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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATIONS HÉTÉRODOXES

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n’être qu’une « mauvaise réplique du catholicisme ». Id., ibid. Sur la position des luthériens actuels, voir Kaftan, Dogmatik, 3e édit., Leipzig, 1909, § 64.

2° L’explication du modernisme et du protestantisme libéral. — Pour les modernistes aucun sacrement n’a été institué par Jésus-Christ : « On peut dire que Jésus, au cours de son ministère, n’a ni prescrit à ses apôtres, ni pratiqué lui-même aucun règlement du culte extérieur qui aurait caractérisé l’Évangile comme religion. Jésus n’a pas plus réglé d’avance le culte chrétien qu’il n’a réglé formellement la constitution et les dogmes de l’Église… L’Évangile, comme tel, n’était qu’un mouvement religieux, qui se produisait au sein du judaïsme, pour en réaliser parfaitement les principes et les espérances. Il serait donc inconcevable que Jésus, avant sa dernière heure, eût formulé des prescriptions rituelles. Il n’a pu y songer qu’à ce moment suprême, lorsque l’accomplissement immédiat du règne messianique apparut comme impossible en Israël, et qu’un autre accomplissement, mystérieux dans sa perspective, obtenu par la mort du Messie, resta la dernière chance du royaume de Dieu sur la terre… » A. Loisy, L’Évangile et l’Église, c. vi. Et, comme explication : « On perçoit encore sans difficulté, dans le Nouveau Testament, que l’Église n’a été fondée et les sacrements n’ont été institués, à proprement parler, que par le Sauveur glorifié. Il s’ensuit que l’institution de l’Église et des sacrements par le Christ est, comme la glorification de Jésus, un objet de foi, non de démonstration historique. » Loisy, Autour d’un petit livre, p. 227. Comme l’Église, les sacrements, non prévus par le Christ, sont donc le résultat d’une évolution lente et graduelle. Aussi, « les sacrements sont nés de ce que les apôtres et leurs successeurs, sous la poussée des circonstances et des événements, ont interprété une idée et une intention du Christ. » Décret Lamentabili, prop. 40, Denz.-Bannw. , n. 2040. Ainsi, on ne nie pas que Jésus-Christ ait posé le principe sacramentel ; mais il l’a posé tomme il a posé le principe du dogme et de la hiérarchie. C’est la conscience chrétienne qui a, sous la poussée de l’enseignement du Christ, établi l’Église, formulé le dogme, institué la hiérarchie et les sacrements.

Pour éluder les définitions du concile de Trente, le modernisme prétend qu’en ces définitions le point de vue de la foi et celui de l’histoire sont confondus, comme s’il pouvait y avoir une séparation radicale entre l’un et l’autre ! Aussi, d’après les modernistes, « les opinions que se faisaient les Pères de Trente sur l’origine des sacrements, et qui ont sans doute influencé leurs canons dogmatiques, sont fort éloignées de celles qui, à juste titre, régnent aujourd’hui parmi les critiques et les historiens du christianisme ». Prop. 39, Denz.-Bannw., n. 2039. Cf. Loisy, op. cit., p. 255 : « Si donc il est une chose évidente, c’est que l’idée générale de l’institution sacramentelle, comme elle est énoncée dans les décrets du concile de Trente, n’est pas une représentation historique de ce qu’a fait Jésus ni de ce qu’a pensé l’Église apostolique, mais une interprétation authentique, je veux dire, autorisée pour la foi, du fait traditionnel. » Sans doute, les opinions que les Pères du concile de Trente ont pu émettre au cours des discussions conciliaires n’ont pas la même valeur ni la même certitude que leurs décisions dogmatiques. Mais les décisions, par le seul fait que le Saint-Esprit qui assiste l’Église les a permises, ont une valeur absolue, indépendante des « opinions » que pouvaient avoir personnellement les Pères.

Il est curieux de constater que les modernistes ne font, en somme, que reproduire les assertions des protestants libéraux. Pour ceux-ci, comme pour ceux-là, le Christ n’a institué qu’une religion sans

culte extérieur et sans sacrement. D’après Harnack, l’essence du christianisme consiste uniquement dans la révélation de la paternité de Dieu. Le dogme et les sacrements catholiques sont étrangers au christianisme tel que l’a voulu son fondateur ; ils sont des altérations de l’œuvre que Jésus est venu accomplir. L’essence du christianisme, trad. franc., Paris, 1907, p. 86 sq. ; cf. A. Sabatier, Esquisse d’une philosophie de la religion, d’après la psychologie et l’histoire, Paris, 1897, p. 208 sq ; 232 sq. Au fond, cette orientation de la pensée religieuse relève d’un problème plus vaste, celui de la critique de la connaissance. Toute religion impliquant un principe d’autorité extérieure et se manifestant dans des pratiques de culte, telles que les sacrements, doit admettre des éléments objectifs de connaissance à l’origine de la foi. Or, précisément, la plupart des protestants libéraux repoussent l’élément objectif de la religion. Le subjectivisme kantien les a envahis. « On conçoit écrit O. Pfleiderer, (la défiance envers Kant) d’une religion qui repose depuis quinze siècles sur le principe de l’autorité sacerdotale. Mais l’Église protestante, qui a secoué le joug de cette autorité, qui a revendiqué les droits de la conscience individuelle, qui a pris pour unique principe la foi. c’est-à-dire le don du cœur à la volonté divine, cette Eglise ne devait-elle pas reconnaître dans la religion de la conscience, telle que Kant l’a conçue, l’esprit de son esprit ? » Geschichte der Religionsphilosophie, p. vi. Comparer l’encyclique Pascendi, Denz.-Bannw., n. 2072. La religion, pour les protestants libéraux, et pour les modernistes, consistera donc uniquement dans le sentiment religieux. Tout ce qui est extérieur à l’âme, comme le dogme, qui est imposé du dehors par une autorité, et les sacrements, doit être rejeté. La religion véritable doit être » le culte en esprit et en vérité. A. Sabatier, op. cit., ]i. iii, et p. 3-63. Comparer l’encyclique Pascendi, ibid., u. 21)7 1. C’est donc dans la réfutation des principes philosophiques qui dominent cette conception, plus encore que dans l’appel à l’autorité de l’Écriture et de la Tradition, qu’il faut chercher la réfutation des thèses du protestantisme libéral et du modernisme sur l’origine des sacrements.

L’explication purement rationaliste.

Elle complète

la précédente. Puisque les sacrements n’ont pas leur origine historique dans l’institution du Christ, ils ont pour point de départ des emprunts faits au paganisme. Aux iie et [IIe siècles, l’Église se serait approprié, en les modifiant un peu, les usages superstitieux des mystères païens, afin de se concilier plus facilement les esprits du monde gréco-romain. On insiste sur les ressemblances qui existent entre les rites chrétiens et certains rites païens.

Pour le baptême, on fait valoir que la religion de Mithra imposait à ses initiés un rite baptismal, accompagné d’autres cérémonies analogues à la confirmation et à la communion. On trouve d’ailleurs une étude sur le baptême chez les différents peuples de l’antiquité dans VEncyclopsedia of religion and ethics, d’Edimbourg, art. Baptism, t. ii (1909) et Initiation, t. vu (1914) ; cf. P. Gardner, The religious expérience of saint Paul, Londres, 1913 ; Loisy, L’initiation chrétienne, dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, IIe sér., t. v, p. 198 sq. : rites de lustration du culte d’Érida en Babylonie, purification chez les Parsis, baptême de la religion mandéenne, bain de purification dans la mer des futurs initiés aux mystères d’Eleusis, ablution des initiés dans les mystères d’Isis. De plusieurs de ces pseudo-baptêmes, Tertullien nous a déjà entretenus. Cf. De baptismo, v, P. L., t. i, col. 1205. D’après A. Sabatier, le baptême chrétien ne serait autre que le baptême de Jean-Baptiste. Cf. Les religions d’autorité et la religion de l’esprit,