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    1. RUSSIE##


RUSSIE. ÉPOQUE PRÉMONGOLIE N NK

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célibat des prêtres, de la confirmation conférée par un simple prêtre que les latins’refusent de reconnaître comme valide et. enfin et surtout, du Filioquc. Le ton est modéré. Jean invile Clément à écrire au patriarche de Constantinople.

Quand plus tard on traduisit cette lettre slave et qu’on en fit une recension à l’usage exclusivement indigène, on enleva tous ces ménagements. Jean montre une intolérance plus marquée dans ses Réponses canoniques au moine Jacob. Non seulement il interdit la communicaiio in sacris, mais, à moins de scandale ou d’inimitié, il défend même de manger en commua avec les latins. Cependant il montre un esprit plus large que les antilatins futurs. Sa treizième réponse est sévère : « Il est indigne et tout à fait inconvenant que les filles des nobles princes soient données en mariage à ceux qui communient in azymis. Ceux qui font cela devront Être excommuniés. » La menace du métropolite n’eut aucun effet. Les mariages mixtes continuèrent encore longtemps. C’est que les laïques ne partageaient pas l’exaltation antilatine de leurs hiérarques. Le métropolite Jean siégea jusqu’en 1089 (on ne sait quand son pontificat commença, ce fut après 1072). Or, durant le dernier quart du xie siècle, il y eut trois alliances princières avec les cours allemandes, un mariage suédois, un hongrois, un polonais et un poméranien. Il n’y eut pas une seule alliance byzantine. Nikolskij, Matériaux…, p. 21 1-225. La lettre a été éditée par Pavlov, Essais critiques sur l’histoire, Pétcrsbourg, 1878, p. 169-186. Les Réponses canoniques se trouvent dans Monuments de l’ancien droit canonique russe (Pamjatniki drevne-russkago…), dans Russ. Isl. Bibl., t. vi (2 « éd., 1908), n. 1, et dans le dernier supplément de ce même ouvrage, p. 321.

6° Le métropolite Nicéphorc (1104-1121). —

Il vint lui aussi de Grèce. Il nous a laissé deux écrits antilatins qui semblent avoir l’un et l’autre d’excellentes garanties d’authenticité : d’abord son épître à Vladimir Monomaque (1113-1125), qui ressemble tellement à la Dispute du métropolite Georges que l’on se demande quelle est au juste la relation mutuelle de ces deux documents. Nous n’avons ici que vingt erreurs latines ; il en manque donc huit par rapport à l’écrit de Georges. On a remarqué aussi que Nicéphorc suivait bien plus rigoureusement l’ordre de la lettre de Michel Cérulaire à Pierre d’Antioche. Cette double raison nous porte à conclure que la Dispute de Georges est postérieure à l’écrit de Nicéphorc. Une seconde lettre, semblable à la première, est adressée à Jaroslav de Volhynic.

Nicéphorc donc (si l’on exclut l’épître du métropolite Jean qui est d’un ton plus calme) aurait fourni le premier traité à peu près sûrement daté.

Tous ces écrits, sans exception, sont d’origine grecque. Les auteurs russes : Théodosc (au moins dans ses ouvrages qui ont quelque probabilité d’authenticité), Cyrille de Turov, Clément de Smolensk, Nestor, l’hagiographe des Cryptes, Ililarion, ne soupçonnent pas, semble-t-il, l’immense tragédie qui vient de déchirer l’Europe chrél ienne. Au cours des événements sanglants qui se déroulèrent en Russie au milieu du xiie siècle, les princes (surtout ceux de la maison régnante de Kiev) ne semblent passe douter qu’ils ont une autre religion que les Hongrois et les Polonais, leurs alliés. Le prince de Vladimir-sur-Kliazma. André Bogoliubskij, fort irrité contre Constantinople, parle de proclamer l’aulocéphalie en Russie. Le peuple ne croyait pas encore a une scission ecclésiasl ique, l’n bel exemple de cette union, qui régnait encore entre les cœurs, nous est donné par riiigoumènc de la terre lusse, Daniel, qui nous a laissé un délicieux Itinéraire en Terre sainte. Nous le voyons recevoir l’hospitalité des croisés (dont les chefs étaient d’ailleurs cousins des princes de Kiev), îles moines latins, des moines grecs. des évêques… et en même temps que l’hospitalité, il recevait également les bénédictions des uns et des autres. « Dans ce contact des pèlerins slaves avec les Francs, l’entente paraît régner sans ombre (nous avons relevé cependant l’un ou l’autre indice qui manifeste les préférences de l’Église russe pour la liturgie grecque : l’allusion aux azymes, les lampes allumées). Daniel est reçu à la métochie de Saint -Sabas, un monastère de rite grec, mais nous le voyons, lui et ses compagnons, fraterniser avec les Latins, soit au Thabor, soit à Jérusalem ». Lcib, op. cit., p. 284 ; < f. A. Leskien, Die l’ilgerfarlirtdes russischen Alites Daniel ins Heilige Land, dans Zeitschrifl des Deutsch-Palæstina Vereins, t. vii, Leipzig, 1884 ; Malinin, Vie et pèlerinage de l’higoumène de la terre russe, Daniel, dans Trudy, janvier 1884. Une excellente édition aété publiée par.M. Vcnevitov, dans Pravoslavnyj Palestinskij sbornik, fasc. 3 (1883), 9 (1885), compte rendu dans Zarn. Min. Nar. Pr., août 1884, p. 248-258.

Niphon et autres.


Un des premiers auteurs de polémique antilatine qui fut peut-être russe est l’archevêque Niphon de Novgorod (1130-1156). Il fut le champion du parti grec en Russie et reçut pour cette raison le titre d’archevêque du patriarche de Constantinople. Les Novgorodiens l’accusèrent continuellement d’avoir envoyé de l’argent à Constantinople et même d’avoir dépouillé Sainte-Sophie à cet effet. Ce Niphon est l’auteur d’une série de réponses canoniques faites à un certain Kirik qui cherchait à s’instruire non seulement auprès de Niphon, mais aussi auprès du pire ennemi de l’archevêque de Nogvorod, le métropolite Clément de Smolensk, et de quelques autres encore. Ces Réponses canoniques donnent un tableau vivant des mœurs de l’époque. On y trouve de tout : des coutumes intéressantes observées dans l’administration des sacrements, les purifications rituelles qui ne manquent pas d’une certaine saveur hébraïque, des indications sur ce qu’on peut manger à différents jours (c’était là la grande préoccupation des Russes d’alors), les restes de superstition, etc. Voici, d’après Niphon, la manière de recevoir les latins qui veulent se faire orthodoxes : « 10. (Que faut-il faire) si quelqu’un qui a été baptisé dans la foi latine désire se joindre à nous ? Réponse : Qu’il aille à l’église durant sept jours, tu lui donneras d’abord un nom, tu feras les prières des catéchumènes sur lui quatre fois par jour durant trois jours ; il gardera le silence ; il ne mangera pas de viande et il ne boira pas de lait ; le huitième jour il prendra un bain et il viendra vers toi ; tu feras sur lui les prières rituelles ; tu lui mettras des habits (littéralement : des pantalons) propres (ou il le fera lui-même) ; tu lui mettras l’habit baptismal et la couronne ; tu l’oindras du saint chrême et tu lui donneras un cierge. Pendant la liturgie, tu lui donneras la communion et il suivra les pratiques des néobaptisés jusqu’au huitième jour. » On ne rebaptise donc pas encore, mais peu s’en faut. Toutes ces pratiques semblent Incompréhensibles à Novgorod, car l’influence latine y est puissante à cause des relations commerciales avec un grand nombre de villes allemandes. .Mais Niphon n’est pas Novgorodien. Il a été envoyé de Kiev par le métropolite Michel qui aimait placer des Grecs à la tête des évêchés russes (Manuel à Smolensk, Théodose à Vladimir de Volhynic). Aussi plus d’un savant russe, Ikonnikov en particulier, avance, au moins comme une hypothèse bien fondée, quc Niphon était grec. Dès lors tout s’explique. Les auteurs russes sont toujours unanimes à ne pas s’occuper du schisme grec et il y a un Grec de plus à ajoutera notre liste de polémistes. Les Réponses de Niphon se trouvent dans les Monuments de l’ancien droit canonique russe, dans Russ. Isl Bibl., t. VI (2 « éd., 1908), n. 2.