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    1. RUSSIE##


RUSSIE. INVASION DES MONGOLS

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(en russe : Sbornik matcrialov…) ; G. Soranzo, II Papalo, l’Europa cristiana c i Tartari, Milan, 1930, excellent ouvrage avec abondante bibliographie, on y trouvera aussi une littérature considérable sur le moine franciscain Giovanni del Piano Carpine (.Jean de Plan-Carpin) ; voir C. Pullc, Hist. Mongolorum. Viaggio di fra Giovanni <lal Pian (Ici Carpine ai Tartari nel 1245-1247, Florence, 1913 ; Matrod, Noies sur le voltage du frère Jean de Plan-Carpin, dans Éludes franciscaines, t. xxvii, Paris, 1912.

Un des premiers princes russes à faire sa soumission aux envahisseurs fut Jaroslav VsevolodoviS, grandprince de Vladimir-sur-Kliazma ; aussi nous le voyons durant les années mêmes de l’invasion en lutte avec l’Occident. Son fils, Alexandre Nevskij, l’année même de la chute de Kiev, partait en guerre contre les Suédois et les mettait en déroute dans la bataille historique qui lui a valu son surnom de Nevskij.

Jaroslav mourut peu de temps après sa soumission, empoisonné, dit-on, par les Tartares, et — du moins Jean de Plan-Carpin rapporta le fait à Innocent IV — après avoir fait sa soumission au pape. Ses deux fils Alexandre Nevskij et André allèrent chercher à la Horde l’héritage de leur père empoisonné. André, le cadet, reçut Vladimir. Alexandre, l’aîné, dut se contenter de Kiev, et du reste de la Russie. Il en fut mécontent et en voulut au prince de Vladimir. Il commença par armer les Tartares contre son frère.

Quelle étrange figure que celle d’Alexandre Nevskij pour peu qu’on la dégage de l’auréole dont une légende tardive l’a entourée ! L’année même de la chute de Kiev, nous l’avons dit, il se battait contre ses voisins occidentaux. Il fut aussi le premier prince russe à amener une bande de Tartares contre un autre prince russe : son propre frère André. Le motif de la lutte était pure convoitise, car dès que l’aîné eut dépouillé le cadet, il se réconcilia avec lui. On a voulu faire de Nevskij le farouche défenseur de l’orthodoxie dissidente et c’est peut-être son plus grand titre de gloire pour tant de Russes contemporains, mais on connaît deux lettres d’Innocent IV adressées à ce prince : la première est une invitation à l’union, et la seconde le félicite d’avoir fait sa soumission au Saint-Siège et d’avoir promis, en signe de fidélité, de bâtir une cathédrale latine à Pskov. La Vie d’Alexandre, qui, nous dit-on, fut écrite par un « contemporain », nous montre les Tartares épouvantés au seul nom du redoutable prince russe, et les mamans effrayant leurs bébés en disant "Alexandre arrive, Alexandre arrive », alors que les relations d’Alexandre avec les Tartares ne pouvaient pas être plus cordiales. N’est-ce pas Alexandre lui-même qui amène une bande de Tartares à Novgorod pour y lever le tribut ? I"t quand les libres citoyens de la Hère république qui n’avait jamais connu la honte de l’invasion bondissent sous l’outrage, n’est-ce pas encore Alexandre qui les châtie horriblement, coupant le nez aux uns, arrachant les yeux aux autres, et qui protège les percepteurs ? Il y a encore aujourd’hui des historiens qui prétendent que Nevskij eut une vision de génie en forçant Novgorod à accepter le tribut tartare ; on dit que c’est en faisant sa soumission aux envahisseurs que cette ville resta liée avec la Russie de Vladimir et de.Moscou, tant il est vrai que cette Russie du Nord doit son évolution historique à l’influence mongole. C’est là l’immense différence entre la Russie de Moscou et celle de Kiev. La Russie de Moscou ne connaîtra jamais l’union avec l’Église catholique. La barrière que les Tartares auront élevée contre l’Occident fermera la Russie du Nord aux influences de la civilisation occidentale. C’était alors, à l’Ouest, la période glorieuse des universités médiévales : la théologie et la philosophie y arrivaient aux plus hauts sommets qui furent jamais atteints par la pensée humaine. La Russie du

Nord, humiliée, démoralisée par la dure servitude que lui imposèrent ses conquérants barbares fut totalement écartée de ce splendide mouvement d’idées. Seuls les eurasiens farouches peuvent y voir un avantage.

On trouvera les lettres d’Innocent IV dans A. Turgenev, Historien Russise moninienta, 1. 1, Pétersbourg, 1841, p. 68-09, et dans Theiner, Mon liment a liisloricaPolonio’et Mai/ni Ducatus Lilhuania’…, t. f, p. 40. Voir aussi S. -A. Rugoslavskij, Sur le texte original de la vie du grand-prince Alexandre Nevskij (en russe : K voprosu…), dans Izu. Otd., janv. 1914 ; M. Khitrov, Le saint, pieux grand-prince Alexandre Jaroslavic Nevskij (en russe : Svjatyj blagovernyj…), Moscou, 1893 ; voir surtout l’ouvrage classique de V. Mansikh, Vie d’Alexandre Nevskij (en russe : 21tie Al. Nev.), dans Parnjalniki drevnej pis’mennosli, t. c.lxxx, 1913 ; La brochure de N.-A. Klepinin, Le saint et pieux prince Alexandre Nevskij (en russe : Svjatyj i blagovernyj), Paris (s. d.), est écrite du point de vue eurasien et a peu de valeur scientifique.

2° Le synode de Vladimir (1274). —

En 1274, le métropolite Cyrille retiré, comme nous l’avons dit, à Vladimir-sur-Kliazma, réunit en cette ville un synode, l’un des rares de la Russie mongole sur lequel nous ayons quelques détails. Les évêques de Novgorod, Rostov, Perejaslavl, Polotsk, s’étaient réunis pour consacrer Sérapion, évêque de Vladimir. Dans un court préambule, le métropolite fait allusion aux nombreux abus qui ont pénétré en Russie par le fait de l’ignorance des canons, qui, jusqu’alors, étaient o obscurcis par les nuages de la langue grecque ». Cyrille annonce qu’il a une traduction non seulement des canons eux-mêmes, mais aussi de leurs commentaires. Il s’agit de la Kormôaja qui venait d’être apportée de Bulgarie en 1262 et qui semble être à l’origine des commentaires antilatins introduits dans les recueils canoniques d’ancienne Russie.

Après cette introduction, il y a neuf chapitres :
1. Contre la simonie, et à cette occasion on énumère tant les qualités requises pour recevoir le sacerdoce que les pèches qui en écartent ; le confesseur doit se porter garant du candidat, ce qui laisse à entendre que la loi sur le secret de la confession ne recevait pas une application universelle ; on parle aussi des interstices à observer ; enfin, et c’est la partie principale du canon, les tarifs de la métropole devront être appliqués à toute la Russie. Cette question des tarifs pour l’administration des sacrements semble avoir été une des plus importantes.
2. Du baptême, ou plutôt des différentes onctions à faire lors du baptême. Relevons celles de la confirmation qui se font « sur le front, les yeux, les oreilles, les narines, la bouche et nulle part ailleurs ». La formule est < Sceau et don du Saint-Esprit ». La communion subséquente est considérée comme une partie intégrale du rite : « Qu’on ne baptise jamais sans communion » et l’on défend de baptiser à l’avenir par infusion. Cette prohibition ne peut être considérée comme absolue, car les rituels des XIVe et XVe siècles semblent envisager le baptême par infusion comme une pratique courante. Dans un document presque contemporain (1278), le patriarche de Constantinople lui-même autorisa l’évêque Théognoste de Saraj à baptiser parfois par infusion : « Question : Si quelqu’un vient des Tartares et veut être baptisé, et s’il n’y a pas de bassin assez grand, où faut-il le baptiser ? » Réponse : » Verse de l’eau sur lui trois fois en disant : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » On comprend cette attitude plus large de Constantinople en se souvenant qu’en Occident les deux manières de baptiser étaient alors usuelles. Le baptême par infusion n’était pas encore la manière spécifiquement occidentale, pas plus que le baptême par immersion n’était la propriété exclusive de l’Orient.

Les autres canons de 1274 n’ont pas d’importance