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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE DÉBAT SUR LA FORME DE L’EUCHARISTIE

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Il expose ensuite leur doctrine sur la transsubstantiation (n. 2, 4, 5, 6, 8, 12, 15, 13) et y relève surtout les épithètes désagréables, À son tour, il donne la doctrine catholique et cite un certain nombre d’autorités. Il revient ensuite à la charge contre l’.lLo.s (q. xiv, v, vi, ix, x, iv), cite quelques lettres qui ont été écrites sur cette question en Ukraine (une de Mazeppa, deux d’Innocent Monastyrskij) où tout le clergé, nous le verrons à l’instant, avait été sérieusement alerté par les insistances du patriarche Joachim. Euthyme, pendant ce temps, opposait une réfutation à la réfutation d’Athanasc, auquel il reprochait son langage insupportable, mais, à vrai dire, il tombait lui-même dans les mêmes excès quoique, il faut bien le reconnaître, avec un peu moins de variété et de pittoresque.

S. Belokurov, Izvestie istinnoe, dans Ctenija, 188.~>, n. 3 ; du même, Silvestre Medvêdev sur la correction des livres durant les patriarcats de Nikon et de Joachim (S. M. <ib ispravletiii), dans Khr. Cten., 1885, 2 ; P. Zubwskij, Kontroversija, œuvre polémique du x VZI’siècle, dans Pamjatniki drevnej pis’mennosti, t. i.xxiv, 1888.

Entre temps, le patriarche Joachim, qui mettait toute sa farouche énergie à lutter contre Medvêdev, avait envoyé la Mature et l’Akos aux évêques ukrainiens en les priant de porter un jugement sur l’affaire. Il n’y eut pas de réponse. Lu mars 11)88, il expédia deux nouvelles lettres, l’une au métropolite de Kiev, Gédéon Cetvertinskij et l’autre à l’archevêque de Cernigov, Lazare Baranoviè ; il leur posait des difficultés sur le concile de Florence, d’où, suivant les Likhudi, l’opinion latine tirait son origine. II dut se contenter de la réponse que le concile de Florence n’était pas conforme à la doctrine orthodoxe. En septembre 1688, nouvelles lettres de Joachim sur la transsubstantiation qui restèrent, cette fois, sans aucune réponse. Ce n’était pas qu’on se désintéressât de la question. Loin de là ! L’hetman cosaque Mazeppa, en envoyant un rapport sur cette affaire à Théodore Saklovitoj. important personnage de la cour de Sophie et ami de Medvêdev, lui dit que tous étaient d’accord avec Medvêdev et prêts à mourir pour leur conviction. Le théologien le plus en vue — Lazare Baranoviè étant déjà un vieillard — était alors le moine Innocent Monastyrskij. Celui-ci, en même temps qu’il écrivait à Medvêdev en lui prodiguant les plus vifs éloges (non pas Sil-vester, mais Sol Vester), affirmait à l’hetman Mazeppa que « à Kiev, par la grâce de Dieu, depuis que le pays fut éclairé de la vraie foi, la piété resta toujours et es ! encore immaculée ». Il donnait en même temps la dernière main à son Livre sur la transsubstantiation qui s’accomplit par l’opération du Saint-Esprit par les paroles du Christ, écrit par l’higoumène du monastère de Saint-Cyrille à Kiev, Innocent Monastyrskij, contre les Likhudi, qui fut terminé durant le carême de 1680. Ce livre fut écrit sur l’ordre du métropolite de Kiev Gédéon. Toute l’Ukraine ici était unanime… Quand son manuscrit fut mis au point, Monastyrskij vint a Moscou prêter main forte à Medvêdev.

Mais, au moment même où il finissait son ouvrage, le 5 mars 1689, une autre lettre, péremptoire celle-là, partait de Moscou. Le patriarche Joachim, qui n’avait pas oublié ses anciennes manières de sous -officier, envoyait aux Ukrainiens une mise en demeure i de déclarer immédiatement leur accord avec la sainte Église orientale et leur unanimité avec notre humilité suivant ce que nous avons écrit auparavant ». Les évêques méridionaux trouvèrent le courage de lui répondre que la transsubstantiation s’opérait par les paroles du Christ » et ce n’est pas sculement [’Église malo-russe, mais toute l’Église de Russie qui a toujours cru ainsi et le croit encore maintenant : elle le confesse cl désire mourir dans cette confession », Joachim répondit par un ultimatum qui mit enfin au pas les prélats malo-russes, mais il est difficile de dire que leur obéissance fut durable. Longtemps encore, en Ukraine, on défendit la doctrine catholique sur ce point comme sur d’autres. En même temps, Joachim écrivait au patriarche de Constant inople Denys et lui demandait de lui envoyer direct entent une lettre n rédigée comme par un concile », en trois exemplaires : « l’un doit être adressé au clergé kiévien, l’autre au tsar, le troisième à lui-même ». Le patriarche était prié d’écrire comme si c’était de son propre mon veulent et recevait à ce sujet les instructions les plus précises.

Les choses se gâtaient rapidement à Moscou. Euthyme avait fait courir la rumeur que Medvêdev voulait assassiner le patriarche Joachim. Les slrellsi (gendarmes ) s’inquiétaient. Plus grave encore était la situation provoquée par le fait que le jeune Pierre Alexeèvic, le futur Pierre le Grand, trouvait trop pénible le joug de sa semr. En août 1689, il y eut une rupture ouverte entre Sophie et le jeune Pierre qui s’enfuit au monastère de la Troitsa. Peu à peu, les troupes jiassèrent du côté de Pierre et Sophie se trouva abandonnée. Au mois de septembre, on exigea d’elle qu’elle livrât Silvestre Medvêdev et Théodore Saklovitoj, son ancien chancelier. Elle consentit, et envoya arrêter l’infortuné à son monastère ; il s’était enfui. On le chercha durant toute une semaine et on le trouva le 13 septembre 1689 dans le monastère de Biziukov (territoire de Dorogobuz). On l’accusa d’avoir fait de la politique, en particulier d’avoir voulu assassiner le patriarche. Silvestre nia durant toute sa captivité d’avoir jamais entretenu un pareil dessein. En tout cas, on ne put trouver de témoignages sérieux pour le convaincre de ce crime. En constatant la tranquille assurance de Silvestre dans ses protestations d’innocence, en songeant que jamais, même par les tortures les plus savantes, on ne put lui arracher un aveu compromet tant, on est forcé de conclure que ce n’est pas Silvestre qui tenta d’assassiner Joachim, mais Joachim qui assassina Silvestre. Il y mit son temps. Le 5 octobre, Silvestre fut condamné à mort ; il attendit seize mois pour être exécuté.

Le patriarche Joachim prétendit encore que Silvestre, avant de mourir, avait rétracté ses « hérésies ». Il semblerait étrange que Silvestre, qui maintint cette doctrine avec tant de sereine énergie durant tant d’interrogatoires accompagnés de torture, se fût enfin rétracté. On a remarqué que la rétractation qui lui est attribuée ne porte pas sa signature. Prozorovskij en conclut que nous sommes ici en présence d’un faux, » P. cit., p., ’567 : tel est aussi notre avis. Cette Rétractation de Silvestre est bien dans la manière de Joachim ou d’Euthyme.

Tenant cette confession forgée en mains, Joachim crut pouvoir convoquer un concile. Il se réunit en janvier 1690 au palais patriarcal. Il y eut, en plus du patriarche, Adrien de Kazan, qui n’était que médiocrement partisan du patriarche trop militaire. Paul de Niznij Novgorod. Euthyme des Kruticy, Athanase de Kholmogor qui était un des partisans les plus décidés de Joachim, avec un certain nombre d’archimandrites et d’higoumènes. Le clergé moscovite était loin d’y èlre au complet. Il n’y avait pas un seul représentant du clergé ukrainien, car Monastyrskij, récemment arrivé à Moscou, avait clé prompleinent qualifié d’ « instrument du grand Satan » et chassé de la ville. Savva, le compagnon de Medvêdev, vint en personne lire la rétractation qu’il avait signée sous la torture. Medvêdev qui languissait encore en prison (il ne sera décapité que le Il février 1691) ne parut même pas devant le concile. Après lecture des rétractations, le patriarche prononça un discours dans lequel il lit l’hisi orique de ce1 1e con ! roverse. Puis il condamna un cer-