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SACREMENTS. EFFETS, LA GRACE


doctrine du miracle chez saint Thomas, p. 148-159. Hurter, Compendium theol. dogm., t. iii, n. 244, 265, admet une causalité qu’il appelle physique et qui, à tout bien considérer, se rapproche singulièrement de la causalité intentionnelle de Billot. Quant à De Bacts, De sacramentis in génère, G3nd, 1907, s’il est d’accord avec Billot sur la nature intentionnelle de la causalité sacramentelle, il s’en sépare sur le terme même de l’action instrumentale ; cette action serait, non dispositive, mais perfective.

b) Raisons invoquées en sa faveur. — La démonstration de Billot, dans De sacramentis, t. i, comporte deux objets : le terme de l’action sacramentelle, à savoir une disposition à la grâce ; la nature intentionnelle de la vertu instrumentale.

a. Le terme de l’action sacramentelle est une disposition à la grâce. — Trois arguments sont ici invoqués. D’abord la signification du sacrement. Tout sacrement validement administré est un signe pratique complètement vrai. Or le sacrement valide peut exister sans la grâce (le cas de fiction). Donc la signification pratique du sacrement n’est pas la grâce en soi, mais quelque chose qui dispose à la grâce.

Ensuite la reviviscence des sacrements : cette reviviscence ne peut s’expliquer sinon parce que le sacrement cause d’abord un effet préalable exigitif de la grâce : le res et sacramentum, appelant la res sacramenti.

Enfin, la nécessité d'établir un mode uniforme dans l’explication de la causalité sacramentelle doit nous faire conclure, pour tous les sacrements, au même mode de causalité que dans les sacrements qui « revivent ». Th. vii, § 2.

b. La nature intentionnelle de la vertu instrumentale. — L’auteur reprend d’abord tous les arguments invoqués par les partisans de la causalité morale contre la causalité physique. Puis, positivement, il apporte trois arguments en faveur d’une vertu sacramentelle simplement intentionnelle :

D’abord, l’autorité du concile de Florence : l’intention que doit avoir le ministre de faire ce que fait l'Église ne saurait s’accommoder d’une vertu physique. — Ensuite la nature du sacrement, qui est essentiellement un signe, exige une vertu sacramentelle de même ordre, c’est-à-dire intentionnelle. — Enfin, la vertu intentionnelle sauvegarde mieux la dignité du sacrement qui, dans le système de la vertu physique, échappe moins facilement au reproche d' « efficacité magique » que lui attribuent les incrédules et les protestants. Ibid., § 3.

2. Discussion de celle opinion.

Les objections ont été multipliées contre la théorie de Billot. Lui-même rapporte et résout sept objections contre la causalité dispositive et sept également contre la vertu intentionnelle. Cf. op. cit., édit. de 1924, p. 128-133, 137-143.

Quoi qu’il en soit des objections de détail et de la difficulté d’accorder une causalité « intentionnelle » avec les assertions de la tradition catholique, il semble bien qu’essentiellement l’objection sérieuse tombe sur l’impossibilité, d’une part, de concevoir une vertu seulement intentionnelle et, d’autre part, de s’arrêter à une causalité simplement dispositive.

a) « L’explication du P. Billot détruit la vraie notion d’instrument et enlève toute causalité positive aux rites surnaturels. L’instrument doit recevoir, au moment où il est appliqué, une influence qui le fortifie, des énergies nouvelles qui le rendent plus efficace, plus actif, sans quoi il restera condamné ù une perpétuelle inertie. L'être intentionnel dont on parle est purement extrinsèque, il ne confère aucune force intérieure à l’instrument : le signe sensible sera donc vide et efficace. L’intention, la députation, ou l’institution du législateur, ne suffisent pas pour appliquer, elles ne donnent que V aptitude ; il faut, en outre, une

activité intrinsèque, qui tire l’instrument de son état statique et le mette en exercice. Avec la théorie de la vertu intentionnelle, la causalité des sacrements est tout entière dans leur institution ; ils n’ont donc pas une causalité nouvelle au moment où ils sont conférés. L’institution et la députation étant déjà faites par Notre-Seigneur, toute l’activité sacramentelle a été posée à l’origine. Leur rôle unique aujourd’hui est de parler à notre esprit : c’est dire qu’ils n’ont plus d’efficacité intrinsèque actuelle ; c’est nier la causalité ex opère operato, que le docte professeur du Collège romain défend cependant avec tant d'énergie. » E. Hugon, La causalité sacramentelle, p. 161. Les exemples donnés par Billot vont à rencontre de sa thèse : les paroles pontificales au consistoire ne sont pas la cause du pouvoir des évêques ; elles manifestent simplement la volonté du pape qui seule confère effectivement la juridiction.

b) S’arrêter à une disposition à la grâce, c’est encore aller directement contre la causalité du sacrement. Personne ne nie, dans la plupart des sacrements, l’existence d’un res et sacramentum, signifié extérieurement par le sacramentum tantum et qui est à son tour signe de la grâce intérieure, res sacramenti. Mais il s’agit de savoir si l’efficacité instrumentale du sacrement a pour terme le res et sacramentum, disposition à la grâce. D’après les principes les mieux établis de saint Thomas, « l’activité instrumentale est celle qui coopère à tout l’effet de l’agent supérieur ; l’action de l’instrument et celle de la cause principale ne se séparent pas, il n’y a qu’une seule passion et qu’un seul terme. Il ne faut donc pas mettre, d’un côté, l’effet instrumental des sacrements et, de l’autre, l’effet propre de Dieu : c’est une seule et même réalité. Si l’on concède que nos rites sont les instruments de Dieu au sens rigoureux du mot, il faut confesser qu’ils atteignent l’effet total de la cause principale et le caractère et la grâce. Ainsi l’exige la notion vraie de l’instrument. » Hugon, op. cit., p. 164. Tout ce qu’un vrai thomiste peut concéder à la causalité « dispositive », c’est que les sacrements opèrent dispositivement par rapport à l’action de l’agent principal, ce qui, répétonsle, ne signifie pas une disposition à cette action.

Ces deux arguments paraissent péremptoires. D’ailleurs, depuis le concile de Trente qui affirme que « les sacrements de la Loi nouvelle confèrent ex opère operato la grâce », comment oser soutenir qu’ils confèrent ex opère operato « une disposition à la grâce ? »

Tout cependant n’est pas à rejeter dans la théorie de Billot : la doctrine de l’intention est à retenir. Ne l’avons-nous pas trouvée chez Jean de Saint-Thomas comme expliquant l'être symbolique et sacramentel du rite ? Être de raison, être intentionnel, l’institution du Christ, dépendant de sa volonté jadis exprimée, suit le sacrement, le complète, lui donne sa signification et son efficacité jusque dans ses éléments sensibles, nature et forme, auxquels d’ailleurs elle confère l’unité sacramentelle jusque dans son application au sujet par l’intention du ministre, jusque dans la production de la grâce. Et cette part de vérité, les adversaires de Billot ne l’ont pas assez reconnue. Mais cette « vertu intentionnelle » dérivée de la volonté du Christ ne saurait pas plus agir sans vertu physique instrumentale qu’elle ne saurait constituer un sacrement sans les éléments sensibles. Et voilà ce que Billot n’a pas su discerner.

VI. Les effets des sacrements.

Les théologiens énumèrent trois effets des sacrements : la grâce, la grâce sacramentelle, le caractère. Cette étude des effets des sacrements peut se conclure par quelques considérations sur la nécessité des sacrements et l’ordre à mettre entre eux.