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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LA SUPPRESSION DU PATRIARCAT

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l’Église de Russie. De concert avec le tsar, il élabora le règlement spirituel, fonda le Saint-Synode où, en dépit de la présidence purement nominale de Javorskij

qui hésita longtemps avant de signer ce règlement

violemment anticanon iqne). il gouverna et réforma l’Église russe. Il justifia la primauté absolue du pouvoir civil par plusieurs écrits et discours relent issants : i.a justice de la volonté du monarque ; Enquête sur les raisons pour lesquelles les anciens empereurs romains, païens et chrétiens, s’appelaient pontifes et sur le sens dans lequel les empereurs chrétiens ont ce litre. Il permit les mariages mixtes, introduisit le divorce : fut l’au teur de lois très graves contre le monachisme russe ; en un mot, il fut le bras droit de Pierre le Grand.

Après la mort de Pierre I effet jusqu’à l’avènement d’Anna Ivanovna avec son entourage protestant, tristement célèbre dans l’histoire de Russie sous le nom de Biron&cina, Procopoviè se maintint tant bien que mal, en se défendant énergiquement et parfois cruelement contre l’accusation d’hétérodoxie que les plus distingués parmi les prélats de Russie lui jetaient à la face sans se lasser. Sa défense était toujours la même ; les opuscules incriminés avaient été écrits sur l’ordre de Pierre le Grand et parfois avec sa collaboration. Quand Anna vint au pouvoir, ou plutôt quand Ernest von Riren dirigea les affaires de Russie, Procopoviè lui aussi retrouva son influence. Il en profita pour faire de vastes enquêtes contre ses adversaires théologiques, les faire emprisonner, exiler et parfois torturer. Il passa dans ces occupations policières les dernières années de sa vie.

Il faut distinguer, dans l’œuvre théologique île Procopoviè, deux catégories de travaux : ceux qu’il publia lui-même durant sa vie et ses grands traités théologiques qui ne furent publiés en Allemagne que longtemps après sa mort. Ces derniers eurent manifestement peu d’influence sur la pensée religieuse en Russie au xviii’siècle. Procopoviè publia lui-même un certain nombre d’opuscules : 1. Sur l’absolutisme impérial : Justice de la volonté du monarque, (l’ravda voli monarSej), Pétersbourg, 172(> ; Enquête sur le droit des anciens empereurs comme des empereurs eliréliens ù porter le litre de pontife (Rozysk…), 1726 ; plusieurs discours ; Le règlement ecclésiastique. - - 2. Sur le baptême par infusion (O kreScenii polivat’nom), Moscou, 1721 ; il fallait une certaine audace pour défendre cette thèse en.Moscovie. — -.’?. Sur le mariage d’orthodoxes avec des personnes d’autre religion (O brakakh…), Pétersbourg, 1721. Celui de ses ouvrages qui suscita peut-être le plus de commentaires désagréables fut son Commentaire sur les béatitudes du Christ (Krislovij o blazenslvakh…), Pétersbourg, mars 1722 ; 2 « éd., août 1722.

Les Christianæ orthodoxes theologise in Academia Kiowiensi. .. adornalæ et prapositiv lecliones de notre auteur OÙ sa doctrine très protestant isante était développée furent publiées d’abord à Kœnigsberg, 1773-177°). puis à Leipzig, 1782-1781. L’étude de cette doctrine, comme celle du précurseur de Prix opoviè. le Prussien Adam Zornikavins émigré à Ccrnigov, durant la Seconde moitié du XIV siècle, appartient plutôt à une période suivante, car ces grands traités restèrent inconnus à l’époque dont nous nous occupons.

I. CistovlC, Théophane Procopovit et son époque, Pétersbourg ! 1868 ; L’affaire ReSilovskoje, Théophane Procopovit et Théophulæte Lopalinskij, Pétersbourg, tsoi ; S.-N. BraJlovskij, A propos de la biogr. de Th. l’r. / K biografli…), dans Zurn. Min. <ir. l’r., juin 1893 ; G. t.ui’vië, La « Pravda voit monarëe) » de Th. Pr. et us sources occident., turlev, 1915 ; L’affaire de Th. Procopovit (Dêlo o Th. Pr.), dans

Cleniju, 18t12. Ce sont quelques-lins des documents avant

trait aux débats sur l’orthodoxie du personnage. On j trouvera la Vie de l’archev. de Novgorod, l’hérétique Th. Procopoviè, écrite p : ir Marcel liodyse -~ 1< i.î ; A. -Y. Kartoscv, Sur l’orthodoxie de Th. Procopoviè (K voprosu…), dans Mélanges Kobeko, Pétersbourg, 1913 ; I’. Morozov, Th. Procopoviè, écrivain, ibid., 1880, paru d’abord rians£urn. Min. A’or. Pr., (évr.-sept. 1880 ; I. MoroSkin, Théophylacte f.opatinskij, clans Russkaja Starina, janv.-févr. 18<S0 ; S. -G. Iiunkcvic", Th. Procopoviè dons su correspondance avec Pierre le Grand, dans Strannik, févr. 1906 ; Th. Tikhomirov, L’idée de l’absolutisme de Dieu et la scolaslique protestante dans la théologie de Th. Procopoviè (Ideja), dans Khr. Clen., 1884, n. 2. Pour son activité administrative, voir surtout les premiers volumes de la Description des archives du Saint-Synode (Opisanie…) ou de la Collection complète de* décrets et décisions ayant trait à lu religion orthodoxe dans l’empire russe ( Poinoe sobranie…).

Théophane Procopoviè exerça une inllucncc décisive sur la vie ecclésiastique de son pays par le concours qu’il prêta à Pierre le Grand dans l’institution du Saint-Synode. L’Église russe perdit alors les derniers vest iges de liberté qu’elle avait péniblement conservés durant sa lutte séculaire avec le pouvoir civil, lutte qui avait produit peu de héros. Le Saint-Synode, dans la conception de ses fondateurs, fut simplement l’organe par lequel le souverain gouverna l’Église de Russie. Les membres de ce collège ecclésiastique devaient jurer qu’ils reconnaissaient « comme juge suprême de ce collège notre monarque très clément de toute la Russie ».

Nous n’avons pas a analyser ici le règlement ecclésiastique de Pierre le Grand qui intéresse bien plus les canonistes que les théologiens. Il nous suffit ici de préciser les causes, indiquées par le Règlement ecclésiastique, de la transformation opérée dans le gouvernement de l’Église. Nous omettons celles qui nous semblent de moindre importance : Il y a plus de lumière dans les délibérations : " Là où un groupe nombreux s’efforce à examiner la vérité, celle-ci apparaît mieux et est plus certaine que si elle a été l’objet de l’examen d’un seul. » — Il y a plus d’autorité : « Et ceci est encore plus important dans l’Église oit le gouvernement n’est pas monarchique afin de ne pas dominer sur le clergé. » — Le Collège jouira de tout le prestige de l’empereur : « Nous sommes convaincus que le Collège aura nécessairement beaucoup d’autorité du fait qu’il dépend du monarque et qu’il en a reçu son origine. » — Les affaires seront expédiées plus rapidement, surtout si le « hiérarque » tombait malade ou « était occupe a d’autres affaires inévitables « ou retenu parla maladie et la mort. — Il y aura plus d’honnêteté, l’incorruptibilité d’un seul étant moins assurée que celle d’un groupe. Il y aura plus de justice, car le collège se laissera moins effrayer par les puissants qu’un seul. — Il n’y aura pas de difficultés avec le gouvernement de l’État, car le peuple ne se rend pas toujours compte de la différence entre le droit de l’Étal et celui de l’Église. Quand il voit la splendeur du pontife suprême, il est rempli d’admiration et va jusqu’à croire que ce pontife est égal à l’autocrate ou même son supérieur ». Pierre voulait à tout prix empêcher une seconde affaire Nikon, Le seul autocrate, c’était lui. — Il y aura plus de sûreté, car si quelqu’un des membres du synode, même son président (ceci pour Javorskij I), erre en quelque point, il pourra être corrigé par ses collègues au juge ment desquels il sera soumis. - Enfin, le Saint-Synode devait être un séminaire d’évêques. On voit ce qdl reste, dans cette conception inspirée visiblement de théologiens protestants, de l’institution divine de l’Église, de la constitution que lui a donnée.lésas Christ et de la place faite à l’Esprit-Saint dans SOI) gouvernement.

Reconnaissons pourtant que l’institution du Saint-Synode lit beaucoup pour l’instruction du clergé en Russie et aussi pour son maintien extérieur. Beaucoup de graves abus lurent corrigés, brutalement il est vrai, et l’Église, sous la surveillance plus continue du gou-