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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE DÉBAT SUR LÀ FORME DE L’EUCHARISTIE

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1675 ou 1676 (c.-à-d. sous le patriarcat de Pitirim). Euthyme, jusqu’à l’arrivée des Likhudi, défendait lui aussi l’opinion occidentale, aussi populaire alors à Moscou qu’à Kiev. Il est suggestif que dans la première rédaction de son Instruction aux prêtres il ait déclaré comme tout le monde que la forme de l’eucharistie consistai ! dans les paroles : « Prenez et mangez… » Nous ne pouvons pas imaginer qu’il ait abandonné son maître Épiphane et suivi Siméon de Polock, qu’il détestait d’ailleurs cordialement, afin d’embrasser sur une question théologique de toute première importance une opinion proposée « par les Latins » et qualifiée par Épiphane de « grand péché ». Il y a là une contradiction qui saute aux yeux. Plus tard. Euthyme, devenu champion de la doctrine likhudienne, publiera tout un traité sur la transsubstantiation, qu’il attribuera à Slavi neckij. Il n’est pourtant pas impossible, à cause d’une remarque de Silvestre Medvêdev, qu’Épiphane, à la lin de sa vie, se soit rallié à la thèse del’épiclèse (Manna, édition Prozorovskij, p. 504). Ceci, comme presque tout ce qui touche au savant kiévien, n’a pas encore été éclairci. Le désordre dans lequel les bibliothèques ont été plongées en U. R. S. S. ne permet pas de prévoir que cette lacune sera comblée dans un proche avenir.

K. Kharlampovië, L’influence malorusse… (supra, col. 306), p. 121-1 10 ; V. Pevnickij, Épiphane Slavineckij, un des écrivains principau.x de lu litlér. russe au XVIIe siècle, dans Trudij, 1861, n. 2 et 3 ; Iv. Rotar, Épiphane Slauineckij, écrivain du XVII’siècle, Kiev, 1901, ee travail a paru d’abord dans Kievskaja Starina, en général, il fut sévèrement critiqué (Kharlampovië, p. 122). — Le dictionnaire gréco-slave-latin a été décrit dans Isl. Otd., mai 1880, p. 216, comme rareté bibliographique ; Sobolevskij, dans Perevodnaju lileratura moskovskoj Rus., t. xiv-xvii, p. 121, a nié qu’il ait été composé par Épiphane. On trouvera la liste des travaux de Slavineckij dans la lettre du moine Euthyme (15 mai 1676) publiée par V.-M. Undolskij, dans Gtenija, t. ii, n. 4, p. 69-72.

Avec Siméon de Polock nous sommes sur un terrain plus sur. Celui-ci exerça, du reste, une influence plus profonde qu’Épiphane. Siméon naquit à Polock en 162 !), étudia à l’académie de Kiev, puis, suivant une habitude assez répandue parmi les élèves de l’académie kiévienne, il alla compléter ses études dans les écoles polonaises, peut-être chez les jésuites. Plus tard, on l’accusera d’avoir été uniate. Ses professeurs, en tous cas, furent les « Révérends Pères » Casimir Koratowiez. Z. Zaluski, Ladislas Rôdzinski. Il semble avoir obtenu le grade de docteur en théologie. Le fait est que, toute sa vie, il montrera une vive sympathie pour la théologie catholique. Il prit l’habit monastique à Polock en 1656 et enseigna dans l’école adjointe au monastère de l’Epiphanie. Il y salua le tsar Alexis Mikhailovië, quand le souverain moscovite promena ses armées victorieuses en Russie Blanche. Vers la lin de 1659, il mena douze élèves visiter Moscou où il revint en 1663, cette fois « pour la vie éternelle ». Il exerça bientôt une profonde influence sur la vie inlel lectuelle de la Russie. Deux ans après son arrivée a Moscou, il y ouvrit une école (1665) où i 1 n’eut au début que quatre élèves, dont l’un, Siméon Medvêdev, alors jeune employé dans les chancelleries du tsai, (levai I plus tard s’illustrer sous le nom monastique de Sil vestre. On y faisait du latin, de la poésie, de l’élo quence. On s’y initiait aux disputes théologiques a la mode occidentale. Sous l’influence de Siméon, Medvè dev prit goût aux mystères de la théologie scolastiquc et lit la connaissance des ouvrages théologiques des maîtres occidentaux qui devaient donner une tournure si catholique à sa pensée. Siméon, en même temps qu’il était maître d’école et une sorte de poète lauréat. acquit une place plus en vue en devenant l’interprète de l’aise I.igaridès en diverses circonstances Importantes. Au concile de 1666 dont il nous a laissé une histoire précieuse écrite en polonais, il eut l’occasion d’exercer une influence décisive sur la théologie moscovite, en écrivant contre la supplique de Nikita Pustosviat, sa Verge de direction qui marque une date dans l’histoire de la théologie en Moscovie. Voir ci-dessus, col. 302.

Vers la fin de sa vie, surtout en 1677, Siméon écrivit un certain nombre de tiaités contre les protestants : sur les âmes des saints, sur l’invocation des saints, le culte dû aux icônes, aux reliques, à la croix, sur l’aide à procurer aux défunts, sur la tradition ecclésiastique et la lutte contre les démons. Aucun de ces traités, que je sache, n’a encore été publié. Siméon n’a pas, à ma connaissance, écrit de traité antilatin. Intéressante, au point de vue dogmatique, est sa Couronne de la foi catholique encore inédite, qui est une exposition des principaux dogmes orthodoxes et dont on a dit que « si Siméon ne tombe pas dans le latinisme, il ne l’attaque guère ». Siméon composa aussi un abrégé de cette Couronne de la foi sous le titre de Petit catéchisme.

II fit beaucoup pour mettre la prédication en honneur. Ses recueils de sermons, Soirées spirituelles (Moscou, 1683) et Repas spirituel (Moscou, 1681), publiés après sa mort par Medvêdev révèlent un beau talent oratoire, une sûreté de doctrine peu commune chez un orthodoxe de cette époque et, autant que nous pouvons en juger, un style brillant. Le Repas spirituel est un recueil de sermons De tempore ; les Soirées spirituelles sont des panégyriques pour les jours de fêles. On remarquera surtout, parmi ces dernières, les magnifiques panégyriques sur la sainte Vierge qui mériteraient une étude spéciale. L’orateur russe, se rapprochant d’auteurs occidentaux, plane à des hauteurs peu communes. L’œuvre imprimée et manuscrite de Siméon fut condamnée presque entière par le patriarche Joachim au concile de 1690.

K. Kharlampovië, L’influence malorusse (supra, col. 306), surtout p. 379-393 ; A. Beleckij, Les premières années de l’activité littéraire de Siméon de Polock (Iznacal’nukh têt…), dans Sbornik, t. ci, 1928, n. 3 ; V. Popov, Siméon de P., prédicateur (S. P. kak propovédnik), Moscou, 1886 ; I. Tatarskij, Siméon de Polock, Moscou, 1886, cet ouvrage est la meilleure monographie à ee sujet, il parut d’abord en série d’articles dans la revue de l’académie ecclési istique tic Moscou, Pribavlenija k izdaniu…, 1886, 1887 ; parmi les recensions, nommons surtout Vladimirov dans 2urn. Min. Nar. Pr., avr. 1XS7, et la brochure de G.-Ja., La personnalité et l’activité de Siméon de P. (en marge de l’ouvrage de I. Tatarskij), Kiev, 1887 ; Tatarskij répliqua très aigrement dans sa revue Pribavlenija, 1888, p. 602 ; on comprend l’initation de Tatarskij, car son contradicteur anonyme l’avait accusé de manquer d’orthodoxie.

Siméon (Silvestre) Medvêdev. —

Mais c’est surtout par son disciple Medvêdev que Siméon exerça une influence presque décisive sur la pensée russe durant la seconde moitié du xviie siècle. Siméon Medvêdev naquit à Kursk le 27 janvier 1641 d’une famille de diaks ou secrétaires de chancelleries. Il servit lui-même au département des affaires étrangères jusqu’au jour où Siméon ouvrit son école. Il en suivit les cours jusqu’en 1672, où il se retira dans un monastère pour étudier sa vocal ion dans le calme et le recueillement. Ceci n’arriva pas sans l’influence de Siméon de Polock cjui était convaincu que « la vie dans le monde, surtout la vie de famille, était absolument incompatible avec l’inclination au travail scientifique ». Medvedev, dans son monastère, suivait tous les exercices de communauté. Il mit ses talents d’écrivain au service de l’higoumène, planta des arbres au jardin et chanta a l’église. En 1674, après un séjour de deux ans au monastère, il rompit tous les liens qui le rattachaient an monde et, sous le nom de Silvestre, fit la profession monastique, Il revint à Moscou en 1677 et logea de nouveau chez son ancien maître dont il partagea l’intimité. Ce fui la période la plus heureuse de la vie des