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SACRIFICE..NOTION TIIÉOLOGIQUE


sa dépendance à l'égard « le celui qui est son principe et sa fin : elle tend à entrer en relations d’amitié avec son Dieu ; elle lui fait des présents, elle lui fait des sacrifices. Prières et sacrifices sont des formes Inde pendantes et sui generis du culte ; toutes deux expriment des besoins variés de l'âme humaine : demander et donner. Tous les deux traduisent le besoin d’exprimer fortement la religion intérieure qui déborde extérieurement et s'épanouit en des paroles ondes actions. L’historien des religions reconnaît par ses enquêtes l’existence « de l’instinct du sacrifice ». « Que le dieu soit père, ami ou tyran, l'âme croyante paraît avoir comme l’instinct du sacrifice. Mue par l’amour, elle veut faire hommage de ce qu’elle a de plus précieux, inspirée par la crainte, elle veut acheter par un abandon partiel de ses biens, la possession paisible du reste. » Pinard de La Boullaye, L'étude comparée des religions, t. ii, p. 199. Cet auteur n’a pas de peine à éclairer cette idée par les coutumes de l’Orient, où le pauvre ne se présente jamais les mains vides devant le cheikh de la tribu. L’offrande pourra être de valeur minime : ce sera toujours un gage de bonne volonté, un témoignage de soumission, une marque de déférence et aussi l’espérance inexprimée que des bienfaits sans nombre payeront au centuple l’humble sacrifice. Cf. A. Vincent, op. cit., p. 187.

2° Ce qu’il y a de naturel et de conventionnel dans les sacrifices. — En partant du fait religieux universel du sacrifice et de la tendance spontanée de la raison à faire usage de certaines choses sensibles en signe de la sujétion et de l’honneur qu’elle doit à Dieu, il faut en conclure avec saint Thomas que l’oblation sacrificielle est conforme à la nature humaine. II B -II æ, q. lxxxv, a. 1. Encore faut-il préciser et distinguer avec le saint docteur : Il est des choses qui, prises en général, sont de droit naturel et dont les déterminations relèvent du droit positif. Ainsi est-il naturel aux hommes d’exprimer leur religion par des signes, d’utiliser leurs biens pour témoigner lqur dépendance envers Dieu et, dans ce but, d’offrir des sacrifices : l’accord est universel sur ce point. Mais la détermination des signes sacrificiels relève de la libre convention des hommes ; elle est d’institution humaine ou divine. Saint Thomas ne semble connaître aucun mode quelconque d’offrande qui aurait de soi, indépendamment d’une institution humaine ou divine, valeur absolue et universelle d’hommage divin, qui serait dictée par la loi naturelle. Loc. cil., a. 1 et 2. À l’institution positive de fixer les modalités qui feront de telle oblation ou tel rite, un hommage essentiellement réservé à Dieu. Etant donné que le sacrifice a caractère d’acte public de culte pour un groupe religieux donné, famille, clan, nation, etc., sa fixation doit prendre une forme connue de tous.

3° Ce qui revient à Dieu dans l’institution des sacrifices juifs et chrétiens. Étant donné que le. sacrifice est comme un geste naturel d’hommage qui va de l’homme à Dieu, il peut être normalement laissé à la spontanéité de la nature et alors il ne remonte à Dieu que dans le sens où Dieu est auteur de la nature humaine. Toutefois, s’il n’est point nécessaire que le rituel des sacrifices suit immédiatement d’origine divine, il sera tout à fait convenable quc, dans l'éco noinic progressive de la révélation, le représentant de Dieu détermine, au nom de celui-ci, par quels rites il veut clic spécialemenf honoré. Est ce a dire que l’institution divine va innover de tout point ? Cela

ne serait guère conforme a la sagesse de la pédagogie divine. Au fait, la constatation des ressemblances de noms et de rituels sacrificiels chez les Hébreux, les Phéniciens et les Babyloniens, montre que certains gestes sacrificiels ont été uiilises communément pai les peuples les plus divers des la plus haute antiquité,

Il n’est point nécessaire d’en attribuer la première institution à Dieu jusque dans leurs détails : « Tous ces usages en partie communs à tous les Sémites nomades, ou demi-nomades, Moïse les a connus et agréés de la part de Dieu. » M.-.I. I.agrange, dans Revue biblique, 1901, p. 615.

Les Pères de l'Église ont souligné le caractère pédagogique de l’institution sacrificielle. Ainsi saint Jean Chrysostome, parlant des cérémonies des juifs, sacrifices, purifications, etc. : » Tout cela, disait-il, doit son origine à la grossièreté des gentils. Dieu, en effet, pour allécher ceux qu’il voulait amener à lui, a consenti à être honoré par le culte rendu jadis aux idoles, se ((intentant de le perfectionner un peu, afin d'élever insensiblement les hommes à des notions plus sublimes. » /'. (', ., t. lvi, col. 60. Sur cette pédagogie des sacrifices, voir S. Jérôme, In Galatas, iv, 8, /'. /_.., t. xxvi, col. 375-376 ; Eusèbe de Césarée, Dem. evang., t. I, c. vi, P. G., t. xxii, col. 55 ; Théodoret, Serm., vu, P. (', ., t. lxxxiii, col. 997 ; S. Grégoire de Naziarize, Or. theol., v, 25, 20, P. G., t. xxxvi, col. 160161 : « Dans l’histoire de l’univers, il y a eu deux grandes révolutions qu’on appelle les deux Testaments : l’une a fait passer les hommes de l’idolâtrie à la Loi, l’autre de la Loi à l'Évangile… Dieu n’a pas voulu que ses bienfaits nous fussent imposés de force, mais qu’ils fussent reçus volontairement. Aussi il a agi comme un pédagogue et un médecin, supprimant quelques traditions ancestrales, en tolérant d’autres. Qu’est-ce que je veux dire par là? Le premier Testament a supprimé les idoles, a toléré les sacrifices ; le second a supprimé les sacrifices, ainsi les hommes ont accepté la suppression imposée, et ont abandonné cela qui avait été toléré : les uns les sacrifices, les autres la circoncision, et de païens, ils sont devenus juifs, et de juifs, ils sont devenus chrétiens et par ces changements partiels, ils ont été entraînés comme furtivement è l'Évangile. »

Aux historiens des religions de dire les rife.^ empruntés au milieu ambiant et agréés par Dieu ; voir Pinard de La Boullaye, Les infiltrations païennes dans l’ancienne Loi d’après les Pères de l'Église, dans Rech. de science relig., t. ix, 1919, p. 197-221. Au théologien de souligner comment, sous l’inspiration divine, les auteurs sacrés ont perfectionné, purifié, le sens des rites existant, en les orientant vers le vrai Dieu, et en insistant de plus en plus sur la nécessité de la religion intérieure qu’ils devaient traduire. La nouveauté de l’institution sacrificielle divine est plutôt dans l’inspiration monothéiste et morale qui est infusée aux rites, ipie dans l'élément visible lui-même de ces rites. Aussi cette inspiration ne s’exercera-t-elle [joint seulement au début dans la fixation d’un rituel et du principe extérieur qui en fera la valeur. Elle continuera à défendre l'âme juive contre les deux écueils qui la menaçaient : l’idolâtrie et le formalisme ; égarer ses sacrifices sur les dieux de néant du paganisme, nu croire satisfaire le vrai Dieu par des oblations de ehnses ou de vies matériellement précieuses sans le retour de l'âme et le don de soi même. De là pro la prédication des prophètes sur la vanité des sacrifiées, s’ils ne son ! point accompagnés des dispositions morales que le vrai Dieu réclame. Cf. A. Vincent, <//). cit., p. 186 197.

De la encore l’orientation des âmes vers l’intelligence du sacrifiée spontané, volontaire du Juste souillant en attendant que vienne celui qui devait non seulement prêcher le culte en espril et en vérité mais l’incarner dans l’oblation. pleine d’amour et d’obéissance à son Père, du sacrifice parfait pour le péché.

/II. L/>' /LV.s / 1/1/ / ; /)I. i TES ET DEHXIÈIIES DU SACRIFICE. Les oblations sacrificielles sont présentées à