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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE DEBAT SUR LA FORME DE L’EUCHARISTIE

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cet aventurier, d’une conduite douteuse, laissa mauvais souvenir en Moscovie comme partout ailleurs. Les ouvrages qu’il écrivit alors restèrent à l’état manuscrit. Ses réponses au boiar Stresnev, son histoire du concile de 1666-1667 et sa réfutation du traité starovière de Nikita Pustosviat ne virent le jour que dans la seconde moitié du xixe siècle.

Juri Krizanic. —

On a écrit beaucoup sur Juri Krizanié au cours du siècle dernier. Le célèbre panslaviste croate, qui persista dans ses idées à travers les vicissitudes les plus extraordinaires, a trouvé des admirateurs en France, en Allemagne, en Hollande, dans son propre pays, et surtout en Russie. Né en 1617, Krizanic’se fit admettre à Rome au collège grec de Saint-Athanase ; après y avoir terminé ses études, ayant ensuite fait un court stage dans son pays natal, il commença sa vie errante. On le voit d’abord en Russie, puis a Constantinople ; il revient à Rome, où il imprime sa Bibliotheca scliismaticorum universel, puis repart pour Moscou où il s’offre au tsar Alexis pour faire des travaux de philologie ; mais on se méfiait trep du prêtre catholique (Krizanic était autrement intègre que Païse Ligaridès) pour lui confier une mission comportant une telle responsabilité. Peu de temps après son ai rivée à Moscou, on l’envoya à Tobolsk, en Sibérie, où il passa quinze ans (1661-1676), fournissant une production littéraire des plus fécondes. En 1676, il fut transféré à Solovki, dont la résistance avait été enfin écrasée par les troupes de Mesèerinov. Les anciens moines, contre lesquels Krizanié avait écrit sa Réfutation étaient dispersés, et un personnel nouveau était installé dans l’antique monastère. Ceci lui sourit peu, aussi il demanda et obtint du tsar Feodor Alexeêviè, récemment couronné, de rentrer en Occident. II se fit dominicain en Pologne, niais, après peu de temps, son caractère trop indépendant lui causa de graves difficultés avec les supérieurs de l’ordre. Il se mit en route pour Rome, mais mourut pendant le voyage, on ne sait trop dans quelles circonstances (1682). Sis ouvrages n’ont vu le jour qu’au cours du siècle dernier.

P.-A. Bezsonov, 1.’fit al russe au milieu du XVIIe siècle (Russkoe…), 2 vol., c’est la Politika de Juri KriLaniê. Il revint sur ce sujet en une série d’articles dans Prav. Sob.. 1870 ; M.-N. Berezkov, Plan de la conquête de Crimée, élaboré par Juri Kriïanié, dans Ëurn. Min. Sur. Pr., oct., nov. 1891 ; V.-A. Bilbasov, Juri Krizanic : Données nouv. tirées des arch. de Home, dans Russ. Starina, déc. 1892 ; A. Brtickner, Juri Krizanië, sa vie et son activité litiêr., dans Bog. Vêst., 1887, n. 6, 7 ; S.- A. Belokurov, Juri Krizanic en Russie, dans Ctenija, 1903, n. 2 (p. 1-210) et 3 (p. 1-306) ; V. Val’denberg, L’idée politique de Juri Krizanic (Gosudarstvennaja. ..), Pétersbourg, 1912 ; P. Pierling, Données nouvelles sur Juri K. (Xovoe…), dans Russ. Starina, févr. 1901 ; V.-l. Piceta, Juri Krizanic. Ses vues économiques et politiques, Pétersbours, 1911 ; M. -G. Popruzenko, Quelques remarques sur les ouvrages de J. Krizanic, dans Izv. Otd., 1897, n. 2 ; S.-K. Smirnov, La réfutation de la supplique île Solovki » ar le pope serbe Juri Krizanic ( Serbskago popa…) dans l’ribavlenia k izd. tvorenji sv. Otzov, 18(>0 ; M.-I. Sokolov, (*/i nouveau travail de Juri Krizanic sur l’union des Églises I Xovo-otkrglnoe), dans iurn. Min. Nar. I-r., avr.-mai 1891 ; A. -A. Titov, La Sibérie au XVIIe siècle, Moscou, 1890 (Sibir…) ; Ph. Titov, Juri Krizanic n’était pas un slavophile, mais il n’était qu’un agent de la propai/ande catholique en Russie au milieu du XVII’siècle (Juri Krizanic…), dans Trudg, 1903, n. 1, cet ouvrage est une recension de Belokurov, La vie spirituelle de la société moscovite an XVII’siècle ( Iz dukhovnoj. ..), Moscou, 1903, où il était beaucoup question de Krizanic ; Bug. Smurlo, Jurij Krizanië ( 1618-1683), Panslavista o Missionario ? Rome, 192(5 ; V. Jagic, La vie et l’œuvre de Juri Krizanié (en croate : îivol i rad Jurja K.). Zagreb, 1917, ouvrage monumental de 510 pages, auquel le P. Pierling a consacré un chapitre dans le t. iv de son grand ouvrage, La Russie et le Saint-Siège. Voir enfin H.-J.-A. Van Son, Autour de Krizanic. Étude iiist. et linguist. , Paris, 1934.

Païse Ligaridès et Juri Krizanié étaient des isolés qui n’exercèrent pas une influence notable sur le développement de la pensée religieuse en Moscovie. Beaucoup plus importante fut l’action des lettrés ukrainiens ou blanc-ruthènes qui vinrent à Moscou, soit pour de brèves visites comme Gisel, Baranoviè, Galiatovskij, Monastyrskij, soit, surtout, pour y passer leur vie ou, pour nous approprier l’expression moscovite, « pour la vie éternelle ». Voir sur eux : H.-V. Kharlampoviè, L’influence malorusse sur la vie ecclésiastique de la Grande-Russie (Malorossijskoe…), 1. i (seul), Kazan, 1914 ; cet ouvrage capital est indispensable pour l’étude de ce paragraphe, comme pour le suivant : sur l’Église russe à l’époque de Pierre le Grand.

Parmi les plus fameux, nommons tout d’abord Épiphane Slavineckij et Siméon de Polock. Mais ces noms plus illustres ne doivent pas nous faire perdre de vue la multitude de moines, de chantres, d’artisans, de maîtres d’école, de prêtres qui vinrent en Moscovie et, plus cultivés que le clergé local, exercèrent sur lui une profonde impression.

Épiphane Slavineckij. —

On attend encore une bonne monographie sur Épiphane Slavineckij, car les travaux de Pevnickij et de Rotar sont loin d’être satisfaisants et Kharlampovic n’a pu encore résoudre tous les problèmes. On ne sait même pas exactement quand il naquit. Il étudia à Kiev, dit-on, mais avant la réforme de l’académie par Mohila. Il s’en alla ensuite, paraît-il, quelque part en Occident. Enfin il se fit moine, revint à Kiev et, en 1649, fut envoyé à Moscou où il lit excellente figure. Sa production littéraire est extraordinaire. On compte bien cent cinquante travaux qui lui sont dus, dont la plupart, il est vrai, ne sont que des traduct ions..Malgré l’indépendance de son caractère - - lors du premier procès conl re le patriarche Nikon (166U), il eut seul le courage île s’opposer à ceux qui, sous la pression du tsar, exigeaient la déposition et la dégradation du malheureux prélat tombé en disgrâce, et il sut faire prévaloir son avis — il n’eut jamais de difficulté à Moscou. C’est que, hormis ce cas exceptionnel, il faisait son travail sans s’occuper de polit Lque. Plus que théologien, il était philologue. Il fit d’abondantes traduit ions et il a laissé un dicl ionnaire intéressant (grec-slave-latin). Il fut orateur, mais le contenu dogmatique de sa prédication, d’après Pevnickij, semble avoir été maigre. Son disciple Euthyme rapporte une violente dispute entre lui et Siméon de Polock au sujet du moment précis de la transsubstanl iation, Siméon de Polock, nous y reviendrons, défendait la doctrine que les Russes appellent aujourd’hui occidentale, mais que nous qualifierions simplement de catholique : que la transsubstantiation s’opère par les paroles du Christ (nous parlons de sa cause formelle). Épiphane, toujours d’après Euthyme, répliqua que cette doctrine était fausse, car les Pères orientaux lui étaient contrains et il cita les liturgies de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, « Siméon : « Est-ce un péché de < suivre renseignement occidental ? » (L’insistance à mettre ce terme dans la bouche de Siméon nous pousse à douter de la véracité d’Euthyme et même de l’authenticité de ce fragment.) — Épiphane : « Quiconque pense " ainsi est hérétique. » — Siméon : « .Mais à Kiev, tous « nos érudits russes pensent ainsi : que le pain et le vin " sont changés au corps et au sang du Christ par les « seules paroles du Christ. Commettent-ils un péché en « pensant ainsi ? » ----- Épiphane : » Nos Kiéviens ont « étudié et étudient encore seulement en latin, ils ne « lisent que les livres latins et c’est là la cause de cette « doctrine. Ils ne savent pas le grec et ils pèchent gravement à ce sujet ; c’est la une hérésie latine. » (Osten., p. 71-73). » Plusieurs savants russes, notamment Sliapkin ont douté de l’authenticité de cet épisode. Il est difficile d’imaginer une dispute aussi violente en