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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. CAUSALITÉ, NÉGATIONS HÉRÉTIQUES

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tion » de la grâce, a été le coup de mort pour la théorie de la causalité dite dispositive :

" II conviendrait… de ne pas oublier que la théorie de la causalité dispositive a une histoire dont nous ne pouvons pas la détacher : elle est entrée dans l’existence, et elle s’y est soutenue par le moyen d’une théorie particulière sur l’infusion de la grâce dans l'âme. Pour les anciens théologiens, la grâce est créée dans l'âme. On ne dira donc pas que les sacrements la produisent directement et immédiatement : dire que les sacrements produisent la grâce directement et immédiatement revient à dire qu’ils la créent, et nous savons, d’autre part, que nulle cause créée ne peut servir d’instrument dans une œuvre de création. Que devaient faire les théologiens devant la rigueur de cette déduction ? Beaucoup d’entre eux avaient pris un parti qui n'était pas hon : puisque les sacrements ne peuvent servir, comme instruments, à la production de la grâce, ils en conclurent que les sacrements n'étaient pas causes, mais conditions de la grâce. Ainsi prit jour la théorie de la causalité occasionnelle. Celle-ci apparut, en effet, trop faible, trop minimiste, expression imparfaite et inadéquate des textes traditionnels : tout en maintenant l’idée de la création de la grâce, il fallait, quand même, renforcer l’idée de la causalité sacramentelle. Dans le grand embarras où se perdit un moment la théologie pour mettre d’accord deux choses qui lui paraissaient, â la réflexion, de plus en plus éloignées, un exemple favorable fut trouvé : c’est celui de la génération humaine. L'âme humaine n'était-elle pas créée, elle aussi ? ]".t cependant refusait-on au père une certaine influence dans sa production ? De son acte résulte, au contraire, dans l’organisme, la disposition dernière qui nécessite la création de l'âme : son intervention ne va pas plus loin, mais elle va jusque là. Pourquoi n’admettrait-on pas qu’il en est de même de la causalité sacramentelle ? II semble qu’il y ait correspondance parfaite dans les deux cas. De même que l'âme humaine échappe â la causalité du père, ainsi la grâce échappe, elle aussi, â la causalité du sacrement : leur création les place, l’une et l’autre, au-dessus du monde créé ; mais, en retour, de même que le père dépose dans l’organisme une disposition qui nécessite l'âme, ainsi le sacrement dépose dans l'âme une disposition qui nécessite la grâce : dispositio, quie est nécessitas, quantum in se est, ad yratiæ susceptionem. Tous les scrupules des théologiens étaient apaisés. La causalité dispositive représentait une formule suffisante, une formule honorable, la seule en tout cas qui fût possible, si l’on admettait la création de la grâce. — Que suit-il de là? — Il suit de là que la causalité dispositive vaut ce que vaut la création de la gract. Si la „i -ice n est pas cr ; ie, la eau.dit : diapositive devient une chimère : elle n’a eu de raison d'être que dans l’hypothèse de la création de la grâce ; celle-ci étant trouvée fausse, celle-là demeure sans soutien. Ainsi touchons-nous du doigt l’explication du progrès qui s’est accompli dans l’esprit de saint Thomas quant à la causalité dispositive : aussi longtemps qu’il a cru à la création de la grâce, saint Thomas a cru à la causalité dispositive ; il a abandonné la causalité dispositive, dès qu’il eut abandonné la création de la grâce. » Ami du clergé, 1926, p. (53.

L'école franciscaine, surtout après Scot, Martin de Ledesma et Melehior Cano se retournant, pour éviter la difficulté, vers l’hypothèse de la pactio divina ou de la causalité morale a-t-elle été plus heureuse ? N’est-elle pas retombée, sans le vouloir, dans tous les inconvénients de la causalité occasionnelle ? (l’est ce que la théologie postérieure au concile de Trente examinera.

II. LES NÉGATIONS HÉRÉTIQUES ET LES DEFINITIONS DV CONCILE DE TUENT E.

1° Avant le protestantisme : les premières décisions de V Eglise relatives au dogme de l’efficacité sacramentelle. — Sous des formes bien diverses, le dogme de l’efficacité sacramentelle a été attaqué depuis les premiers siècles. La querelle des rebaptisants en pourrait peut-être fournir un premier exemple ; celle des réordinations un autre, encore qu’il ne faille pas trop insister sur cet aspect. Les négations des vaudois et des cathares quant à l’efficacité des sacrements administrés par des prêtres pécheurs ; plus tard encore, les assertions de WiclefT et de Hus sur des points analogues obligeront l'Église à formuler sa pensée plus nettement, soit par la condamnation expresse

des erreurs avancées, soit dans une proposition positive de la doctrine. Sans refaire ici l’histoire de ces erreurs qu’on trouve ailleurs dans les différents articles de ce dictionnaire, il sera utile de récapituler brièvement les premières décisions de l'Église relatives au dogme de l’efficacité sacramentelle.

1. Les formules générales.

a) À propos du baptême, le concile de Carthage de 418 anathématise ceux qui voudraient prétendre qu’en baptisant les petits enfants en rémission des péchés, on emploie une formule fausse, les enfants n’héritant pas d’Adam le péché originel. Il faut croire, au contraire, avec l'Église que les petits enfants sont vraiment baptisés en rémission des péchés, cette régénération les purifiant des souillures contractées par eux dans la génération. Can. 2. Denz.-Bannw., n. 102. Le baptême a donc une réelle efficacité à l'égard du péché originel.

b) Le 11° concile d’Orange (529) déclare dans la profession de foi finale qu’après la grâce reçue par le. baptême, tous les baptisés peuvent et doivent, avec le secours et la coopération du Christ, remplir, s’ils veulent fidèlement y travailler, les devoirs qui importent au salut de leur âme. Denz.-Bannw.] n. 200.

c) La lettre d’Innocent III à Ymbert d’Arles (1201), insérée aux Décrétâtes, t. III, tit. iii, 42, Majores, jette le blâme sur ceux qui prétendent que le baptême est conféré inutilement aux enfants, disant que la foi ou la charité et tes autres vertus ne peuvent leur être infusées, même en tant qu’habitas, parce qu’ils sont incapables de consentir. Denz.Bannw., n. 410. La même décrétait' indique que le baptisé, même ne recevant pas la grâce (rem sacramenti) en raison d’une fiction qui s’y oppose, reçoit néanmoins en certains cas le caractère. Id., n. Il 1. De ces documents on doit conclure que le sacrement par luimême opère un effet dans l'âme.

d) Dans la profession de foi imposée aux vaudois, le même Innocent III les oblige à reconnaître une véritable efficacité aux sacrements administrés par un prêtre pécheur. Ht il ajoute que le baptême ouvre le ciel aux enfants qui l’ont reçu, s’ils viennent à mourir avant d’avoir commis d’autres péchés ; que tous les péchés, tant le péché originel que ceux volontairement commis sont remis par le baptême. Denz.-Bannw., n. 424. Contre les mêmes hérétiques, le I v concile du Latran, sous le même pape, enseigne l’efficacité de l’eucharistie quant à la transsubstantiation du pain au corps, du vin au sang (du Christ) ; l’utilité pour le salut du baptême convenablement conféré par qui (lue ce soit ; la possibilité de réparer par la pénitence les chutes commises après la réception du baptême. Denz.-Bannw., n. 130. Toutes expressions qui marquent bien que les sacrements opèrent salutairement en l'âme du chrétien.

e) Grégoire IX renouvelle contre les cathares et autres hérétiques les mêmes condamnations ; donc promulgue de nouveau la doctrine de la valeur des sacrements dûment administrés. Denz.-Bannw., n. 444.

2. Les formules plus directes.

a) Le concile de Vienne publie une déclaration sur l’efficacité du baptême dans l'âme des petits enfants, approuvant l' « opinion » qui enseigne qu’aux enfants comme aux adultes est conférée dans le baptême la grâce informante arec les vertus. Denz.-Bannw., n. 483.

b) Le concile de Florence prélude d’une façon plus complète aux canons de Trente. Tandis que les documents précédents ne s’occupent guère que de l’efficacité du baptême, le décret Pro Armenis envisage, avant toute déclaration particulière à chaque sacrement, une déclaration sur les sacrements en général. L’instruction pratique aux Arméniens est empruntée presque textuellement à l’opuscule De articulis fidei et Ecclesiæ sacramentis de saint Thomas d’Aquin. À l’article