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SACRIFICE. C L ASSI F IC ATI N

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réservera le nom de sacrifice, au sens strict du mot, aux sacrifices qui sont un hommage intégralement humain à Dieu : ce sont les sacrifices visibles, tels que la nature humaine les exige (Sacrificium visibile, sicut hominum natura exigit. Concil. Trid., sess. xxii, c. i et can. 1. Denz.-Bannw., n. 938, 948). Ils ont, comme élément principal, les dispositions morales qu’ils traduisent, mais ils requièrent, comme élément secondaire et relatif, pourtant essentiel, le signe qui les exprime au dehors.

Le sacrifice invisible ou moral, tout en ayant valeur en soi, tout on étant l'élément principal de ce que l’on appelle strictement le. sacrifice, ne le constitue pas adéquatement et ne peut être appelé sacrifice qu’au sens large.

C’est de ce sacrifice intérieur et spirituel que saint Augustin parle surtout dans le texte ci-dessus, quand il définit le sacrifice toute œuvre accomplie dans le but de nous unir à Dieu.

Cette union se produit par les sentiments extérieurs de la volonté. Là est l'élément principal du sacrifice. Le sacrifice visible est le sacrement, c’est-à-dire le symbole sacré du sacrifice invisible : sacrificium erqo visibile inuisibilis sacriflcii sacramentum, id est, sacrum signum est. Ibid., c. v, col. 282. Dieu, qui repousse le sacrifice d’un animal égorgé, veut le sacrifice d’un cœur contrit, et le sacrifice qu’il veut est représenté par le sacrifice qu’il ne veut pas… « Ce que tous appellent sacrifice est le symbole du vrai sacrifice. De ce point de vue, la miséricorde est un vrai sacrifice. L’homme voué à Dieu est un sacrifice en tant qu’il meurt au monde afin de vivre pour Dieu. Notre corps mortifié par la tempérance en vue de Dieu est un sacrifice… La cité rachetée dans son ensemble, c’est-à-dire la société des saints, est le sacrifice universel dont Jésus-Christ est le grand prêtre, et dont le sacrement de l’autel est le signe et qui est oITcrt pour faire de nous le corps d’une tête si noble. »

Dans ce sens large, saint Thomas dira semblablement : « Le fait même de vouloir contracter avec Dieu une union spirituelle, se rattache à l’honneur qu’on lui doit. C’est pourquoi tout acte vertueux prend raison de sacrifice, du fait qu’on l’accomplit pour entrer en lf sainte société de Dieu. » I I a - 1 1 33, q. lxxxv, a. 3, ad l" m. Et encore : « Les biens de l'âme que l’homm i offre à Dieu en un sacrifice intérieur, par la dévotion et la prière et autres actes internes de cette sorte : c’est là le principal sacrifice. » Ibid., ad 2um. Ainsi tous nos actes de vertus pourront, dans une certaine mesure, do ce point de vue largo, être appelés sacrifices..Mais on réserve avec raison le titre de sacrifices proprement dits, aux actes dont la seule vertu morale vient de ce qu’ils sont faits à l’honneur de Dieu. Seul l’acte extérieur d’offrande qui est l’acte officiel de la religion méritera, d’une façon spéciale et propre, le nom de sacrifice. Ce sacrifice proprement dit est spécialement destiné à représenter l’acte spirituel de religion qui constitue ['âme du sacrifice et nous unit à Dieu. Ibid.

2° Sacrifices directs de biens intimes et personnels, ou sacrifices indirects de biens extérieurs. — Tout sacrifice extérieurement offert est le signe du sacrifice intérieur, oblation spirituelle que l'âme fait d’ellemême à Dieu. Il vaut par le rapport qu’il a avec la religion intérieure qu’il incarne. Or, ce rapport sera pins on moins direct selon les biens offerts. Car l’homme incarnera sa donation intérieure en l’offrande de biens extérieurs qu’il jugera particulièrement dignes d'être offerts. Il devra marquer alors par des cérémonies ou rites extérieurs qu’il renonce à ces biens, les consacre, et les fait porteurs de sa religion auprès de Dieu. Ce seront les sacrifices indirects, rituels, qui ont pour objet des victimes inconscientes.

Ou bien l’homme n’ira pas chercher au dehors l’objet de son offrande, il s’offrira lui-même, corps et âme, volontairement, personnellement, directement. Dans ce cas, il n’aura plus besoin de marquer sa délégation à l’objet offert par un rite compliqué ; il n’aura qu'à exprimer d’une façon sensible et extérieure, par les gestes, les paroles, les attitudes, les démarches qui traduisent ordinairement et naturellement une volonté, sa donation intérieure.

Ainsi le don spontané, volontaire de la vie du Christ, son offrande de ses souffrances et de sa mort en réparation des péchés des hommes, par dévouement à Dieu et à ses frères, n’aura pas besoin pour acquérir une signification sacrificielle de s’extérioriser en des rites compliqués, mais de se traduire simplement dans la conduite extérieure de Jésus en sa passion. Cf. M. Lepin, op. cit., p. 737 sq.

3° Distinction des sacrifices indirects ou rituels d’après le Lévitique. — Elle ne se fait point d’une façon tranchée en deux catégories : sacrifices sanglants et non sanglants. L’holocauste y apparaît en premier lieu : c’est le sacrifice d’adoration dans lequel la victime tout entière, gros ou petit bétail, est offerte à Dieu et est consumée totalement par le feu de l’autel. Lev., i, 1-17 ; vi, 1-6 ; xxii, 17-25.

Puis viennent les offrandes agricoles, le sacrifice de la minehâh où l’on offre des produits végétaux cultivés par l’homme et servant à sa nourriture, ii, 1-16. Ce sacrifice a pris peu à peu le sens et le caractère d’un substitut de l’holocauste. Num., xv, 1-16 ; Ez., xlv, 24 ; xlvi, 5-13 ; voir A. Vincent, op. cit., p. 204-212.

Ensuite, apparaissent les sacrifices d’expiation, qu’il s’agisse du hâlt'ât (sacrifice pour le péché commis plus ou moins involontairement, Lev., iv, 1-35 ; v, 1-13 ; vi, 17-23) ou du 'âsâm (sacrifice appelé à expier une faute commise en connaissance de cause. Lev., v, 14-26 ; vi, 10 ; vii, 1-7). Ce sont des sacrifices d’animaux où l’expiation est attachée à l’oblation du sang. On n’oubliera pas que l’holocause et la minehâh ont souvent joué dans l’antiquité israélite le rôle de ces deux sacrifices d’expiation. A. Vincent, op. cit., p. 159 sq. Enfin le Lévitique signale les sacrifices de communion zebah, vii, 11-34 ; iii, 1-17, offerts en action de grâces, vii, 12-15.

De ces rites divins, on saisit bien le trait commun : l’idée d’hommage religieux, de donation symbolique, les différences aussi les plus apparentes dans les buts poursuivis ; mais « il ne semble pas que le Lévitique mette une grande différence, du point de vue divin, entre les sacrifices où le sang coule et ceux où il ne coule pas. Quant au concile de Trente, s<ss. xxii, c. i, il ne considère pas le sacrifice sanglant et le sacrifice non sanglant comme deux espèces du même genre, mais il les oppose, comme le dit si bien le P. Billot, Sicut rcprœsentativum reprœscnlalo ». F.. Masure, op. cit., p. 35.

Au fond, ce qui importe du point de vue divin, même dans l’Ancien Testament, c’est beaucoup plus que la manière d’offrir, les buts poursuivis et l’esprit qui inspire l’offrande. Aussi les prophètes enveloppentils les formes les plus diverses de sacrifice dans une même critique si elles ne sont point accompagnées de l’oblation intérieure qui convient. Michée, vi, 6 et 7.

4° Distinction dans la manière d’offrir le sacrifice direct ou personnel du Nouveau Testament. — Dans le Nouveau Testament, l’oblation sacrificielle unique, ce n’est point une victime inconsciente qu’il faut marquer de signes expressifs de l’intention d’offrande, c’est le Christ qui, consciemment, se donne lui-même, c’est son oblation volontaire pour la gloire de son l'ère et noire salut, qui forme l'âme ou l'élément principal du sacrifice parfait. Sous quelque forme que sera offert le sacrifice parfait, il requerra avant tout