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    1. RUSSIE##


RUSSIE. CONTROVERSES AVEC LES PROTESTANTS

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consacré aux protestants une partie importante de son ouvrage sur l’unité et la vérité de la foi orthodoxe. Cet ouvrage, bientôt traduit en russe, devint accessible aux savants moscovites. En 1602, un anonyme publia à Vilna un traité sur les images, la croix, la louange de Dieu, la louange et l’invocation des saints et sur d’autres articles de foi de la seule véritable Église en douze chapitres, dirigés surtout contre les différents « iconoclastes et ariens », c’est-à-dire contre les protestants de toute secte qui s’étaient multipliés en Pologne et en Lithuanie. L’ouvrage fut bientôt traduit en russe, peut-être par Nasedka lui-même, mais il ne fut pas publié tel quel. Nasedka lui ajouta trente-cinq chapitres tirés de diverses autres sources (psautier commenté, Flavius Josèphe, d’autres ouvrages de Russie occidentale). Nasedka avait beaucoup ajouté de son propre fond. Moins homogène et serré que le Traité sur les images, le nouvel ouvrage avait plus de variété. Ainsi Nasedka parlait de l’invocation des saints (c. xiii), du monæhisme (c. xiv), des églises et des mystères (c.-à-d. des sacrements) (c. xv), du clergé luthérien (c. xvi), des fêtes en l’honneur des saints (c. xvii), de la manière de compter les années, du canon des Livres saints et de la tradition (c. xxin), du baptême (c. xxiv), de la hiérarchie (c. xxv), du pain dans le sacrement de l’eucharistie (c. xxvi-xlv), de l’autorité des saints Pères et des conciles œcuméniques (c. xlvi), de la supériorité de l’Église orthodoxe (c. xlvii), du serment (c. xi.vin), et de la prosphora dans le sacrement de l’eucharistie (c. xlix). On remarque l’importance donnée à la sainte eucharistie dans cette étude. De fait, c’est là une différence fondamentale entre l’orthodoxie et le protestantisme. Vingt chapitres traitent de la seule question des azymes, ceci contre les catholiques ! Les arguments sont classiques. Les latins et les luthériens, paraît-il, reprochaient aux orthodoxes l’usage de la prosphora en disant que Jésus avait donné à ses apôtres du pain, non un sceau. Le polémiste explique que les souffrances de Notre-Seigneur, prédites dans l’Ancien Testament, furent rappelées au moment de l’institution par le Sauveur lui-même (Tsvêtaêv, Protestantstvo…, p. 618-619)- Tsvêtaêv nous dit aussi que Nasedka traita du moment de la transsubstantiation, mais il n’a pas cru utile de nous donner des détails à ce sujet.

L’Exposition contre Luther ne fut jamais imprimée, mais elle circulait en grand nombre de copies quand parut un Sobornik ou Recueil de discours choisis sur le culte et la vénération des icônes. Ce traité semble bien être le premier ouvrage de polémique antiprotestante qui soit sorti des presses moscovites. Il contient douze chapitres tirés presque uniquement d’anciens auteurs : Constantin l’orphyrogénète sur l’image achéropite ; deux lettres du pape Grégoire à Léon l’Isaurien sur les saintes images : le discours de Germain de Constantinople au même empereur sur le culte des images et de la sainte croix ; quatre écrits de saint Jean Damascène ; le Rouleau multiple (mnogosloznyj svilok) adressé a l’empereur Théophile, un récit sur les miracles de l’image de la Mère de Dieu appelée Romaine. Le seul slovo russe qui ait trouvé place dans ce recueil est un chapitre de Zénobe Otenskij que nous avons analysé ailleurs.

Deux autres recueils rendirent service aux polémistes antiluthériens : ce furent le Kniga Kirilovskaja dont nous avons déjà parlé, basé en grande partie (pour ce qui est de la polémique antiluthérienne) sur l’Exposition contre Luther. Nasedka prit une part importante à la rédaction de cet ouvrage. L’autre livre, le Livre sur la foi, était, nous l’avons dit, d’inspiration surtout occidentale.

Sur Nasedka, en plus des ouvrages généraux de Tsvêtaêv (voir col. 282) : A.-l Golubtsov, Sur l’auteur, ta date de composition, te but et le contenu de « V Exposition contre Luther (en russe : K uoprosu…), suppléments à l’édit. des ouvrages des SS. Pères f Pribavlenija…), 1888, t. XLII, p. 152 sq. ; A. Silov, Iurli ilei Nasedka (Ivan VasiieuiS), dans le Dictionnaire biographique russe (l’article est de 1914).

Les fiançailles de la princesse russe Irène Mikhailovna avec le prince Valdémar de Danemark furent l’occasion de nouvelles polémiques. Valdémar venu à Moscou (1641) pour affaires commerciales était renlré chez lui sans rien obtenir. On avait décidé à Moscou qu’il ferait un parti convenable pour la Mikhailovna. On s’empressa d’envoyer des ambassadeurs au Danemark pour demander le jeune prince en mariage, ce qui ne fut accordé qu’après l’assurance formelle de la part de Michel Feodorovic que Valdémar ne serait pas gêné dans la pratique de sa religion. Le prince danois s’était à peine installé au Kremlin (21 janvier 1644) qu’on lui proposa de passer à l’orthodoxie (8 février). Il refusa, allégua le traité et demanda à rentrer dans son pays. On lui répondit que l’ambassadeur qui avait négocié le traité n’avait pas eu d’instructions sur la question religieuse et qu’on ne pouvait, sans se déshonorer, renvoyer Valdémar chez lui. Il valait donc mieux, pour lui, se mettre simplement à l’étude et discuter avec des ecclésiastiques. Valdémar, qui partageait les vues de ses coreligionnaires sur la capacité intellectuelle des Moscovites, aurait répliqué. « Je suis plus instruit que tous vos popes ; j’ai lu cinq fois la Bible et je la sais par cœur ; mais si le tsar et le patriarche désirent une discussion, je suis prêt à les écouter. » Cinq jours après, le prince était convoqué chez le tsar et on l’invitait à obéir au souverain. Il répliqua qu’il était prêt à obéir jusqu’à l’clïusion du sang, mais qu’il ne pouvait être question de changer de religion. Trois jours après, Valdémar écrivit au tsar en l’accusant de manquer à la parole donnée. Michel subtilisait sur la lettre des conventions passées et Valdémar s’inquiétait. Le 21 avril, il reçut une lettre formelle du patriarche Joseph qui l’invitait, avec île nombreuses raisons à l’appui, à se faire baptiser. On passait à la polémique écrite 1

Cette lettre du patriarche fut rédigée, ce semble, par Ivan Nasedka qui se servit, en l’occurrence, de la lettre du métropolite Jean de Russie, du fameux et inépuisable 1 Iepi. Tojv pâyyo>v et enfin de sa propre Exposition contre Luther. Cette lettre fut souvent recopiée et courut en beaucoup de mains : le patriarche invite Valdémar à obéir au souverain et à se faire orthodoxe. Il rappelle l’union primitive des Romains avec les Grecs, la défection du pape suivie de la chute de tout l’Occident, enfin l’avènement de Luther et de Calvin, leurs écrits contre les évangiles et les conciles. Puis il aborde le point brûlant : il n’y a qu’un baptême qui se fait par triple immersion. Ainsi Jean-Baptiste baptisa le Sauveur, de même l’apôtre Pierre, suivant la description circonstanciée de saint Clément de Rome, baptisa les Romains. Il y a d’autres références encore à Clément de Rome et à Denys l’Aréopagite. Il ne peut donc pas être question d’un second baptême, puisqu’il n’y a qu’un seul baptême, mais Valdémar ayant été imparfaitement baptisé, doit l’être maintenant par triple immersion. Il n’y a pas de péché à cela ; mais si le prince est inquiet, « moi, l’humble patriarche avec tout le concile, je prends ce péché sur moi, et ce prétendu péché sera sur nous et non sur toi ».

Parmi les trois cents personnes de la suite du prince danois, se trouvait le pasteur Matthieu Velhaber. Ce fut lui qui rédigea la réponse du prince : il le lit dans un docte traité, précis, documenté, autrement serré et logique que l’écrit moscovite. Son travail était accompagné d’une lettre courtoise, où le prince rappelait les conventions passées, protestait de son obéissance vis-