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    1. SACREMENTS P R EC H R ETIE NS##


SACREMENTS P R EC H R ETIE NS. EXISTENCE

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seul peut, après le Christ, apporter le salut aux enfants. Cf. Joa., iii, 5 ; Marc., xvi, 16. C’est la doctrine des Pères et des papes. Saint Thomas a bien résumé la pensée catholique en écrivant : « Il est évident qu’un petit enfant, mourant dans le désert, sans baptême, ne pourra obtenir le salut. » Quodl., vi, a. 4 ; cf. Sum. theol., III a, q. lxviii, a. 3. L’opinion de Cajétan n’est pas ad rem. Voir t. ii, col. 1328. Elle implique, en effet, que les parents connaissent la loi du baptême. D’ailleurs, sans être directement réprouvée, l’opinion du cardinal dominicain fut écartée par ordre de Pie V.

La question de la valeur actuelle du remède propre à l’état de la loi de nature ne se pose donc pas au point de vue objectif. Mais les théologiens font observer que le caractère d’une loi, considérée subjectivement, c’est-à-dire par rapport à ceux que cette loi entend obliger, n’existe qu’à partir du moment où ils en ont pris une connaissance suffisante. Cf. Chr. Pesch, Prœlectiones, t. v, n. 544. Autre chose, en effet, est la promulgation d’une loi, autre chose sa divulgation. Suarez, De legibus, t. X, c. iv, n. 25. Si la promulgation de la loi du baptême est faite, et très suffisamment, depuis la mort du Christ, sa divulgation s’accomplit tous les jours pour les individus pris séparément. Or l’obligation subjective dépend de cette divulgation. On peut donc se demander s’il n’a pas existé après le Christ, s’il n’existe pas encore de nos jours des régions où la divulgation de la loi du baptême est insuffisante, de façon à laisser encore quelque efficacité, en certains cas du moins, au remède propre à l’état de la loi de nature.

b) Les solutions.

Tout le monde est d’accord sur le principe suivant : « Le temps de l’obligation subjective du baptême marque la cessation de l’efficacité des anciens remèdes. » Saint Bernard établit nettement ce principe en répondant à une consultation d’Hugues de Saint-Victor : Ex co tempore tantum cuique rœpit antiqua observatio non valerc, et non baplizalus qnisque novi priecepli reus existere, ex quo præreplum ipsum inexcusabiliter ad ejus potu.it pervenire notiliam. Epist. ad Hugonem, c. ii, P. L., t. clxxxii, col. 1032. Ainsi l’obligation subjective de la loi du baptême ne s’impose aux individus (cuique… quisque) que dès l’instant où ils n’ont pu, sans faute de leur part, ignorer le précepte du Christ. Hugues de Saint-Victor développe la doctrine de saint Bernard. De sacramentis, t. III, part. VI, c. iv, P. L., t. clxxyi, col. 450 sq. Cf. Alexandre de Halès, Summa, part. IV, q. viii, memb. 2, a. 3 ; S. Bonaventure, In IV" 1 " Sent., dist. III, part. IL Saint Thomas lui-même, si affirmatif en ce qui concerne la nécessité du baptême, écrit dans le Commentai, e sur les Sentences, t. IV, dist. III, a. 5, sol. 3 : « Après la passion (du Sauveur), le baptême devint obligatoire… pour tous ceux à qui cette institution put être connue, quantum ad omnes ad quos inslilulio potuit pervenire. » Et il résout toutes les difficultés en rappelant qu’ « aucun précepte n’oblige avant sa divulgation », ner prseceptum obligai anlequam sit divulgatum. Et fous les théologiens sont d’accord sur ce point. De Augustinis résume la doctrine de principe d’un mot : le remède de l’état de la loi de nature a gardé son efficacité usque ad sufficientem promulgationem legis Christi. Dr re sacramentaria, t. i, p..’(3.

Mais, là où le désaccord commence, c’est sur la question de fail : le temps de l’obligation subjective du baptême est-il arrivé pour tous et pour chacun’.' En toute hypothèse, il faut, avec Suarez, distinguer promulgation et divulgation et admettre, pour la suffisance de la divulgation, du moins en certaines régions, un temps plus ou moins long, des siècles petit clic, de sorte qu’en ces régions, pour les individus ignorants du baptême, le remède propre à l’état de la loi de

nature gardait son efficacité en vue de la sanctification des petits enfants. Peut-on dire qu’actuellement, il reste encore des peuples ou tout au moins des individus pour qui cette divulgation soit encore insuffisante ? Question purement de fait, et sur laquelle il n’est pas étonnant que les théologiens soient en désaccord.

a. Première opinion : La divulgation de l’Évangile est partout et pour tous suffisante. — Hugues de Saint-Victor, loc. cit., dont on trouve un écho dans la formule trop absolue dont se sert Chr. Pesch, op. cit., n. 417. Opinion qui se heurte aux faits les plus évidents. Les théologiens du Moyen Age paraissent l’avoir unanimement adoptée, mais ils sont excusables, étant donnée l’insuffisance, à leur époque, des connaissances géographiques et ethnologiques.

b. Deuxième opinion  : La divulgation insuffisante qui existe en certaines régions et pour certains individus n’est plus, à l’heure actuelle, qu’une circonstance accidentelle, laquelle excuse du péché les hommes qui, par ignorance, ne se soumettent pas à la loi du baptême, mais ne peut ni enlever au baptême sa nécessité, ni conserver au remède propre à l’état de la loi de nature son efficacité. C’est l’opinion de Suarez, loc. cit., n. 25.

c. Troisième opinion. — Cette opinion part du principe incontesté que la loi divine positive n’oblige les individus que dans la mesure où elle est suffisamment connue d’eux. D’autre part, il semble contraire à la miséricorde de Dieu de laisser sans aucun remède toute une catégorie d’enfants pour qui le baptême est impossible. Perrone, Prælectiones theologise. De baptismo, n. 135. Perrone conclut que « les infidèles négatifs, avant une promulgation suffisante de la loi évangéliquc, se trouvent exactement dans la même condition où se trouvaient, avant la venue du Christ, relativement au moyen de salut, toutes les nations, en ce qui concerne soit les adultes, soit les enfants. Outre De baptismo, cité, voir aussi De virtutibus fidei, spei et carilatis, n. 326-327. Inclinent vers cette opinion : Gousset, Théologie dogmatique, t. i, Paris, 1861, p. 551, n. 917 ; Théologie morale, t. i, Paris, 1861, p. 51, n. 122 ; Justification de la théologie morale du bx A.-M. de Liguori, Besançon, 1832, p. 212-213, note ; Martinet, Instit. theol., t. iv, Paris, 1859 ; Theol. sacram., t. II, a. 4, § 3 ; Theol. mor., t. i, p. 104-105 ; De legibus, t. I, a. 4, § 4 ; (card.) Fischer, De salute infidelium, Essen, 1886, p. 57. Tanquerey, qui avait jugé cette doctrine « plus conforme à la sagesse et à la miséricorde de Dieu » s’est rapproché, dans ses dernières éditions, de l’opinion de Suarez, qu’il qualifie d’opinion commune parmi les théologiens. Bien que Hurtcr, Compendium theol., t. iii, n. 970, note, et n. 1018, et surtout Dublanchy, De axiomate : extra Ecclesiam nulla salus, Bar-le-Duc, 1895, p. 201-205, aient adopté et même accentué l’opinion de Perrone, on ne saurait laisser croire qu’elle est l’opinion « des docteurs plus récents ». L’immense majorité des théologiens, même contemporains, suit ici Suarez.

c) Critique.

On trouvera dans Ilugon, Hors de V Église, pas de salut, p. 247-249, une critique fort dure de l’opinion de Perrone. Hugon se place, pour réfuter la thèse qu’il combat, sur le terrain dogmatique, invoquant la réprobation de l’opinion de Cajétan, l’autorité du concile do Milève (Cartilage), de celui de Florence, du concile de Trente. Nous avons déjà dit que l’opinion de Cajétan n’est pas ad rem. Le concile de Milève. (en réalité Carthagc, 418) a défini la nécessité’du baptême pour la vie éternelle ; mais c’était contre les pélagiens, pour qui le baptême était une institution connue. Le concile de Florence, dans le décret Pro jacobitis, n’envisage pas le cas des infidèles négatifs. Sa déclarai ion vise le cas très spécial des enfants qui, pouvant être baptisés, sont renvoyés, pour la réception du baptême, selon différents usages reçus