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SACREMENTS. CAUSALITÉ, SAINT THOMAS


formalis. Deus enim est principalis causa, et ipse est efficiens respeetu utriusque, quia fidem agit intra per seipsum, sacramentum extra per ministrum. C’est donc à la présence de la foi, excitée dans l'âme par la réception des sacrements, que Dieu intervient et justifie intérieurement l’homme. Quant aux petits enfants qui ne peuvent encore éprouver les mouvements de la foi, la foi de l'Église catholique et des autres suffit à justifier l’intervention divine en leur faveur. Ipse Deus] ad præsentiam fidei in aliis et actualis susceptionis sacramentorum operatur per semetipsum spiritualiter habitualem justitiam interius in ipsis parvulis. In IV am Sent., dist. I, op. cit., p. 28, 30. e) Albert le Grand. — Il semble incliner vers une causalité efficiente par mode de disposition : sacramentum est causa ut disponens in subjecto et est dispositio quæ est nécessitas, quantum in se est. Seule, la fiction du sujet peut empêcher la disposition d’aboutir à l’effet (res) du sacrement. In /V ura Sent., dist. I, B, a. 6, q. ii, ad lum. H.-D. Simonin, op. cit., p. 53 ; Gierens, op. cit., p. 38.

() Hugues de Strasbourg. — Il se rapproche beaucoup de Guillaume d’Auvergne, de Bonaventure (deuxième opinion) et de Richard de Fishacre. Les sacrements sont dits vases et cause de grâce, non quod in eis gratia substantialiter contineatur vel causaliter efficiatur, cum in sola anima habeal collocari et a solo Deo infundi, sed quia in illis et per illa graliam curationis a summo medico Christo oporiet hauriri, licel non alligaverit potentiam suam sacramentis… Compendium theologiee, t. VI, c. iv, dans Alberti M. opéra omnia, édit. Borgnet, t. xxxiv, p. 203 ; H.-D. Simonin, op. cit., p. 56.

7. Appréciation générale.

Si nous mettons à part l’opinion personnelle de Richard de Kilwardby, qui semble au premier abord un prélude lointain à la doctrine sacramentaire de Luther, on constate, dans l’ensemble des théologiens qui ont précédé saint Thomas, les deux grands courants signalés déjà par plusieurs d’entre eux, notamment par saint Bonaventure : d’une part, ceux qui accordent aux sacrements la vertu de produire dans l'âme une disposition à la grâce ; d’autre part, ceux qui, recourant à l’explication de l’assistance divine présente dans le sacrement, enseignent qu’en vertu du pacte divin, chaque fois que le sacrement est administré Dieu confère directement la grâce. Les premiers paraissent les précurseurs de la causalité dispositive ; les seconds s’apparentent aux futurs tenants de la causalité morale. Observons toutefois que saint Bonaventure comme Alexandre de Halès et, plus tard, Bichard de Médiavilla et Duns Scot sont représentés comme ayant enseigné une causalité improprement dite de condition sine qua non. On l’a vii, pour les deux premiers auteurs cités, on le verra plus loin pour les deux autres, l’assertion est contestable. Cf. Henriquet, De causalitate sacramentorum juxta codicem autographum S. Bonaventuræ, dans Antonianum, 1933, p. 377 sq. ; P. Bemy, La causalité des sacrements d’après saint Bonaventure, dans les Études franciscaines, 1930, p. 324 sq.

Saint Thomas d’Aquin.

Il convient d’exposer

les textes avant les discussions exégétiques auxquelles ils donnent lieu.

1. Exposé des textes.

a) Dans le Commentaire des Sentences, t. IV, dist. I, q. i, a. 4, saint Thomas répond à diverses questions touchant la causalité des sacrements.

Tout d’abord, tous sont obligés de confesser que les sacrements de la Loi nouvelle sont, au moins d’une certaine manière, cause de la grâce. Rejetant l’opinion qui considère le sacrement simplement comme une condition sine qua non, saint Thomas s’arrête à l’explication des auteurs qui envisagent, dans l'âme,

un double effet sacramentel : l’un, sacramentum et res, c’est-à-dire le caractère ou, dans les sacrements n’imprimant pas de caractère, un ornement de l'âme ; l’autre, res sacramenti, c’est-à-dire la grâce. Par rapport au premier effet, le sacrement extérieur est cause efficiente, mais par rapport au second, il ne produit dans l'âme qu’une disposition appelant nécessairement la grâce, à moins que le sujet n’y mette obstacle.

La première opinion est rejetée par saint Thomas parce qu’elle ne lui semble pas suffisamment tenir compte de la notion de causalité : le rapport existant entre le signe extérieur et l’effet de la divine miséricorde dans l'âme ne dépendant que de la volonté divine, ne confère au sacrement aucune causalité véritable. Le sacrement demeure un signe et rien qu’un signe, tout comme le denier en plomb donné en échange d’une somme d’argent. L’autre solution est magis theologis et dictis sanctorum conveniens. Elle répond mieux à la notion de la causalité instrumentale, qui est celle des sacrements. L’instrument, en effet, mû par la cause principale, atteint toujours un effet supérieur à l’effet qu’il produirait naturellement, soit la perfection dernière produite par la cause principale, soit une disposition à cette perfection. Or, dans la justification, Dieu est la cause principale et ne se sert des sacrements que comme d’instruments dont la nature même de l’homme montre la convenance. L’action propre de ces instruments, envisagés comme causes naturelles, est une action purement extérieure sur le corps : ablution, onction, etc. Mais, en tant qu’instruments de la divine miséricorde, les sacrements atteignent un premier effet dans l'âme elle-même, le caractère ou quelque chose d’analogue. Quant au dernier effet, qui est la grâce, non pertingunt etiam instrumentaliter, nisi disposilive, in quantum hoc ad quod instrumentaliter effective pertingunt est dispositio, quæ est nécessitas, quantum in se est, ad gratiæ susceplionem. Id., sol. 1.

La suite des questions abordées renforce l’impression que saint Thomas enseigne ici la « causalité dispositive ». Dans la première opinion rejetée, la vertu sacramentelle n’est qu’une simple relation à l’effet surnaturel attaché par Dieu à la réception du sacrement ; dans la seconde, c’est un être réel, mais incomplet, motion reçue de la cause principale et qui ne fait qu’y passer pour atteindre son effet. Id., sol. 2. L’efficacité de cette vertu a trois sources : l’institution du Christ, comme cause principale agissante ; la passion du Christ, comme cause méritoire ; la foi de l'Église reliant l’instrument à l’agent principal. Sol. 3. C’est en raison de cette motion qui passe dans le sacrement qu’on peut dire des sacrements qu’ils contiennent la grâce. Ainsi la grâce est dans le sacrement comme dans sa cause instrumentale dispositive : sacramentum etiam instrumentaliter non atlingit directe ad ipsam gratiam, sed dispositive (sol. 4), tandis que l' « intention » ou « vertu » qui dirige l’action sacramentelle est dans le sacrement comme dans son sujet. Ibid., ad lum. C’est en ce sens qu’il faut interpréter la comparaison des sacrements « vases » de la grâce. Ibid., ad 2um. Enfin, la grâce produite par les sacrements est dite grâce sacramentelle ; elle se diversifie selon la diversité des défauts que doivent corriger les sacrements. Elle n’est pas séparable de la grâce qui accompagne les vertus et les dons, laquelle est une sorte de continuation de la grâce sacramentelle. Sol. 5.

Dans la dist. V, q. i, a. 2, saint Thomas expose comment les ministres du sacrement coopèrent à l'œuvre de sanctification dont Dieu est la cause efficiente. Il ne s’agit pas d’une coopération dont l’efficacité emprunterait sa valeur à l'œuvre accomplie par le ministre lui-même, ex opère opérante, mais d’une coopération dont la valeur est tout entière ex opère