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    1. RUSSIE##


RUSSIE. LE CONCILE ANTILATIN DE 1620

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partisans respectif ». Hermogène fut emprisonné peu après la disgrâce de Sujskij. Le fils du roi de Pologne, Ladislas, fut élu tsar de Moscovie. Les Russes, conduits par Hermogène, lui jurèrent fidélité. Il ne régna jamais, car au lieu de venir de suite prendre possession de sa capitale, comme on l’en implorait, il fut retenu par son père Sigismond, qui était occupé à conquérir Smolensk pour la Pologne. Moscou envoya une grande ambassade à Smolensk. Elle était conduite par Philarète, qui fut retenu en captivité par les Polonais. L’armée polonaise qui occupait Moscou s’y rendit vite impopulaire. Une insurrection victorieuse, conduite par les célèbres héros Minin et Pozarskij, chassa les Polonais de la capitale et présida aux États généraux de 1613 qui élirent comme tsar le premier Romanov, Michel Feodoroviô, le fils de l’ancien « patriarche » de Tusino retenu alors en Pologne comme prisonnier. De 1613 (année où mourut Hermogène) jusqu’en 1619, quand revint Philarète, échangé contre d’autres prisonniers de guerre, le siège resta vacant.

Le long séjour des Polonais à Moscou eut un double résultat au point de vue religieux. Chez quelques-uns il développa l’indifférence religieuse. Tel fut le cas du prince Jean Khvorostinin qui fut accusé d’avoir douté de la résurrection des morts et de la nécessité du jeûne. Il est difficile de contrôler la vérité de ces accusations, formulées par des adversaires. Il semble certain pourtant qu’il gardait chez lui des images et des livres catholiques. Le patriarche Philarète sut vite réagir contre cet état de choses. Khvorostinin fut envoyé en pénitence dans un monastère. Au bout de quelques mois il fut assagi par la discipline monastique ; il fit une profession de foi acceptable, rétracta ses erreurs et fut remis en liberté.

V.-I. Savva, Les ouvrages du prince Khvorostinin (dans Ouvrages récemment découverts du XVIIe siècle contre les hérétiques, Vnov otkrytija…) Lêt. zan., 19(17 ; S. -Th. Plalonov, .Sur les ouvrages du jirinee l.-A. Khvorostinin (K uoprosu…). Art. sur l’Iiist. russe, Pétersbourg, 1903 ; E.-V. Petikhov, Pages de l’hisl. russe du XVIIe siècle. Le truite sur le royaume des deux et sur l’éducation des enfants ( / : istorii…), dans Pamjatniki drevne) pis’mennosti, t. xc.m, 1893. Comparer au prince Khvorostinin le prince Katyrev Rostovskij, cf. S.-Th. Platonov, Traité contre les iconoclastes et toutes les hérésies néfastes (Socinenie…), dans Lêt. zan., 1907.

Mais l’ensemble du pays, surtout après le retour de Philarète, donna plutôt dans la tendance contraire et manifesta un vif acharnement contre les catholiques que l’on considérait comme les grands responsables des désastres qui avaient désolé la Russie durant les treize premières années du xviie siècle. le sentiment antilatin trouva son expression dans le concile de 1620.

Ce concile fut convoqué au mois d’octobre 1620 pour juger le métropolite des KrutiCy, Jonas, qui avait été gardien du siège patriarcal durant l’exil de Philarète. Jonas avait autorisé deux prêtres à donner la communion à deux Polonais, passés à l’orthodoxie, sans les avoir rebaptisés. Il y eut d’abord discussion entre le patriarche et le métropolite, mais Jonas, les canons à la bouche, refusa de se laisser convaincre. Il fut donc suspendu etu : i concile fut réuni pour confirmer la sentence patriarcale. Il y eut deux métropolites (Novgorod et Rostov), trois archevêques (Vologda, Suzdal et Tver) et l’évêque de Kolomna. Dans un long préambule, Philarète. retraça l’histoire des années précédentes : il parla de Dimitri, du patriarche Ignace, des immenses malheurs que ce prélat causa à l’orthodoxie en refusant de baptiser Marina « , une hérétique de la foi latine », et c’est là la raison pour laquelle il fut déposé, nous dit Philarète, par les évêques de Russie. Puis, passant sous silence son propre séjour dans le camp de Tusino, Philarète chanta les gloires de son ancien rival, le « bon pasteur » Hermogène qui, en l’envoyant comme ambassadeur à Smolensk après la débâcle de Tuâino, lui confia un mémoire composé d’extraits des saints canons pour insister sur le baptême de Ladislas, car les hérétiques doivent être baptisés. « Mais parmi les hérétiques, les plus immondes et les plus féroces sont les latins papistes, qui ont accepté dans leur religion les hérésies maudites des Hellènes, des juifs, des Hagarènes et de toutes les sectes hérétiques. » Aussi les latins « évidents ennemis de Dieu et indignes comme des chiens » doivent être baptisés.

Philarète décrit alors les erreurs latines. sa méthode est uniforme : il indique d’abord l’hérésie, cite ensuite les canons des conciles qui s’y rattachent, enfin donne de larges commentaires, puis passe à une autre hérésie et procède de même manière. Les latins sont donc melchisédéchiens, juifs et arméniens parce qu’ils jeûnent le samedi ; ils sont montanistes parce que leurs prêtres, rejetant le mariage, se choisissent des concubines ; ils ont aussi changé le temps de la Pâquc ; ils sont manichéens parce qu’ils règlent toutes leurs actions sur le cours du soleil et des étoiles, etc.

Ils ont de plus changé le symbole et proclamé deux principes dans la Sainte Trinité. À cette occasion, Philarète reproduit les textes classiques cités par les grecs dans la controverse du Filioque et ne manque pas de dire que c’est là le péché contre l’Esprit. Les latins baptisent par infusion ; ils ont changé la formule du baptême, car au lieu de dire : < Le serviteur de Dieu est baptisé », ils disent : « Moi, pope, je te baptise. » À la place des onctions, ils emploient du sel ; ils n’exigent pas de pénitence avant l’absolution. Il y a aussi, naturellement, les références aux azymes et au purgatoire. On condamne le nouveau calendrier, d’après lequel la l’àque se célèbre parfois avant, parfois après, parfois en même temps, que celle îles orthodoxes, mais en tous cas, i elle coïncide souvent avec celle des juifs ». Le concile cite alois des extraits d’une « épître contre les latins au sujet des azymes, donnée comme venant du VU* concile, que nous n’avons pas pu identifier. Enfin, le concile rapporte l’histoire du pape Formose et celle de Pierre le Bègue, si populaire en Russie depuis L’époque prémongolienne ; il cite un court passage de l’épître du métropolite Jean de Russie à l’archevêque de Rome, l’antipape Clément III, enfin le Ilepi twv OpâyYwv avec ses vingt-sept chefs d’accusation antila 1 ines.

Le 16 octobre 1620, Jonas de Sarai et Podon (des Kruticy) fut convoqué devant le concile et son cas fut examiné de nouveau : audition des témoins, confrontations, reproches. Jonas s’avoua coupable ; il lit pénitence, pleura, demanda pardon, et Philarète le releva de sa suspense.

Deux mois plus tard’, il y eut un nouveau décret conciliaire. Jonas, cette fois, siégea avec les autres. Il y avait en plus l’archevêque de Sibérie, Cyprien, qui d’ordinaire siégeait à Tobolsk. Il s’agissait cette fois de régler le passage des Blanc-Russiens dan., l’Église orthodoxe. Si les Blanc-Russiens venant de Pologne ou de Lithuanie se disent chiétiens, il faudra commencer par les examiner : ceux qui ont été baptisés par infusio î ou qui ne sont pas certains d’avoir été baptisés par triple immersion devront être baptisés et oints ; ceux qui ont été baptisés pa. triple immersion, mais par un prêtre qui commémore le pape dans la liturgie, devront elle baptisés eux-aussi, puis oints du chrême et de l’huile sainte, puis ils devront abjurer la religion latine. Enfin, ceux qui ont été baptisés par immersion et oints avec le chrême et l’huile devront jeûner durant une semaine comme font les Moscovites lorsqu’ils s’approchent des sacrement-, puis ils se confesseront et dans la confession ils devront affirmer fie nouveau qu’ils ont été légitimement baptisés. Le confesseur enverra son rapport au patriarche, ou au