Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/476

Cette page n’a pas encore été corrigée
937
938
SAINTS (CULTE DES). LES ÉGLISES DISSIDENTES


toriques sur les martyrs de l’empire d’Orient et de quelques provinces d’Occident. Mais dans la rédaction syriaque de l’année 411, il fut pareillement abrégé, et s’intitula avec vérité : « Les noms de nos seigneurs les confesseurs et vainqueurs et les jours auxquels ils ont gagné leurs couronnes. »

Quand, au viiie siècle, on sentit la nécessité d’expliquer cette série bariolée de noms inconnus et que, par exemple, à Constantinople on composa les ménologes et synaxaires et qu’en pays francs à partir du martyrologe hiéronymien, Bède, puis Florus et Adon, Raban Maur, Usuard, Notker et Wohlfard, composèrent les premiers martyrologes historiques, la valeur critique de ces documents tomba encore d’un degré. Mais ce souci témoignait du moins du désir qu’on avait de trouver, dans la vie et la mort des saints du calendrier, des modèles et des encouragements. En somme, les martyrologes occidentaux ont été d’abord des listes d’anniversaires d’une Église particulière, puis des martyrologes généraux, qui visaient à une énumération de tous les martyrs de la chrétienté, enfin un choix de notices plus circonstanciées sur leurs personnes et leurs mérites particuliers. Et le synaxaire des Orientaux connut à peu près et à des époques voisines les mêmes vicissitudes. Cette évolution générale indique comment les évêques et les fidèles envisagèrent successivement le culte des saints, comment ils passèrent du souvenir patriotique de leurs ancêtres à la vénération catholique de tous les saints du monde, puis à l'étude de leur vie et de leurs vertus. Nous avons, sur cette question, largement dépassé l'âge du triomphe de l'Église. Sur cette évolution des martyrologes, H. Quentin, Les martyrologes historiques, Paris, 1908.

Les martyrologes ont été aussi utilisés comme documents historiques. Ils avaient une valeur assez grande tant qu’ils restèrent l’attestation d’un culte dans une église donnée et étaient, à ce titre, d’un usage officiel. Pour les martyrologes généraux, œuvres d’un lettré studieux, ils ne pouvaient garder la même valeur historique ou canonique. À plus forte raison, quand À don et Usuard y ajoutèrent des notices qui avaient tout au plus la valeur des actes utilisés. Pour en finir avec cette question, si intimement unie à celle du culte des saints, on sait qu’au lendemain des attaques protestantes, le pape Grégoire XIII († 1585) fit corriger les martyrologes en usage et Baronius composa en 1598 le martyrologe romain avec une érudition et une critique audessus de son temps ; cependant, il accepta « l’héritage des précédents rédacteurs, bien ou mal ; actuellement les additions qu’on y l’ait, celles des nouveaux saints canonisés et les modifications qui sont jugées nécessaires, ont infiniment plus de valeur, ne pouvant être faites que par l’autorisation du Saint-Siège. Cependant au sentiment de Benoît XIV (De servorum Dei béatifie., t. I, c. xliii) les additions n’ont pas la valeur d’une canonisation ; et surtout le vieux fond est loin d’avoir une autorité historique OU canonique indiscutable. Voir H. Delehaye, Cinq leçons sur la méthode hagiographique, Bruxelles, 1934, c. m : La critique des martyrologes.

(>" Universalité du culte dans les Églises dissidentes. — Le culte des saints n'était pas l’apanage des catholiques ; nous avons vu plus haut (col. 897) que les marcionites et les montanistes honoraient leurs martyrs particuliers, au iiie siècle. Au siècle suivant, les ariens, s’ils excluaient de leurs martyrologes les grands évêques orthodoxes pour y substituer Eusèbe de Césarée et « Arius, prêtre d’Alexandrie », gardaient, plus fièrement que tous, le souvenir des saints antiques, ceux des premières persécutions et des saints plus récents, ceux des décrets de Dioclétien réunis dans la Suvaya)YY) twv àp/aîwv [iocpTupîwv, ouvrage perdu d’Eusèbe, qu’il compléta par le De marlyribus Palestinse. « Quelle que fût l’attitude de leurs évêques dans la question du consubstantiel, les Églises de tous les pays chrétiens, au iv° siècle, pratiquaient le culte des martyrs avec le même zèle et en vertu des mêmes traditions. Les martyrs des persécutions païennes étaient, au ive siècle, communs à toutes les confessions. Aussi, le sentiment qui s’est exprimé dans le « martyrologe « d’Orient », rédigé peut-être à Nicomédie, au milieu des forteresses de l’arianisme, n’est pas un sentiment spécifiquement arien, mais un sentiment universel, celui qu’inspirait à tous les chrétiens, sans distinction de sectes, le souvenir des héros des persécutions passées. » L. Duchesne. Les sources du martyrologe hiéronymien. p. 137. Ce fut Constance, empereur arianisant, qui ordonna les solennelles translations des apôtres à Constantinople.

De même les donatistes africains du IVe siècle ne le cédaient pas aux catholiques en fait de zèle ; ne se proclamaient-ils pas » l'Église des martyrs » ? Ils honoraient non seulement saint Cyprien et les groupes ethniques de martyrs : sanctorum Scillitanorum, sanetorum Tuburbilanorum, sanctorum Yagentium, etc., antérieurs au schisme et dont ils gardaient les basiliques, mais aussi leurs propres martyrs, Donat de Bagaï, Marculus, Maximien et Isaac, etc. et leurs primats donatistes.

De toutes les Églises séparées du v siècle oriental, celle qu’on pourrait soupçonner le plus de tiédeur a L'égard des saints, l'Église persane, dite nestorienne, honorait cependant les saints martyrs et confesseurs. et les invoquait à l’envi de L'Église impériale. Elle avait cependant deux points de doctrine qui paraissaient s’opposer au culte et à l’invocation des saints : le ciel, pensait-on, ne s’ouvrait aux justes qu’au moment de la résurrection finale ; et les théologiens expliquaient cette situation d’attente par l'état de vie spirituelle ralentie, l’espèce de sommeil oii se maintenaient les âmes séparées de leurs corps. Malgré ces explications, plus archaïques qu’hérétiques, L'Église persane a continue à pratiquer le culte des saints, avec une discrétion à peine plus grande que l'Église byzantine : têtes particulières des saints anciens et nestoriens, tête générale de tous les saints — notre Toussaint — le vendredi après L’Epiphanie.

Les monophysites ont plutôt péché par excès : non seulement la liturgie de leur messe ordinaire et leur calendrier ont fait une large place à la Vierge et aux saints, mais, héritiers des théories de la Hiérarchie céleste du pseudo-1)enys, ils invoquent les anges et les vingt-quatre vieillards de L’Apocalypse, les anges gardiens, etc…. avec une précision de détails qui dépasse ce que le commun des chrétiens peut trouver dans la sainte Écriture. Ils pensent aussi qu’en priant la Mère de Dieu et les martyrs, ils leur procurent un accroissement de béatitude. Renaudot, Liturgia Orirntalium, t. ii, p. 98. Photius signale au VIIe siècle des adversaires du culte des saints à Alexandrie et en Arménie, ISibliotheca, cod. 182.

L’ancienne Église byzantine, nous l’avons vii, a pratiqué avec ferveur le culte des saints. Les iconoclastes eux-mêmes n’y ont rien trouvé à reprendre, et ce n’est que dans un emportement de laïcisation forcenée que Constantin V s’est risqué à combattre, avec le culte des images et des reliques, l’invocation des saints au ciel, et même les pratiques pieuses en l’honneur de Marie, Mère de Dieu ; mais c'était de sa part une phobie : il pourchassa le mot « saint » jusque dans les expressions topographiques. Cf. Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 847, p. 258-259. D’ailleurs le concile de Hiéria, en 753, malgré ses déclarations iconoclastes, proclama les droits de ce qui avait toujours été l’orthodoxie. Loc. cit., p. 370.

Naturellement ces Églises rivales, mais fidèles à des croyances et à des pratiques antérieures à leur sépara-