et aux circonstances de lieux. Cependant, les règles générales reflètent bien la doctrine catholique : « La place d’honneur est pour la statue du Christ : elle occupe le trumeau de la porte centrale ; à ses côtés, aux piédroits, sont figurés les apôtres… À l’une des portes secondaires de la façade préside la statue de la Vierge, à l’autre la statue du saint patron du diocèse ou de l'église, avec des faits de la légende du saint, ou d’autres figures de saints choisis en raison des rapports de dévotion qu’entretient avec eux l'église en particulier (pèlerinages, possession de reliques, souvenirs historiques). » L. Le François, Les maîtres de l’art, Les sculpteurs français, p. 31-34. L’intercession des saints était traduite d’une façon singulièrement frappante parle grand Christ de la nef. au pied duquel étaient agenouillés la Vierge et saint Jean, priant pour la terre.

2. Les reniements. Ils existaient, comme on le

voit, même pour les laïcs qui ornaient un porche d'église et pour une caravane de pèlerins qui devaient