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ROMAINS (ÉPITRE AUX). DOCTRINES


cher à celle qui vient des œuvres de la Loi. Pourtant, la Loi même ne leur montrait-elle pas que la foi en Jésus est la voie unique et universelle du salut ? Il sont donc inexcusables de ne pas avoir cru à l’Évangile.

Toutefois leur réprobation n’est ni totale, ni définitive. Dieu n’a point rejeté son peuple. Une partie a déjà été appelée au salut messianique. Si le plus grand nombre ont été « aveuglés » et sont tombés, « leur chute a fait la richesse du monde », car elle a servi au salut des gentils. Cette situation n’est que temporaire ; cet aveuglement cessera lorsque la masse des gentils sera parvenue au salut : alors tout Israël sera sauvé. Ainsi les desseins de Dieu aboutissent en définitive à la miséricorde ; mais ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles.

2°Deuxième partie. Les devoirs du chrétien. Recommandations et salutations (xii, 1-xvi, 27). - — 1. Préceptes généraux (xii, 1-xiii, 14). — Il faut offrir son corps en sacrifice agréable à Dieu. Il faut se transformer par le renouvellement de l’esprit, afin de discerner la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui est parfait.

Chacun doit se contenter de la fonction qu’il remplit dans l’Église : tous ne forment qu’un seul corps dans le Christ.

La charité a horreur du mal ; elle doit être prévenante, empressée, compatissante. Il ne faut pas rendre le mal pour le mal ; on doit s’efforcer d’être en paix avec tout le monde ; ne point se venger, mais laisser à Dieu la vengeance ; il faut triompher du mal par le bien.

Il faut être soumis aux autorités, car toute autorité vient de Dieu. Il faut être soumis non seulement par crainte d’un châtiment, mais par motif de conscience. Nos devoirs envers le prochain se résument en cette parole : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » ; l’amour est « la plénitude » de la Loi.

Il faut se dépouiller des œuvres de ténèbres, prendre les « armes de la lumière », se conduire honnêtement comme en plein jour ; en un mot, « revêtir le Christ », car le jour du salut approche.

2. Conduite envers « les faibles » (xiv, 1-xv, 13). — Les « faibles dans la foi » étaient des chrétiens qui croyaient devoir s’abstenir rigoureusement de viande et de vin et observaient certains jours comme spécialement consacrés à Dieu.

L’Apôtre demande que l’on observe à leur égard la plus grande charité. Celui qui « mange de tout » ne doit point mépriser le « faible dans la foi », qui « s’abstient » ou « se nourrit de légumes », car l’un et l’autre agissent pour le Seigneur. Il ne faut rien faire qui soit pour un frère une pierre d’achoppement, une occasion de chute. Il faut supporter les faiblesses des autres, chercher le bien et l’édification du prochain. Il faut pratiquer l’abnégation et accueillir les autres comme le Christ nous a accueillis. Dieu a accompli ses promesses faites aux juifs, mais les gentils eux aussi ont une dette spéciale envers la miséricorde divine.

3. Notes personnelles. Sentiments et projets de l’Apôtre (xv, 14-33). — Saint Paul, en rappelant aux Romains leurs devoirs avec une certaine hardiesse, agit comme apôtre des gentils. En s’acquittant de sa mission il les offre à Dieu comme un sacrifice et remplit ainsi le service divin.

Jusqu’ici il n’a prêché qu’en Orient, depuis Jérusalem jusqu’à l’Illyrie, et il n’a point bâti sur le fondement établi par un autre : il a parlé seulement là où le Christ n’avait pas été nommé. C’est ce qui l’a empêché à plusieurs reprises d’aller à Rome. Maintenant il espère s’y arrêter en se rendant en Espagne ; mais auparavant il doit aller à Jérusalem, pour remettre aux chrétiens une collecte faite en Macédoine et en Achaïe. Enfin il exhorte les fidèles à combattre avec lui par la prière et il les salue dans la joie de les voir bientôt.

4. Recommandations, salutations et doxologie (xvi, 1-27).- — Par manière d’épilogue, l’Apôtre recommande aux chrétiens Phœbé, diaconesse de Cenchrées et il salue spécialement un grand nombre de personnes.

Il exhorte les frères à se garder de ceux qui causent des divisions et des scandales et à s’en éloigner. Il joint à ses salutations celles de ses compagnons et de son secrétaire Tertius.

La lettre se termine par une doxologie solennelle où est résumé l’évangile de l’Apôtre, c’est-à-dire le « mystère » de Jésus-Christ, révélé par Dieu et porté à la connaissance de toutes les nations pour les soumettre à la foi.

VI. Date et lieu de composition.

Les passages I, 8, 13, laissent déjà entendre que l’épître appartient à une époque tardive dans la carrière de l’Apôtre. La notice xv, 18-23 nous apprend qu’il a évangélisé l’Orient, « de Jérusalem à l’Illyrie », et qu’il songe à s’arrêter à Rome en allant en Espagne, xv, 24, 28. Cf. Act., xix, 21. Présentement il se rend à Jérusalem pour porter aux fidèles le produit de la collecte faite en Macédoine et en Achaïe. Le verbe au présent, Ttopsû-Oji. ai, xv, 25, ne dit pas nécessairement que l’Apôtre est déjà en voyage, sur mer, ou faisant escale dans quelque port, ou dans les haltes du trajet, par exemple à Philippes, Néapolis ou Troas On ne le conçoit guère rédigeant ou dictant la lettre aux Romains au milieu des fatigues et des multiples inconvénients du voyage. Il est encore à Corinthe, sur le point de partir, à la fin des " trois mois » mentionnés, Act., xx, 33. Il est l’hôte du chrétien Caïus ou Gaïus, Rom., xvi, 23, qu’il a baptisé lui-même à Corinthe. I Cor., i, 11. La recommandation de Phœbé, diaconesse de Cenchrées, port sur le golfe Saronique, près de Corinthe, vient confirmer cette hypothèse. Un autre indice est fourni par la mention d’Éraste, « le trésorier de la ville », xvi, 23, s’il s’agit du personnage dont la deuxième à Timothée dit qu’il est <> resté à Corinthe ». II Tim., iv, 20. Mais l’on ne voit guère comment un administrateur, obligé à la résidence par sa charge, pouvait être le compagnon de saint Paul mentionné Act., xix, 22 et II Tim., iv, 20. Le nom d’Éraste était très répandu.

L’époque de la composition est fixée par les circonstances mêmes. L’Apôtre a terminé sa troisième mission ; il est sur le point de rentrera Jérusalem. La date précise dépend du système de chronologie adopté pour les voyages de saint Paul. La plus probable est l’hiver de 57-58. Si l’on avance d’un an cette date, il n’y a plus qu’un intervalle de six mois entre la première et la seconde aux Corinthiens (du printemps à L’automne de l’an 50). L’Épître aux Romains ainsi que le retour de saint Paul à Jérusalem pourraient alors dater de l’hiver 50-57. Mais dans ce cas il semble qu’on aurait quelque peine à placer dans un intervalle de six mois les événements supposés par la seconde aux Corinthiens.

La recommandation de la diaconesse Phœbé qui se rend à Rome, xvi, 1, a fait supposer que saint Paul l’avait chargée de porter sa lettre : conjecture très vraisemblable, dont on trouve l’écho dans plusieurs manuscrits et versions.

VII. Doctrines.

L’Épître aux Romains, nous l’avons déjà noté (voir col. 2875), n’est point une synthèse de la théologie de saint Paul. L’eschatologie, la résurrection, les sacrements en dehors du baptême, l’Église et même la christoiogie proprement dite y occupent assez peu de place. Mais, en traitant du salut par le Christ, sujet fondamental de l’écrit, et en exhortant à la vie chrétienne, l’Apôtre touche incidemment à une foule de sujets qui ont, dans l’ensemble de sa théologie et dans la théologie chrétienne, une grande importance. Nous avons exposé ailleurs l’enseignement de l’épître sur la justification et le salut par Jésus Christ. Voir art. Paul, § vii, L’Épître aux Romains,