Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 14.1.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée

363

    1. RUSSIE##


RUSSIE. LES THÉOLOGIENS CONTEMPORAINS

364

place Solovêv en face du slavophilisme, qu’il combat ouvertement, au nom de la philosophie, du sentiment russe, de la tradition et de l’histoire, dans ses traités Slavjanoftlstvo i ego virozdenic ; Nooaja zaScila starago slavjanofllstua, dans Soëinenija, I. v, p. 1(11-222, 231242, et dans les chapitres v et vi du premier livre de La Russie et l’Eglise universelle. Malheureusement, l’attitude officielle de la Russie envers le catholicisme entrava l’influence de la thèse de Solovêv, qui, pendant plusieurs années, fut seulement l’apanage de quelques rares esprits plus cultivés.

VIII. Les écrivains de la fin du XIXe siècle.

Quoique la distance qui existe entre la théologie traditionnelle de Macaire et celle de Khomjakov soit fort grande, l’une et l’autre cependant se rencontrent, bien qu’en des proportions différentes, parmi les écrivains de la fin du xix° siècle, que G. Florovskij rassemble sous la dénomination d’e’cole historique. Ce sont en effet les sciences ecclésiastiques positives qui absorbent l’activité des professeurs des académies. L’histoire ecclésiastique en général fut cultivée par A. Gorskij, Al. -P. Lebedev, V.-V. Bolotov ; l’histoire de l’Église russe fut cultivée par E. Golubinskij ; I.-L. Janisev s’est fait un nom dans la morale ; S. Sagarda, N. Glubokovskij dans les commentaires de l’Écriture ; d’autres dans la patrologie, la liturgie, etc.

Mais en général toute cette période reflète l’influence qui se fit sentir également en Russie, du criticisme et du libéralisme théologique qui dominait pour lors dans les universités d’Allemagne. Qu’il suffise de rappeler une phrase du professeur de l’académie de Saint-Pétersbourg, V. Bolotov, lequel, dans son Histoire de l’Église antique et dans ses autres œuvres, avait fait tant de concessions aux catholiques sur le terrain de la primauté pontificale et du Filioque : « Si vous interrogez cent personnes, probablement quatre-vingt-dix-huit penseront que je suis plus proche du catholicisme que du protestantisme ; et cependant je suis plus près du protestantisme, malgré la liberté dogmatique dont il est pénétré, car il ne peut y avoir la loi que là où existe une persuasion personnelle. » V. Rolotov, Lektsii po istor. drevn. C.erkvi, 1. 1, p. 35 ; cf. A. Brilljantov, K kharakteristikê ucenoi dêjatelnosti prof. V. V. Bolotova, kak cerkovnago istorika, dans Khr. Clen., 1901, t. i, p. 496. Ce fond de libéralisme théologique qui entache plus ou moins la théologie russe à la fin du xix c siècle, explique la diffusion du slavophilisme et le développement de systèmes ouvertement hétérodoxes comme ceux de Tolstoï et de Rozanov, il détermine aussi la position de l’orthodoxie par rapport aux vieuxcatholiques et aux sectes protestantes d’une part, et au catholicisme d’autre part.

Le grand artisan du rapprochement de l’orthodoxie avec les vieux-catholiques et les anglicans, fut I.-L. JaniSev, qui prit part aux conférences de Bonn, en 1874, 1875, et demeura toujours fidèle à cette idée. Cf. I.-P. Sokolov, Prolopresbitcr I. L. Janisev, kak dèjalel po starokatoliceskomu voprosu, dans Khr. Clen.. 1011, t. i, p. 230-231. Plus tard, vint le général A. Kireèv, lequel, malgré l’insuffisance de sa préparation théologique, multiplia ses articles en faveur de l’union dans les revues russes et dans la Revue internationale de théologie. Po irtant à celle union s’opposent, non seulement les différences dogmatiques, comme par exemple celle sur le Filioque, que ni les conférences de Bonn, ni les thèses de Bolotov publiées en 1898 ne réussirent à surmonter ; mais aussi la concept ion que l’on se fait, de pari et d’autre, de l’unité nécessaire à l’Église. I.e système des protestants et des vieux-cal holiques se contentant de l’union des diverses Kgliscs « SŒUTS. se heurtait à la pensée traditionnelle de l’orthodoxie. Ce fut le général Kireèv qui proposa explicitement la théorie de l’Église universelle, laqucll embrasse, en plus de l’Église orthodoxe, les autres communautés chrétiennes. Cf. son écrit Slarokatoliki i vselenskaja Cerkov, Saint-Pétersbourg, 1903. Kireêv trouva des opposants dans le professeur de Kazan, A. Guscv, dans l’archiprêtre A. Maltsev, et en général parmi les théologiens les plus attachés à la tradition ; mais il pouvait au contraire compter sur le nombre toujours plus grand des écrivains libéraux, tels que Sokolov et Bêljæv de Moscou, Svêtlov de Kiev, Bolotov de Saint-Pétersbourg. .. Ainsi la tendance toujours croissante à établir des contacts avec les confessions occidentales, amena le relâchement des conceptions dogmatiques.

Comme par contre-coup, les théologiens russes se posent, à cette époque, en adversaires toujours plus résolus de l’Église catholique, qui avait défini en 1854 le dogme de l’immaculée conception et en 1870 celui de l’infaillibilité du pontife romain. Les écrits des vieux-catholiques : I. Dôllinger, A. Aberhard, I. Friedrich, contre Rome, pénètrent dans la polémique russe anti-latine, dans laquelle se distinguent Nicolas Jakovlêvic Bêljæv, qui consacra tous ses travaux à combattre la papauté (cf. E. Budrin, N. Ja. Bêljæv (Nekrolog ) dans Prav. Sob., 1894, t. iii, p. 259-265) et Alexandre Lebedev, qui écrivit successivement trois volumes sur les différences existant entre l’Église d’Orient et celle d’Occident : Raznosti Cerkvei Vostocnoi i Zapadnoi, à savoir, la conception immaculée de la Vierge, Varsovie, 1881, le culte du Sacré-Cœur, i Saint-Pétersbourg, 1886, et la primauté du pape, Saint-Pétersbourg, 1903.

IX. Les théologiens contemporains.

La chute de l’empire et l’avènement du bolchévisme marquent, sinon la fin, du moins la désorganisation des études théologiques dans l’Église russe. Les académies théologiques qui en étaient le vrai foyer ferment leurs portes : le souffle de la révolution disperse partout les hommes les plus illustres et les plus représentatifs. Plusieurs d’entre eux trouvèrent asile dans les facultés de théologie d’autres nations orthodoxes, ou dans des universités d’État ; d’autres poursuivirent leur activité littéraire à l’ombre des institutions unionistiques, érigées principalement parmi les anglicans et les protestants ; d’autres enfin, bénéficiant souvent d’une aide largement offerte par les associations protestantes, se réunirent dans divers centres où s’établit un travail théologique plus ordonné et plus constant : ainsi à Berlin, Prague, Varsovie, et à Paris, où, par décret du métropolite Euloge, se constitua l’académie ecclésiastique orthodoxe.

Nous devons donc chercher la pensée religieuse russe contemporaine hors de la Russie, dans des ouvrages et des articles souvent écrits en français, en allemand, en anglais…, langues dans lesquelles sont aussi traduits les livres les plus importants imprimés en russe. Ceci contribue à faire connaître davantage et à rendre plus accessible la théologie russe moderne, et sert à en étendre la diffusion et l’influence : les noms de N. Glubokovskij, N. von Arseniev, des princes Trubetskoï, G. Fedotov, V. Ilin, B. ViSestavtsev, V. Zênkovsk’j, N. Losskij, G. Florovskij, N. Berdjaêv, S. Bulgakov, etc., sont désormais très connus, et les œuvres de quelques-uns d’entre eux exercent un vrai charme parmi les lecteurs occidentaux, celles principalement qui développent des thèmes de philosophie religieuse, de sociologie et de théologie mystique, liturgique et dogmatique.

Dans le domaine du dogme, il est difficile de trouver de vrais représentants de l’école traditionnelle, même dans la forme plus mitigée inaugurée par Philarète. Les théologiens russes contemporains ont laissé en Russie une institution : la censure. Ils usent de la plus grande liberté de penser et d’écrire, de cultiver les systèmes Us plus originaux et les plus hardis. Les auteurs