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SAINTS (CULTE DES). M AMI I. I ATIONS DIVERSES


vertu de ce jeu de mots pour convertir les gens de Menouthiî II. Delehaye, op. cit., p. 167, les.

Tour la légende subséquente, c’est autre chose : disons qu’il y a la dépendance littéraire, non point cultuelle. Du nouveau saint, on ne savait parfois rien que son nom, son t il re de martyr et le jour de son anniversaire. Encore souvent, la translation des reliques ayant été faite au jour d’une fête païenne, la tête chrétienne se trouvait coïncider avec l’ancienne. Les membres éclairés de la communauté se contentaient de célébrer le martyr sur ces pauvres données ; niais pour le popn laire, ce n'était pas assez. « … Pour lui faire écouter l’histoire d’un saint, il n’y avait qu'à multiplier les épisodes émouvants et les faits merveilleux. Cette psy chologiE a inspire une foule d ( tes ai t ih : isls, composés de traits épars — la plupart du temps tout à fait étrangers à la légende du dieu que le martyr remplaçait empruntés à des récits connus d’autres martyrs ou puisés au trésor des traditions populaires, i Op. cit., p. 468-469. Mais ces légendes, attachées désormais à la personne du saint n’empêchent pas le saint d’avoir existé. « Reléguerons-nous saim Hippolyte dans le domaine de la mythologie pure, parce que les hagiographes lui oui infligé le supplice du lits de Thésée ? Op. cit., p. 470. Si nous ne pouvons plus retrouver désormais, sous la légende à reflets païens, la vie authentique de saint Déniétrius ou de saint Denys, c’est un malheur, ce n’est pas une idolâtrie.

2. Mais il est une seconde question qui concerne précisément le culte des saints ; voici l’objection précise qlie nous oppose I'. Saintyves : « N’est-ce pas à se demander ce que l’on peut exiger davantage, lorsque l’on a constaté, chez les Grecs, l’existence d’un culte qui, dans tous ses détails, rappelle celui des saints : culte local d’abord, qui s'étend aux villes voisines, avec ses reliques, ses translations, ses inventions miraculeuses, ses apparitions, ses reliques suspectes ou évidemment fausses ? Fatrt-il d’autres rapprochements pour établir que le culte des saints n’est qu’une survivance païenne ? » I'. Saintyves, op. cit.

La thèse est séduisante. Et pourtant, dit le P. Delchaye, « elle ne résiste pas au contrôle de l’histoire. Le eulle des saint s est issu, non du culte des héros, mais du culte des martyrs ; et les honneurs rendus à ceux-ci dès l’origine et par les premières générations chrétiennes, sont une conséqui née directe de l'éinincnte dignité de témoins du Christ, proclamée par le Christ lui-même. » Ajoutons-leur les apôtres et la sainte Vierge, dont les louanges viennent aussi des évangiles et des premières générations chrétiennes. Cf. art. Mauii : . t. ix, col. 2147. « Du respect dont on entourait leur dépouille mortelle et de la confiance des chrétiens en leur intercession est sorti le culte des reliques, avec toutes ses manifestât ions, avec ses exagérât ions, hélas, trop naturelles. » H. Delebaye, Les légendes hagiographiques-, 1906, p. 226-232. Le même historien a repris celle qlies ! ion après l’apparition du livre de Siiintyves, dans Les origines du culte des martyrs-, p. 170 478, et distingue, comme nous l’avons fait en cel article, la doctrine sur le cuite des saints et ses manifestations extérieures, dont nous traiterons aux pages suivantes.

Pour la doctrine, « les Pères de l'Église ont répondu, et sur un ton qui montrera qu’ils ne jugent [l’objection de polythéisme] ni sérieuse, nd redoutable. Aucun chré I icn. même médiocre nieul insl mit. n’a jamais hésité à mettre une distance infinie entre Dieu et les amis de l)i(U ". II. Delehaye, Les < rigine, …, p. I7T>. Mais une objection nouvelle se présente, celle de L’utilité des intermédiaires entre l'âme et Dieu, objection qM l’on peut considérer sur le plan Iheologique ou sur le terrain historique. Au point de vue religieux t.- tous les temps « on dit que le culte des saints

détourne les fidèles du grand précepte de l’adoration en esprit et en vérité, qu’il empêche l'âme de S'élever au-dessus de la créature et de monter jusqu'à l’Auteur de tout bien. Il est permis de ne point parta ger ces appréhensions. Le commerce familier avec les saints est, pour un grand nombre, le moyen le plus aisé' de s'élever au-dessus des choses de ce monde, et ce besoin de se ménager, auprès du Christ lui-même, des médiateurs plus rapprochés de nous témoigne de l’idée transcendante cpie l’on a conçue de l'être divin. » Op. cit., p. 176. Kt puis c’est à toutes les générations chrétiennes que leurs chefs spirituels peuvent répéter : < Inspirez-vous de l’esprit de ce saint, pour parvenir par cette initiation à l’imitation de Jésus-Christ. » Pie XI aux pèlerins franciscains, V septembre 1937. Au point de vue historique, pour les chrétiens du i< siècle, le culte des saints avait, concédons-le, une utilité transitoire incontestable. Il a pu consoler les convertis de leurs fêles païennes ; mais c'était justement la lassitude et le vide de ces fêtes qui, au témoignage des docteurs chrétiens, avaient amené à l'Église beaucoup de ces païens. Disons plus : une fois les païens convertis, le culte des saints a dû leur plaire à cause de certaines analogies qu’il avait avec celui des héros, et l’analogie explique en partie la rapidité de son essor ; mais ce culte existait avec ses rites et ses croyances essentiellement distincts. « Tout cela donc ne porte aucune atteinte à l’essence du culte des martyrs, tel que nous l’entrevoyons dans la poésie des origines. » Op. cit., p. 478.

Pour les manifestations extérieures de notre culte, on peut concéder toutes les constatations des adversaires : « Pas un acte, pas un rite dont on ne retrouve au moins l'équivalent dans la religion antique : encens, cierges, fêtes, pèlerinages, ex-voto, formules d’invocation, saints patrons, patronages spécialisés, inventions de reliques, etc. Il n’y a donc pas lieu de nier les ressemblances de détail. » Op. cit., p. 471 !. Ce n'était pas précisément des emprunts aux cérémonies païennes, mais « des produits naturels d’un même état d'âme dans des circonstances similaires ». H. Delehaye, Légendes hagiographiques, p. 189. Voilà pour les rites consacrés : quant aux manifestations extraordinaires, que la piété chrétienne imaginait sur le compte de ses martyrs, elle ne les a pas davantage empruntées à la civilisation hellénique, puisqu’on les retrouve identiques en dehors de l’Empire : « Des besoins spirituels identiques, le besoin de croire aux communications de l’au-delà, ont produit des effets analogues. » P. 475.

II. MAXl FKSTATIuXS DV CULTE DES SAINTS.

Les pratiques du culte des martyrs demeurent substantiellement les mêmes qu’aux siècles de persécution, mais combien plus amples et plus triomphales ! Comme ce culte se concentre autour des tombeaux, on en verra les principales manifestations décrites à l’art. Re-LIQUES, t. nui, col. 2331-2338. En voici cependant quelques autres, qui débordent l’ambiance primitive : le culte se fait plus solennel, [dus étendu et plus populaire.

Solennité du culte.

1. L’anniversaire de la mort

du martyr devient plus solennel. Au lieu de réunions funéraires, forcément restreintes, on institue des fêtes brillantes, avec panégyriques des saints, composés Selon toutes les règles de la rhétorique de l'époque. Saint Basile, dans celui de saint Gordius, compare la foule accourue à un essaim d’abeilles : In sanctum Gordium, c. i. /'. c… t. xxi. col. 189. À la tête des Quarante Martyrs, rassemblée est si considérable que l’orateur renonce à se faire entendre. Grégoire de Nysse, In sanctos XL immigres, c. i, P. G., t. xi.v, col. 7 11°. Sans même l’espoir d’un morceau d'éloquence, à Noie, la foule quotidienne est compacte au tombeau de saint Félix. Paulin de Noie, Carmina, XXVI, 387,