Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

541

    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. INSTITUTION, DOCTRINE IMPLICITE

542

Une démonstration complète devrait reprendre, pour chaque sacrement, l’enseignement de la tradition. Le travail a été fait ici pour chacun des sacrements. On voudra donc bien se reporter à ces monographies particulières.

Nous ne pouvons, en cet article, que nous en tenir aux affirmations générales du magistère. Ces affirmations peuvent se répartir sur deux périodes : la première va des temps apostoliques au xiie siècle ; la seconde, du xiie siècle à la Réforme et au concile de Trente.

1° Première période : état implicite de la doctrine catholique. —

Il est bien évident que l’Église a usé de ses sacrements bien avant d’en faire la théologie ; elle a vécu son dogme sacramentaire avant de le formuler. La pratique sacramentelle a précédé de beaucoup le travail systématique et celui-ci n’a été qu’une expression parfaitement exacte de celle-là : lex orandi, lex credendi. P. Pourrat, op. cit., p. 234.

Dans cette première période de croyance implicite, deux causes ont empêché l’explicitation de la doctrine des sept sacrements institués par le Christ. La première est l’histoire même du mot sacramentum. La seconde est la formation du concept de symbole efficace. Ce sont les deux points que nous avons développés dans les deux premières parties de cette étude, précisément pour mieux montrer les tâtonnements de la pensée chrétienne.

Tout d’abord « l’histoire du mot sacramentum donne la clé de l’histoire même de la théorie sacramentaire et explique aisément ce qui, au premier abord, paraîtrait à quelques-uns déconcertant et presque incroyable : en fait, il faut attendre jusqu’au xiie siècle pour rencontrer les premières spéculations réfléchies où l’on puisse voir une ébauche consciente du Traité des sacrements en général, une coordination méthodique des éléments qui se présentaient épars et insuffisamment travaillés dans l’œuvre théologique des écrivains antérieurs… On discutait jusqu’alors des problèmes concrets posés par tel ou tel des rites fondamentaux et impliquant, sans que cela fût toujours perçu, une solution générale applicable à tous les cas semblables qu’il aurait fallu soigneusement énumérer : telle la controverse sur le baptême des hérétiques ou sur les réordinations. » F. Cavallera, Le décret du concile de Trente sur les sacrements en général, dans Bulletin de Toulouse, 1914, p. 371.

Ensuite, et la seconde partie de notre étude le démontre, l’enseignement patristique sur la notion de sacrement, symbole efficace de la grâce, n’est pas un enseignement d’ensemble. C’est un enseignement qui porte presque exclusivement sur le baptême et l’eucharistie. C’est presque exclusivement en fonction de ces deux sacrements que s’élabore le concept de symbole efficace. Il a fallu pareillement attendre jusqu’au xiie siècle pour formuler des conclusions générales. Durant la longue période qui va des temps apostoliques au xiie siècle, il est donc impossible de présenter une étude d’ensemble. Il faudra se reporter aux différents articles de ce Dictionnaire, relatifs à chaque sacrement pris en particulier. Nous ne pouvons ici que donner quelques indications d’ordre général.

1. D’une manière générale, les Pères rapportent à Jésus-Christ l’origine et l’efficacité, non seulement du sacrement de baptême et de l’eucharistie, dont l’institution divine est nettement affirmée dans les évangiles, mais encore des autres sacrements, au fur et à mesure que l’exercice des pouvoirs sacramentels s’affirme dans l’Église. On trouvera de bonnes indications sur ces différentes affirmations particulières dans Pourrat, op. cit., p. 289-299. D’affirmations générales, nous n’en trouvons pas avant le pseudo-Ambroise : Diviniora sunt sacramenta christianorum quam judseorum. Auctor sacramentorum quis est nisi Dominus Jésus ? De cœlo ista sacramenta venerunt. De sacramentis, t. IV, c. iv, n. 7, P. L., t. xvi, col. 439. Saint-Augustin affirme la même vérité dans sa lettre à Januarius, Epist., liv, n. 1 : Primo itaque tencre te volo quod est hujus dispulutionis caput, Dominum nostrum Jesum Christum, sicut ipse in Evangelio loquitur, leni jugo suo nos subdidisse et sarcinæ levi ; unde sacramentis numéro paucissimis, observatione facillimis, signifleatione priesiantissimis, socielatem novi populi colligavit, sicuti est baptimus…, communicatio corporis et sanguinis ipsius et si quid aliud in scripturis canonicis commendalur… P. L., t. xxxiii, col. 200. Dans la controverse donatiste, Augustin parle du baptême du Christ, pour la validité duquel sont requises les paroles indiquées dans l’Évangile. De baptismo, t. VI, n. 47, P. L., t. xliii, col. 214 ; et, à ce propos, il rappelle, dans une formule plus générale, que « les sacrements du Christ et de l’Église », pour être employés illicitement par les hérétiques et tous les impies et pécheurs, n’en demeurent pas moins les sacrements du Christ. Ibid., t. III, n. 13, col. 144. C’est du côté du Christ, entr’ouvert par la lance, que sont sortis les sacrements qui constituent la vie de l’Église, mortuo Christo, lancea percutitur latus, ut profluant sacramenta, quibus formetur Ecclesia. In Joa., tract. IX, n. 10, t. xxxv, col. 1463.

Sous une autre forme encore, les Pères reconnaissent Jésus pour l’auteur des sacrements, lorsqu’ils aflirment que les paroles sacramentelles sont les paroles de Jésus-Christ lui-même et que les sacrements ne peuvent en aucune manière être regardés comme les sacrements des apôtres, mais uniquement comme les sacrements de Jésus-Christ : « Examinez les paroles des apôtres. Nul n’a jamais dit : « Mon baptême, baptismus meus ». Quoique l’Évangile fût le même pour tous, ils ont pu dire : « Mon Évangile » (cf. II Tim., n, 8), mais nulle part vous ne trouverez : « Mon baptême ». S. Augustin, In Joa., tract. V, n. 9, col. 1419 ; cf. De baptismo, t. V, n. 16, t. xliii, col. 185. Et, sur le texte de saint Jean, iv, 2, quamvis ipse non baptizaret, sed discipuli ejus, saint Augustin fait observer que, quel que soit le ministre, c’est Jésus qui baptise, dès là qu’il s’agit du baptême institué par le Christ : « Ceux que Jean a baptisés, c’est Jean qui les a baptisés ; mais ceux que Judas a baptisés, c’est le Christ qui les a baptisés. » In Joa., tract. V, n. 18, t. xxxv, col. 1424.

2. Il faut admettre, dans cette période de croyance implicite, un très réel progrès dans le développement de la doctrine, et même dans la pratique des sacrements. Mais ce développement est légitime. Si nous l’admettons volontiers dans le dogme proprement dit, à plus forte raison devons-nous admettre un progrès parallèle dans la connaissance des sacrements, dont la pratique ne s’impose pas aux chrétiens, pour tous et pour chacun, avec la même nécessité. Cf. Concile de Trente, sess. vii, can. 4, Denz.-Bannw., n. 847.

Comme pour le dogme en général, les causes et occasions de ce progrès sont multiples. Au fond, l’unique cause dirigeante ne peut être que le magistère de l’Église, lequel, sous l’assistance du Saint-Esprit, développe les trésors du dépôt de la révélation. De là la règle posée par Lucius III. Voir col. 549. Mais différentes causes secondaires ont stimulé l’Église dans ce travail d’élaboration de la doctrine sacramentaire.

Tout d’abord, l’amour de la vérité a stimulé les Pères et les docteurs. Nous-avons constaté quelle influence exerça, en matière sacramentaire, cet amour de la vérité, sur Origène, Cyrille de Jérusalem, Basile le Grand, en Orient et, en Occident, sur Tertullien, Cyprien, Ambroise, Augustin, Isidore de Séville. Mais c’est surtout dans la dernière période