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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. NOTION, ANALYSE THÉOLOGIQUE

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sion de cette opinion, dont il faut chercher l’origine chez les nominalistes, dans les Salmanticenses, Cursus theologicus, t. xvii. De sacramentis in cummuni, a. 4, qui rejettent absolument cette opinion étrange, et dans Gonet, Clypeus theologiæ thomisticse, De sacramentis in communi, disp. I, a. 4, n. 08, qui l’accepte sous cette forme : « L’institution des sacrements est laissée au bon vouloir de la liberté divine. Donc, de même que Dieu a élevé la matière sensible jusqu’à lui faire signifier et produire la grâce, il pourrait élever une simple opération intérieure de l’âme, par exemple un simple acte d’adoration, pour lui faire signifier et même produire la grâce. »

L’être symbolique et proprement sacramentel.


Le mot « proprement » n’est pas ici placé par erreur. Il est de première importance et marque, chez les théologiens, le souci de conserver aux sacrements de l’ancienne Loi leur caractère de sacrement. Ces sacrements, en effet, ne sont pas cause de la grâce et ne la contiennent pas ; ils la préfigurent simplement, comme devant être donnée par le Christ. Voir col. 654 sq. Sacrements moins parfaits que ceux du Nouveau Testament, mais sacrements véritables cependant. D’où il faut conclure qu’essentiellement, le sacrement doit être placé dans le genre des signes et non dans celui des causes. Le caractère de cause convient spécifiquement aux sacrements de la Loi nouvelle. Sur cette précision, voir Salmanticenses, op. cit., disp. I, dub. i, n. 20 sq. ; Jean de Saint-Thomas, Cursus theologicus, t. ix, disp. XXII, a. 1, dub. i. Ce dernier auteur fait une remarque importante qui s’impose à l’attention, si l’on veut bien comprendre la nature de l’institution des sacrements de la nouvelle Loi par le Christ : En affirmant que l’être proprement sacramentel doit être placé dans le genre « signe » et non dans le genre « cause », on n’entend pas dire que les sacrements de la Loi nouvelle ne sont cause de la grâce que d’une manière matérielle et pour ainsi dire secondaire et accessoire. Nous disons au contraire qu’ils causent ce qu’ils signifient. Mais ce qui, dans le sacrement, est doté par Dieu du pouvoir de causalité par rapport à la grâce, c’est l’élément matériel et sensible lui-même en tant qu’il a reçu de Dieu sa signification sacramentelle, et non pas la signification elle-même qui communique à l’élément matériel et sensible son caractère de sacrement. Peu importe d’ailleurs la nature physique de cet élément sensible et matériel : ablution, onction, imposition des mains, etc., il n’est cause de la grâce, en effet, que dans la mesure où il est subordonné à la signification sacramentelle qui lui a été imposée par Jésus-Christ. Loc. cit., n. 11-15.

On devra donc distinguer, d’une façon plus expresse encore que nous ne l’avons fait à l’art. Matière et forme, col. 341, la signification imparfaite et naturelle des éléments sensibles (matière et forme) des sacrements, et la signification sacramentelle qui leur est imposée par le libre choix du Christ. Sans doute, la sagesse divine, qui dispose tout avec douceur, n’a point pris au hasard les choses qui devaient servir de signes sacramentels ; elle a choisi celles qui, par leur efficacité et leurs propriétés naturelles, ont une certaine analogie, un rapport véritable quoiqu’éloigné avec les grâces du sacrement et qui, par là même, sont plus aptes que d’autres éléments à représenter des grâces d’une manière saisissable à l’esprit humain. Cf. S. Thomas, III a, q. lxiv, a. 2, ad 2um. Mais cette signification naturelle et lointainement analogique ne saurait être telle que l’élément sensible du sacrement doive nécessairement signifier la grâce divine que le sacrement est destiné à conférer ; cette signification proprement sacramentelle ne peut venir que de Dieu, auteur de la grâce, et, par conséquent, elle dépend formellement d’une institution divine, ("est ce qu’exprimait Hugues de Saint-Victor : Elementum ex naturali quadam qualitale kkp, i.<esentat, ex superaddita instilutione sigxificat. Et saint Ronaventure : Sacramentum habilitate.m ad significandum habet ex natura, sed actualitalem habet ex institutione. In IV am Sent., dist. I, part. I, q. n.

Ce principe fondamental une fois rappelé, Jean de Saint-Thomas montre que l’être symbolique et proprement sacramentel, le signe, est un être de raison, un être intentionnel. En effet, c’est uniquement l’institution du Christ qui communique à tels éléments sensibles, aptes d’ailleurs naturellement à recevoir cette désignation, la signification surnaturelle qui fait d’eux, à proprement parler, des sacrements. Or, une telle désignation, en dehors de l’acte de volonté du Christ, n’est qu’un être de raison, c’est-à-dire un être intentionnel. Car elle repose entièrement sur le choix de l’auteur des sacrements, l’aptitude naturelle des éléments sensibles ne pouvant suffire à l’expliquer et n’ayant, d’elle-même, aucune signification déterminée par rapport à l’ordre surnaturel de la grâce. Ce choix n’établit pas seulement, comme le pense Suarez, une simple dénomination extrinsèque entre l’élément sensible et la chose signifiée sacramentellement, mais crée une véritable relation de raison entre l’élément sensible et matériel du sacrement et la chose signifiée sacrainentellement, c’est-à-dire la grâce qu’il doit produire. De telle sorte que, si nous voulions faire l’analyse de la réalité sacramentelle, nous devrions la considérer sous un double aspect : son aspect physique et réel, et c’est ici seulement qu’intervient la composition de matière et de forme ; l’aspect sacramentel, et ici intervient la composition de l’élément intentionnel (à savoir la signification sacramentelle imposée par le Christ) et de l’élément sensible. Duplicem hic considerari compositionem in quolibet sacramento, altéra est ex significatione et subjecto significationem recipiente ; altéra est ex verbis et rébus, ex quibus fit integrum subjectum recipiens significationem. Jean de Saint-Thomas, disp. XXII, a. 6, dub. ii, n. 36. Il semble que la théologie moderne et contemporaine se soit trop attachée à la première considération et ait négligé la seconde. Et cependant celle-ci est d’une importance extrême, car elle seule, comme on le verra plus loin, peut apporter les véritables solutions aux difficultés soulevées à propos de l’institution immédiate des sacrements par le Christ, ou encore à propos des changements survenus au cours des siècles dans la matière ou la forme de certains sacrements.

Le rapport du signe à la chose signifiée.


Tout d’abord, les théologiens établissent quelle est la chose signifiée. Saint Thomas et tous ses commentateurs rappellent ici que la chose signifiée est triple ou du moins peut être considérée sous un triple aspect : « Le sacrement proprement dit est établi pour signifier notre sanctification, dans laquelle on peut considérer trois choses : la cause de notre sanctification qui est la passion du Christ, la forme de notre sanctification qui consiste dans la grâce et les vertus, et la fin dernière de notre sanctification qui est la vie éternelle. Toutes ces choses sont signifiées par les sacrements. Par conséquent, un sacrement est le signe commémoratif de ce qui a précédé, c’est-à-dire de la passion du Christ, le signe démonstratif de ce qu’opère en nous la passion du Christ, c’est-à-dire de la grâce, et le présage de la gloire future. » Sum. theol., III a, q. lx, a. 3. La signification la plus importante est la seconde, par rapport à la grâce que doit produire le sacrement. Mais les autres ne doivent pas être omises : les assert ions de l’Écriture suffiraient à elles seules à le montrer. Voir col. 495 sq. La raison théologique de cette triple