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SACREMENTS P R EC II H ETIE NS. EXISTENCE


ceux qui, par suite d’une institution divine, possédaient la vertu de rendre ceux qui les recevaient aptes à prendre part au culte légal, en leur communiquant une certaine pureté, en leur donnant une sorte de consécration. Potest considerari eorum institutio ad cullum divinum, quod fit per qwimdam consecralionem i>cl populi vel minislrorum, et ad hoc pertinent sacramenta. S. Thomas, Sum. theol., P-II*, q. ci, a. 4. o Seuls donc, les rites qui étaient une consécration et une habilitation au service divin doivent être comptés parmi les sacrements de l’Ancien Testament. De ces sacrements, les uns étaient destinés au peuple et concernaient la sanctification de la communauté en vue de la participation au culte divin ; les autres regardaient et avaient pour objet la consécration spéciale des prêtres et des lévites en vue de l’exercice de ce culte. » N. Gihr, Les sacrements de l’Église catholique, trad. franc., 1900, t. i, p. 29.

2° Différence essentielle avec les sacrements chrétiens.

— Sans doute, les sacrements préchrétiens présentent le même caractère symbolique et pratique que les sacrements chrétiens ; ils en diffèrent cependant d’une façon essentielle, car leur symbolisme n’est qu’analogue. La Loi ancienne n’est qu’une figure, une préparation de la Loi nouvelle. Ce symbolisme ne figure et ne rappelle la sanctification intérieure des âmes que d’une manière indirecte et très lointaine, en tant que ces rites préparent et préfigurent les sacrements de la Loi nouvelle. P ?r eux-mêmes, les sacrements de l’ancienne Alliance, imparfaits comme la Loi elle-même, ne figurent et ne signifient qu’une purification légale, extérieure, une consécration purement rituelle. Ils n’atteignent pas l’intérieur de l’homme, mais le libèrent simplement d’irrégularités légales. Cf. Heb., ix, 9-14. « Pureté de la chair », dit l’épître aux Hébreux, ix, 13, qui ne rappelle que de loin cette purification que le Christ apporte à notre conscience, en vue de servir le Dieu vivant. Ibid., 14. Cf. Phil., iii, 0 ; justitia quæ in lege est. Cette lointaine et indirecte préparation est appelée par saint Paul la pédagogie de la Loi, Gal., iii, 24, bien en rapport avec les « types » et les « ombres » des biens du Christ à venir. Cf. LIeb., x. 1 ; Col., ii, 17. Aussi saint Thomas conclut-il que « les sacrements de l’ancienne et ceux de la nouvelle Loi ne sont pas des espèces du même genre, mais des termes simplement analogues… Le sacrement proprement dit est celui qui cause la sainteté ; celui qui ne fait que la signifier n’est qu’un sacrement improprement dit, secundum quid ». In /V™ Sent., dist. I, q. i, a. 1, sol. 3, ad 5um.

II. Existence.

Il faut distinguer les trois états successifs dans lesquels s’est trouvée la nature humaine : l’état d’innocence, l’état de la loi de nature, l’étal de la loi mosaïque.

1° État d’innocence. - - Ce fut l’état d’Adam et d’Eve au paradis terrestre avant leur péché. Les théologiens considèrent le fait de cet état qui, vraisemblablement dura peu de temps, et l’hypothèse d’une plus longue durée, au cas où Adam n’aurait pas péché.

1. Pour la question de fait, c’est la doctrine commune qu’aucun sacrement n’a existé dans l’état d’innocence. Si saint Paul, faisant allusion à Eve, Gen.. ii, 24, donnée pour compagne à Adam, « os de ses os, et chair de sa chair >, déclare que ce « sacrement est grand » (Eph., v, 31-32), le mot sacrement, en grec ijwcTTjpiov, est pris ici avec la signification de figure de l’union du Christ et de l’Église.

La doctrine commune des théologiens se fonde sur deux raisons : le, temps de l’innocence fut si bref que des sacrements y eussent été sans utilité et par ailleurs les premiers hommes étaient parfaits dans la connaissance des choses surnaturelles et doués de la

grâce et de la justice nécessaires. Suarez, De sacramentis, disp. III, sect. iii, n. 6. Cf. de Lugo, De sacramentis, disp. III, sect. i, n. 5 ; Jean de Saint-Thomas, op. cit., disp. XXIII, a. 2, n. 8-18.

2. Dans Vhypolhèse où l’état d’innocence se serait prolongé, deux tendances se manifestent dans les réponses des théologiens au sujet de l’existence possible de tels rites.

a) Saint Thomas et les thomistes en général répondent négativement. Dans cet état, les sacrements étaient, inutiles, et leur institution eût été contraire aux convenances de la nature humaine. Inutiles, parce que l’homme trouvait en lui-même toutes les ressources nécessaires à sa persévérance ; inconvenants, parce que c’eût été mettre la vie spirituelle de l’homme sous la dépendance d’éléments matériels. Cf. S. Thomas, IIP, q. lxi, a. 2 ; In IV aTa Sent., dist. I, a. 2, sol. 2 ; S. Bonaventure, In /Vum Sent., dist. II, a. 1, q. i ; Jean de Saint-Thomas, op. cit., disp. XXIII, a. 2, n. 23 sq. Toutefois, certains thomistes concèdent qu’il n’existerait aucune répugnance absolue à l’institution de sacrements en cet état prolongé. Gonet, Chjpeus, De sacramentis, disp. II, a. 1, § 2, n. 11. Si Adam persévérant dans l’état d’innocence, un de ses descendants axait péché, il aurait dû retrouver l’état de grâce par un acte de charité et de contrition. Gonet, loc. cit., n. 40. Voir parmi les auteurs contemporains, Billot, De sacramentis, t. i, th. iii, § 2 ; Mattiussi, De sacramentis animadi’crsiones, p. 10 ; Hugon, Tractatus dogmatici, t. iii, q. ii, a. 2. Tous trois dans le sens strictement thomiste.

b) D’autres commentateurs de saint Thomas admettent en cet état non seulement la possibilité, mais la convenance de sacrements qui auraient permis aux hommes de pratiquer le même culte, de renouveler et d’accroître leur ferveur et même d’avoir des moyens d’augmenter en leur âme la grâce ex opère operalo. C’est surtout Suarez qui a attaché son patronage à cette opinion, en raison de sa doctrine sur le motif de l’incarnation, voir Incarnation, t. vii, col. 1490. L’incarnation ayant pu être décidée indépendamment du péché d’Adam, il n’y a aucun inconvénient à ce que, dépendainment de l’incarnation et pour ajouter encore à la perfection de l’univers, des sacrements aient été institués pour permettre à l’homme d’exprimer sa foi intérieure, d’exciter par eux le souvenir des bienfaits de Dieu et si reconnaissance, de connaître plus facilement les mystères surnaturels, enfin, comme on l’a déjà insinué, d’unifier entre eux le culte dû à Dieu. Ces sacrements eussent été l’eucharistie et l’ordre. Op. cit., disp. III, sect. iii, n. 4 sq.

Aucune conclusion à tirer de cette controverse toute spéculative et un peu oiseuse.

Sous la loi de nature.

On appelle cet état

— période de la loi naturelle — l’état dans lequel a vécu l’humanité, chez les ancêtres des Juifs, de la chute d’Adam jusqu’à la Loi mosaïque, chez le reste de l’humanité, depuis la chute jusqu’à la promulgation de l’Évangile. La destination surnaturelle de l’humanité n’est pas supprimée ; mais la voie qui y conduit est la pénitence, au lieu d’être l’innocence. Si l’on appelle cette période la période de la loi naturelle, ce n’est pas que l’observation des seuls préceptes de la loi naturelle y suffise à conduire l’homme à son salut ; les adultes sont tenus d’exciter en eux la foi, l’espérance, la charité et le repentir, puisque, sans ces vertus surnaturelles, il est impossible d’atteindre la fin surnaturelle..Mais les préceptes surnaturels de cette époque sont peu nombreux et peu déterminés ; ils découlent de la nature elle-même excitée par une inspiration intérieure (interiori instinctu, dit saint Thomas, IIP, q. lx, a. 5, ad 3um). Aussi, par opposi-