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    1. SACREMENTS##


SACREMENTS. NOTION, LES PÈRES LATINS

remissio, pax, communicatio (participation à la communion), indiquent bien l’effet même du sacrement.

Comme Tertullien, Cyprien nous montre le rite de la réconciliation dans l’imposition des mains accomplie par l’évèquc et par le clergé. Epist., xv, n. 1, p. 514 ; xvi, n. 2, p. 51 S ; xvii, n. 2, p. 522 ; xvin, n. 1, p. 524 ; xix, n. 2, p. 525 ; lxxi, n. 2, p. 772 ; lxxiv, n. 1, p. 799 (citation du pape Etienne), n. 12, p. 809. On trouve la même imposition des mains pour la réconciliation des pénitents dans deux suffrages émis au concile de septembre 256, Sententiæ episcoporum, n. 8 et 22, p. 441, 445. Nous avons ainsi, chez Cyprien, tout l’essentiel du rite sacramentel de la pénitence.

Cyprien s’étend longuement sur les qualités que doivent posséder les évêques et les ministres inférieurs à l’épiscopat. Il détaille minutieusement toutes les conditions d’une ordinatio justa et légitima. Mais il est, au contraire, très discret sur le rite sacramentel de l’ordination. Chez Cyprien, les mots ordinare, ordinatio, Epist., lxxii, n. 2, p. 770 ; lxvii, n. 4, p. 738 ; xxxviii, p. 579-581, et d’autres mots dans le cas du prêtre et des sous-diacres et lecteurs, Epist., xl, p. 585-586, désignent immédiatement l’élection même à l’ordre ; mais, dans leur sens plénier, ils expriment aussi le rite sacramentel, qu’à coup sûr Cyprien ne méconnaît pas. Il y fait même une allusion directe, à propos de la consécration épiscopale de Sabinus Epist., lxvii, n. 5, p. 739. Une autre allusion se rencontre sous la plume du pape Corneille, écrivant à Cyprien, Epist., xlix, n. 1, p. 610, à propos de Novatien, qui, on le sait, se procura l’imposition des mains de trois évêques d’Italie. Voir Ordre, t. xi, col. 1246. L’ordination a pour effet de conférer le Saint-Esprit : or, le Saint-Esprit ne se trouve que dans l’Église catholique. Les ordinations faites par des hérétiques ou des schismatiques sont donc nulles : validité et licéité ne font qu’un pour Cyprien. Epist., lxix, n. 11, p. 759 ; cf. n. 8, p. 757. Confusion qui sera une source de conflits pendant mille ans dans l’Église catholique, voir Réordinations, t. xiii, col. 2396 sq., mais qui aura du moiiu-i pour résultat, comme la querelle des rebaptisants, de mettre en évidence la distinction entre validité et licéité.

En somme, du moins pour les cinq sacrements dont on vient de parler, saint Cyprien possède déjà une notion suffisamment nette du signe sacré, producteur de la grâce dans l’âme de qui le reçoit. Peu de choses manquent encore pour arriver à la notion complète et définitive.

3. Les prédécesseurs immédiats de saint Augustin au IVe siècle. —

L’Église latine, au IVe siècle, connaît, sans discussion possible, les rites producteurs de la grâce que nous désignons aujourd’hui sous le nom de sacrements. Toutefois, ce nom est encore plus spécialement réservé aux trois sacrements de l’initiation chrétienne, baptême, confirmation, eucharistie. C’est uniquement de ces sacrements qu’ont parlé saint Ambroise dans son De mysteriis et l’auteur du De satramentis. Toutefois, ces auteurs ont émis des idées générales qui peuvent s’appliquer à tous les sacrements.

Ces deux auteurs distinguent nettement le rite lui-même et la grâce produite en celui à qui l’on applique le rite. Ambroise, De mysteriis. n. 8, 11, 20, P. L., t. xvi (édit. de 1866), col. 408 B, 409 C, 4Il B ; De sacramentis, t. I, n. 10, col. 438 C. Mais le rite lui-même comporte un symbolisme, répondant à la double nature de l’homme, et qui est à la base de son efficacité. L’eau ou l’ablution est la figure de la purification intérieure qui résulte du baptême. Cum ex duabus naturis homo, id est, ex anima subsistât et corpore, visibile per visibilia, invisibile per invisibilia consecratur. Aqua enim corpus abluitur, Spiritu animai delicla mundantur. S. Ambroise, In Luc, t. II, n. 79, t. xv, col. 1663 C. Dans l’eucharistie, ce qu’on voit après la consécration n’est qu’un signe de ce qui est en réalité. De mijst., n. 50, 52, 54, t. xvi, col. 422 C, 424 A, 124 C ; De sacr., t. IV, n. 14-16, col. 446-447.

Ce symbolisme efficace est particulièrement développé par Ambroise, qui en a puisé la doctrine chez les Alexandrins. « Les eaux baptismales sont efficaces parce que l’Esprit-Saint, comme autrefois l’ange de la piscine (cf. Joa., v, 4), descend sur elles, et leur communique par sa présence le pouvoir de guérir les maladies de nos âmes : Si qua ergo in aqua gratia, non ex natura aquæ, sed ex præsentia est Spiritus Sancti. » De Spiritu Sancto, t. I, c. vi, n. 77, t. xvi, col. 752. Cf. Prologue, n. 18, col. 737 ; De myst, n. 1 9, col. 4Il B. C’est la « consécration » des eaux, faite par les prières du prêtre et le « mystère de la croix » qui attire l’Esprit-Saint sur elles et les rend salutaires. De Spir. Sancto, t. I, n. 88, col. 755 A ; De myst., n. 14, col. 410 B. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 17-18. Cette efficacité sacramentelle due à la présence, à la vertu de l’Esprit-Saint est une doctrine qu’Ambroise emprunte à saint Basile, voir ici col. 506, et sur laquelle il insiste avec force. Cf. De Spiritu Sancto, prologue, n. 18 ; t. I, c. vi, n. 77 ; De myst., c. iii, n. 8, t. xvi, col. 737 A, 782 B, 108 B. Dans ce dernier texte, Ambroise affirme la présence de la divinité dans le sacrement : Crede divinilatis illic adesse præsenliam. Operalionem credis, non credis prœsenliam ? Unde sequeretur operatio, nisi præcederel ante præsentia ? Ce n’est pas seulement l’Esprit-Saint qui agit dans le baptême, mais encore la croix de Jésus-Christ : Legisti quod très testes in baptismale unum sunt, aqua, sanguis et Spirilus (cf. I Joa., v, 8) ; quia, si in unum horum detrahas, non stat baptismatis sacramentum. Quid est enim aqua sine cruce Christi ? De mysteriis, c. iv, n. 20, col. 4Il B. Les eaux du baptême ne sont donc pas vides. Elles contiennent une vertu invisible aux yeux du corps, mais que la foi du fidèle doit discerner. Aon ergo solis corporis lui credas oculis : magis videtur quod non videtur ; quia istud temporale, illud œternum adspicitur, quod oculis non comprclicnditur, anima autem ac mente cemitur. De mysteriis, c. iii, n. 15, col. 410 B. La croix de Jésus-Christ sanctifie l’eau baptismale au moment même où cette eau est bénite : la bénédiction de l’eau se faisait, depuis longtemps déjà, par une prière accompagnée de signes de croix. Cf. Duchesne, Origines du culte chrétien, Palis, 1898, p. 299-301.

Ambroise affirme de plus la nécessité d’un troisième élément : la formule trinitaire. Nisi (catechumenus) baptizatus fuerit in nomme Palris et Eilii et Spiritus Sancli, remissionem non potest accipere peccatorum, nec spiritualis gratiie munus iiaurire. De myst., c. iv, n. 20, col. 4Il B. Voir aussi De Spiritu Sancto, t. II, c. ii, n. 42, 43, col. 783 A, avec l’explication donnée de ce texte ici même, t. ii, col. 184. « Le symbolisme de chacune des cérémonies qui accompagnaient le baptême est expliqué par l’évêque de Milan… L’immersion est l’image de la mort du péché, qui est enseveli dans les eaux… Le lavement des pieds, cérémonie propre à l’Église de Milan, est l’indice de la purification de la faute héréditaire. Les vêtements blancs, que revêtaient les néophytes après leur baptême, sont un symbole de l’innocence recouvrée. » De myst., n. 30, 32, 34 ; cf. De Spiritu Sancto, t. I, n. 76, t. xvi, col. 415 B, 416 B, 417 B, 752 A.

Un auteur de second ordre doit être signalé ici, qui a fait progresser la théologie sacramentaire dans la question de la validité du sacrement administré en dehors de la véritable Église. C’est saint Optât de Milève, dans son traité De schismate donatislarum, P. L., t. xi. Voir ici, t. xi, col. 1079. Sans aller jusqu’à