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SAINTS (CULTE DES). MANIFESTATIONS DIVERSES


P. L., t. i.xi, col. 647. Avec le temps, la fête devient assemblée populaire plus que solennité religieuse : beaucoup s’y rendent pour les foires, les marchés, etc.

2. Les lieux de réunion s’agrandissent à la demande de l’assemblée. On avait déjà commencé avant la fin des persécutions à élever des églises à côté ou au-dessus des tombeaux, qui restaient en place. Avec ('.(instant iii, des basiliques surgissent sur tous les points du monde romain, basiliques qui ne sont pas toujours des églises à reliques, mais qui ne laissent pas d'être dédiées à des saints : à la sainte Vierge, comme Sonda Maria antiqua construite sur le Forum peut-être sous saint Silvestre († 335), à saint Jean-Baptiste, ou à quelque patron de première grandeur. On pense aux riches basiliques de Ravenne du v « et du vie siècle, sur les murs desquelles se déroulent ces glorieuses processions de vierges et de martyrs, étineelantes d’or et ornées de solennelles inscriptions rappelant les dédicaces des églises.

La dévotion grandissante pour les saints trouvait austères les anciennes basiliques, même les sanctuaires constantiniens, et supprimait les inscriptions trop froidement historiques. Ainsi la basilique de Saintevgnès à Home, construite sous le même pape Silvestre (314-335), avec une inscription dédicatoire acrostiche : Constantina Deo (la fondatrice dédiant son église à Dieu), fut reconstruite par Honorius I et (625-638), mais avec une dédicace à la vierge romaine : Virginis aula micat oariis decorata melallis. On peut encore j uger de la magnificence de la basilique, « l'église actuelle ayant conservé la forme qu’elle avait au temps d’Honorius, et la mosaïque de l’abside ayant survécu ». L. Duchesne, Le Liber pontiflealis, t. i, p. 196.

Inutile de dire que, dans ces sanctuaires agrandis, le personnel ecclésiastique était nombreux, les revenus abondants et que le cérémonial en l’honneur des saints devenait, lui aussi, princier : la basilique des Saintsvpôtres à Gonstantinople, hérita de toutes les splendeurs de la cour du basileus. Ailleurs, on faisait largemesure aux réjouissances populaires : les nouveaux fidèles, mal convertis du paganisme, y pouvaient jouir légitimement d’une partie de ce qu’ils axaient quitté, Théodoret avait beau dire que tout s’y passait bien, moins mal en tous cas que dans les fêtes païennes. Gruc.afject. curât., I. VIII, P. G., t. i.xxxiii, col. 1012, les abus étaient inévitables. L’anniversaire de saint Cyprien, les KuTiptavà, se célébrait avec une solennité et une allégresse d’où la piété était parfois absente, et saint Augustin, dans un de ses sermons prononcés à cette occasion, rappelait le temps où les lieux sanctifiés par le corps du martyr étaient profanés par les danses et les chansons. S. Augustin, Serm., cccx, 5, P. L., t. xxxviii, col. 1415. Grégoire le Thaumaturge, ou du moins son biographe, saint Grégoire de Nysse, justifiait cette tolérance. Vita Gregorii Neoces, P. G., t. xlvi, col. 953. Saint Paulin de Noie était également indulgent, Carmina, ix, 567, P. L., t. lxi, col. 661. Mais saint Augustin avait trouvé la note exacte : « Autre chose est ce que nous enseignons, autre chose ce que nous tolérons ; il y a des choses que nous sommes obligés de tolérer, mais nous ne cessons de travaillir à les amender jusqu'à ce que l’amendement s’ensuive. » Cont. Fauslum, t. XX, c. xxi, P. L., t. xlii, col. 381.

Extension du culte des martyrs.

Des saints qui

recevaient chez eux de tels honneurs et mobilisaient de telles foules ne pouvaient rester cantonnés à leur tombeau ou à leur basilique : à partir de ces centres officiels, kur culte rayonne au loin, tout au cours des ive c t ve siècles. Sans qu’on puisse marquer de dates à des manifestations parfois irrégulières et contemporaines, on peut surprendre des cas de cultes localisés au tombeau, étendus ensuite à tout un diocèse, avant

de se répandre d’Orient en Occident. Le premier état est si normal qu’il n’a pas besoin d’exemple : a Tout mai tyr a, pour ainsi parler, son domicile déterminé ; < 1. comme ce domicile de par la loi est inviolable, les honneurs qu’on lui rend sont forcément restreints par les limites d’un territoire, i H. Delehaye, Les origines du culte des martyrs, p. 18. Bien plus, un martyr d’une Église donnée revoit les honneurs en un seul endroit de la ville, à son tombeau. Ainsi la plus ancienne list des l'êtes de martyrs, la Depositio rnartyrwn romaine, ne se contentc-t-elle pas de mentionner des dates ; elle indique également le cimetière où repose le saint : c’est là que le peuple est convoqué. Nous saxons par Prudence que deux fêtes, comme celle de saint Pierre au Vatican et celle de saint Paul a l’autre bout de Rome, pouvaient coïncider le même jour, sans mêler leurs fidèles. Peristeph., nu, édit. Dressel, p. 152 sq. Cependant plusieurs courants contribuèrent à rendre les fêtes moins locales : les pèlerinages, les translations ou distributions de reliques, les voyages de leurs zélateurs, la propre renommée des martyrs, les églises et les Actn qui leur sont dédiés.

1. Pouvons-nous faire état, en pleine Home païenne, en 258, d’une fête ad Catacumbas, sur la vole Appienne, tête commune à saint Pierre et à saint Paul, qui n’y étaient pas ensevelis, mais passaient pour y avoir < habité » ? Cf. H. Delehaye, loc. cit.. p. 307. Ce serait la première tête de martyrs loin de leurs tombes. Mais, en général, les martyrs voulaient être fêtés chez eux, c'étaient les fidèles des villes voisines qui venaient se joindre au jour de la fête aux heureux possesseurs des reliques. L’institution de ces pèlerinages cycliques remonterait, en certains pays tranquilles, jusqu’au iiie siècle. Voir ce que dit Grégoire de Nysse sur ce qui se passait dans le l’ont au temps de Grégoire le Thaumaturge. Vita Gregorii, I'. G., t. xi.vi, col. 953. Du moins est-il certain que, dès le début du iv c siècle, ils étaient devenus coutumiers et en quelque façon obligatoires pour tous les évêques d’une région. « Nos saints martyrs [de Césarée), écrit saint Basile aux évéques du Pont, sont fêtés par notre ville et tout le voisinage ; et notre Lglise vous avertit de reprendre l’ancienne coutume de les visiter. » Epist., CCLII, P. G., t. xxxii, col. il fit. Ce fut assurément une première extension du culte, et qui en occasionna beaucoup d’autres.

2. Mais la cause la plus fréquente, c'était la translation des corps saints, la subdivision des reliques et le transfert des objets ayant touché les tombeaux. Cf. L’art. Reliques, t. xiii, col. 233 1 sq. Concluons avec Mgr Duchesne, que dès lors, « par une sorte de fiction légale, un même saint pouvait avoir un grand nombre de tombeaux », Origines du culte chrétien, p. 409, et donc un grand nombre de lieux de culte, parfois plusieurs jours de fête dans la même année. Saint Paulin de Noie voit dans cette diffusion du culte des saints une inspiration providentielle. Carmina, xix, 317-324.

3. Il y avait de surcroit d’autres raisons moins matérielles, si l’on peut dire, qu’une translation de reliques : il faut mettre en ligne de compte le transfert du personnel ecclésiastique, par exemple la nomination d’un prédicateur célèbre au siège de Nicomédie ou de Constantinople, les voyages des évêques en pays de mission, etc. À cette époque, en effet, l'Église prend conscience de son unité, et emporte partout où elle s’avance le culte de ses héros chrétiens, lit par exemple Grégoire de Nazianze prononce un panégyrique le jour de la fête de saint Cyprien, pro ta ilement a Constantinople, certainement ni à Carthage, ni a Antioche. Saint Ambroise, de même, s’explique et s’excuse presque devant les Milanais sur le devoir de dévotion qui le porte vers des saints des autres pays. P. L., t. xvii, col. 739.