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67’SACRIFICE. NOTION T II ÉOLOGI QUE

(378 « choses mêmes qu’elles signifient. » (S. Augustin.) Nous voyons d’ailleurs, en tout État, observer l’usage d’honorer le chef souverain de quelques marques particulières, que ce serait un crime de Lèse-majesté de déférer à quelqu’un d’autre. » Ibid., a. 2.

Que cette philosophie du sacrifice, donation ou oblation symbolique à signification essentiellement latreutique ait chance de dégager l’idée fondamentale contenue en tout sacrifice, ceci apparaît si l’on considère et les sacrifices les plus anciens, et les sacrifices autorisés parla Révélation et les enseignements des Pères, de la liturgie et des théologiens sur ce point.

On pouvait déjà le déduire, avec M. Lepin, des termes qui ont été consacrés le plus anciennement, non seulement chez les Latins et chez les Grecs, mais chez les Hébreux eux-mêmes pour désigner l’acte sacrificiel. « Les Latins avaient coutume de dire : offerte, « présenter », « porter devant » Dieu ; « offrir » à Dieu. À quoi répond chez les Grecs, le verbe 7tpo<jepspco, « offrir », d’où le substantif Trpoccpopâ « offrande » pour désigner le sacrifice… Chez les Hébreux, tandis que zûbah et sahat « mettre à mort », « égorger », convenaient particulièrement au sacrifice sanglant, l’idée d’offrir un sacrifice en général s’exprimait par un vocable qui correspond exactement à offero et TCpoccpépco : savoir, hiqe rîb… « faire approcher », « amener », présenter, d’où qorbân, « oblation », « sacrifice », soit sanglant, soit non sanglant… » M. Lepin, La messe et nous, p. 62-68.

L’histoire des religions confirme ces données philologiques. Voir A. Vincent, La religion des judéoaraméens d’Éléphantine, 1937, p. 184 sq., dont nous résumons les conclusions. Chez les Assyro-Babyloniens le sacrifice est un don, un présent et l’une des expressions les plus courantes des tablettes rituelles est la suivante : « Devant telle ou telle divinité, tu feras un présent. » De même, chez les Hébreux, c’est un tribut au Maître. Pour Israël, comme pour les autres Sémites, ce tribut se manifeste sous la forme d’un don alimentaire. De ce point de vue du don, commun à tous les sacrifices, le Lévitique insistera sur la perfection de la chose offerte, qu’il s’agisse des qualités de la victime immolée, ou de la pureté de la farine offerte en oblation. L’idée d’offrande se retrouve sous le mot qorbdn, employé aussi bien pour désigner les sacrifices sanglants, que les offrandes pacifiques et les sacrifices expiatoires. Le terme n’existe que dans le Lévitique, les Nombres et Ézéchiel. A. Vincent, p. 184, souligne le texte, Lev., ii, 1 : « Lorsque quelqu’un présentera comme offrande à Jahvé une oblation, son offrande sera… ». Le sacrifice dans ce chapitre est rangé dans la catégorie générale des dons, à côté des oblations de céréales, ii, 1, des prémices, ii, 12. Le mot minehâh, dans sa signification première, évoque, Gen., iv, 3, 4, l’idée d’offrande aussi bien pour les offrandes de fruits de Caïn, que pour les sacrifices sanglants d’Abel.

Que d’ailleurs ces offrandes extérieures doivent traduire des sentiments intérieurs, c’est ce que nous ont déjà dit les prophètes, les psalmistes, les hagiographes, et ce qu’a parfaitement exprimé le Christ. Cf. ci-dessus, col. 654 sq.

La liturgie chrétienne, interrogée dans ses plus anciens documents, le confirme à son tour. Voir art. Messe, t. x, col. 963. Cette conception du sacrificedon n’est-elle pas sous-jacente aux prières du canon romain après la consécration : « Se souvenant de la passion… le peuple chrétien offre au Père la seule victime digne de lui, le pain et le vin devenus le corps et le sang de son Fils. Il est demandé que cette offrande soit agréée comme l’ont été les dons d’Abel, le sacrifice d’Abraham et l’oblation de Mclchisédech. Qu’elle soit donc portée par l’ange de Dieu sur son

sublime autel en présence de la divine majesté, afin que, participant à cet autel pour recevoir le corps et le sang du Christ, les fidèles soient remplis de toute grâce et de bénédiction céleste. » Cf. P. Batifîol, Leçons sur la messe, 1923, p. 18 sq.

D’autre part, les enquêtes convergentes du P. de La Taille, de M. Lepin, et de nous-même, art. Messe, t. x, col. 964-1085, aboutissent à la même conclusion : la théorie du sacrifice-destruction est récente et sans fondement suffisant : celle du sacrifice-oblation, au contraire, est garantie par le témoignage des Pères et des théologiens ; elle répond mieux à la tradition dans son ensemble.

3. C’est un acte réserve à la divinité.

Tout sacrifice est une oblation sensible ; mais toute oblation n’est pas un sacrifice. Il faut donc définir l’élément spécifique par quoi la simple offrande se différencie du sacrifice.

Le mot oblation évoque l’idée de la simple présentation d’une chose offerte spontanément à Dieu ; le sacrifice impliquera plus que cette simple présentation, mais une manière d’offrir, une action sacrée, qui, en vertu de l’usage, ou d’une institution humaine ou divine, sera significative d’hommage réservé à Dieu. « Il y a sacrifice proprement dit, écrit saint Thomas, quand les choses qu’on offre à Dieu sont le sujet d’une action comme était la mise à mort des animaux ou comme est la fraction, manducation et bénédiction du pain. Le nom même de sacrifice l’indique qui vient de faire quelque chose de sacré. » II a -II », q. lxxxv, a. 3, ad 3um. Par l’oblation sacrificielle, on retire quelque chose à son usage profane, pour le faire passer symboliquement au domaine de Dieu et traduire par là le don religieux de soi-même à Dieu. Ainsi, remarque M. Lepin : « Le sacrifice comporte d’abord une action et comme un petit drame. La chose sacrifiée n’est pas seulement présentée, elle est donnée effectivement à Dieu et comme transférée en sa jouissance d’une manière sensible. D’autre part, on peut dire qu’en faisant cette donation effective ou pragmatique, l’homme témoigne sensiblement qu’il se donne lui-même personnellement à son Créateur dans l’intention de le glorifier et de réaliser avec lui l’union parfaite pour laquelle il a été créé. » M. Lepin, L’idée du sacrifice de la messe, p. 740.

L’usage a d’abord synthétisé dans un même geste symbolique tout le mouvement de l’âme humaine : c’est ainsi que le sacrifice des prémices, que l’holocauste et la minehâh ont pu être tenus pour des sacrifices capables non seulement d’adorer, de remercier Dieu, mais de l’apaiser et d’expier les péchés. Puis, avec le développement de la conscience du péché, des rites d’expiation plus appropriés ont été trouvés par l’humanité pécheresse. Et ces rites ont souligné plus éloquemment le renoncement, la douleur, la souffrance de l’âme pécheresse.

Ainsi les manières de présenter les offrandes sacrificielles, tout en dépendant pour une bonne part, des conventions humaines ou de l’institution divine, pour revêtir une forme proprement significative de l’hommage dû à Dieu, se sont dans une certaine mesure accommodées et aux sentiments divers qu’elles avaient à exprimer, et à la mentalité des peuples qui les utilisaient. De là en même temps la variété, et une certaine homogénéité de ces rites.

II. LES ORIGINES HUMAINES ET DIVINES VU SACRI-FICE— 1° Origines psychologiques du sacrifice. — Comme la religion dont il est une des expressions possibles les plus caractéristiques, le sacrifice a sa racine profonde dans la psychologie. Une logique spontanée pousse l’âme à agir envers l’Être divin dont elle se sent dépendante comme envers un supérieur. Consciente de son indigence, elle fait le geste de la pauvreté, elle demande, elle prie ; consciente aussi de