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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION, EXPLICATION THÉOLOGIQUE

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théologiens du xiiie siècle, sur les convenances des sept sacrements, mais surtout enseignement positif, cherchant un point d’appui dans l’Écriture et dans la tradition. Deux documents surtout sont invoqués en faveur du septénaire : la décrétale de Lueius III Ad abolendam, et l’assertion d’Hugues de Saint-Victor. Les théologiens chargés d’examiner l’article hétérodoxe proposèrent de le compléter par l’addition de cette autre erreur : omnia sacramentel non esse a Christo instituta. Voir Concilium Tridentinum, édit. Ehses, t. v, p. 865, 867, et dans notre ouvrage : Les décrets du concile de Trente, Paris, 1938, p. 181. 185.

Nous avons déjà donné plus haut le texte du canon 1, anathématisant quiconque « dit que les sacrements de la Loi nouvelle n’ont pas été tous institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou qu’il y en a plus ou moins de sept : savoir, le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence, l’extrêmeonction, l’ordre et le mariage ; ou dit que quelqu’un de ces sept n’est pas proprement et véritablement un sacrement. » Denz.-Bannw., n. 844.

La première vérité affirmée en ce canon, c’est que tous les sacrements ont été institués par Jésus-Christ. Sans doute, ni au cours de la discussion, ni dans la rédaction définitive du décret, les Pères n’ont envisagé de définir l’institution immédiate des sacrements par le Christ. Cette vérité cependant, disent les théologiens, découle directement de l’assertion conciliaire. D’où, s’il est de foi que les sacrements ont été institués par le Christ, il est théologiquement certain que le Christ les a institués d’une façon immédiate. « Sans doute, pour des motifs particuliers, le concile n’a point fait entrer le mot immédiate dans la susdite déclaration ; mais que la déclaration doive être entendue en ce sens, c’est ce qui ressort et de la nature même du sujet et de la façon ordinaire de s’exprimer. En effet, au sens propre et rigoureux du mot — et le canon du concile prend évidemment le mot en ce sens — l’expression instituere ne s’applique qu’à celui qui, immédiatement et par lui-même, crée une institution quelconque, et non à celui qui se borne à donner à un autre la faculté de procéder à cette institution. Lors donc que Jésus-Christ est déclaré, simplement et dans tout le sens du mot, l’instituteur des sacrements, il est suffisamment affirmé qu’il les a établis, non point par d’autres ou médiatement, mais immédiatement par lui-même ou personnellement. Les institutions qui ne dérivent que médiatement de Jésus-Christ ne sont jamais, dans le langage de l’Église, simplement attribuées au Sauveur, mais aux apôtres ou à l’Église. Une comparaison éclairera la question. Les rites si pleins de signification, les cérémonies que l’on emploie dans l’administration des sacrements, ne viennent pas immédiatement ou directement de Jésus-Christ, mais de l’Église ou des apôtres : aussi leur institution n’est-elle pas rapportée au Sauveur, bien qu’elle puisse lui être attribuée au moins médiatement, en tant qu’il a donné aux apôtres et, dans la personne des apôtres, à l’Église le pouvoir surnaturel d’établir ces rites et ces cérémonies. Cette différence, l’Église elle-même l’atteste, lorsqu’elle déclare que son autorité ne s’étend qu’aux pratiques et aux prières accidentelles de l’administration des sacrements, mais nullement à la substance même du sacrement (cf. Conc. Trid., sess. xxi, c. ii, Denz.-Bannw., n. 931 : salva illorum subslanlia). La raison propre de cette distinction dans l’autorité de l’Église ne peut évidemment être que celle-ci : la substance des sacrements, c’est-à-dire tout ce qui constitue l’essence des sacrements, la forme et la matière essentielle, vient, non point de l’Église, mais immédiatement de Jésus-Christ lui-même ; et, par conséquent, tout cela est soustrait à l’autorité de l’Église. Ce que Jésus-Christ a établi doit toujours être observé invariablement, tandis que l’Église peut, dans certaines circonstances et pour de sages motifs, modifier ou même abroger les institutions dont elle est l’auteur. » N. Gihr, op. cit., t. i, p. 161-162. Ajoutons que, si l’intention des Pères de Trente n’avait pas visé une institution immédiate, le concile n’aurait pas enseigné que Jésus-Christ a institué le sacrement de pénitence principalement quand, après sa résurrection, il souflla sur ses apôtres, leur disant : Recevez le Saint-Esprit, etc., et surtout il n’aurait pas précisé que Jésus-Christ a institué l’extrême-onction, dont il attribue à l’apôtre Jacques la promulgation seulement. Sess. xiv, c. i, De pœnitentia et can., De extrema unctione, Denz.-Bannw., n. 894, 926.

La seconde vérité, c’est qu’il y a sept sacrements, ni plus, ni moins. Comme on l’a dit plus haut, l’argument de convenance a été invoqué au cours des débats ; mais l’argument d’autorité a été, lui aussi, mis en relief. La décrétale Ad abolendam énonce le principe général. Mais la détermination des sept sacrements avait déjà été faite avant le concile de Trente. Nous l’avons vu plus haut et, au cours des discussions, les Pères ne manquent pas de se reporter aux documents antérieurs, principalement au concile de Florence.

Enfin, le concile détermine une troisième vérité : ces sacrements sont proprement et véritablement des sacrements : le mot est entendu ici au sens strict que la théologie lui reconnaît depuis le xiii c siècle : signe efficace de la grâce qu’il produit. Les canons suivants développeront à ce sujet la pensée du concile.


IV. LES EXPLICATIONS THÉOLOGIQUES RELATIVES A L’INSTITUTION DES SACREMENTS PAR LE CHRIST ET AU NOMBRE SEPTÉNAIRE.

Nous pouvons considérer :
1° les explications hétérodoxes ;
2° les explications catholiques.

I. explications hétérodoxes.

Elles partent toutes d’un principe identique : les sacrements n’ont pas été, du moins dans leur totalité, institués par le Christ ; ils sont, tout au moins pour un certain nombre d’entre eux, le fruit d’une évolution naturelle du sentiment religieux. Nous trouvons, sur ce thème fondamental, trois variations : l’explication protestante, l’explication moderniste, l’explication rationaliste.

L’explication protestante.


C’est celle qui, dans l’ensemble, s’éloigne le moins de la doctrine catholique, les protestants admettant l’institution de quelques sacrements par le Christ. Le critérium de l’institution, c’est l’Évangile. Or, dans l’Évangile, deux sacrements seuls sont indiqués comme voulus et institués par le Christ, le baptême et la cène. Tous les autres rites sacrés, que l’Église catholique appelle sacrements, ne sont donc, en réalité, que des cérémonies religieuses, plus ou moins respectables sans doute, auxquelles l’Église catholique a attaché une valeur qu’ils ne possédaient pas.

Ainsi, dans la Captivité de Babylone, Luther montre son dédain pour le sacrement de confirmation. Un sacrement devrait rappeler une promesse du Christ ; or, dans la confirmation, il n’y a aucun rappel d’une promesse du Christ. Ce n’est pas un sacrement, mais une simple cérémonie extérieure. Elle n’a aucun droit d’être rangée parmi les sacrements de la foi. « On se demande, écrit-il, ce qui leur a passé par l’esprit de faire de l’imposition des mains un sacrement de confirmation. » Et il insinue que c’était pour fournir aux évêques une occasion de parader ! Opéra, Weimar, t. vi, p. 549. Et Mélanehthon, dans l’Apologie de la confession d’Augsbourg, affirme que tant la confirmation que l’extrême-onction sont des rites humains introduits par les Pères ; qu’en conséquence, il est indispensable de distinguer ces rites des vrais sacrements qui ont reçu de Dieu une destination expresse