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ROMAINS (ÉPITRE AUX). ANALYSE


dation, de mettre les fidèles en garde contre ces imposteurs.

Bien plus, l’épître a un caractère de généralité qui dépasse la simple lettre de circonstance. Sans en faire’une lettre circulaire, l’Apôtre pouvait envisager sa diffusion dans d’autres Églises. Cf. Col., i, 16. Il avait senti, en effet, toute l’importance de l’Église de Rome pour l’avenir du christianisme. Par sa situation et son rayonnement, i, 8, elle était appelée à jouer un rôle important dans l’expansion et l’organisation du christianisme. Elle était aux yeux de l’Apôtre un gage d’universalité et d’unité pour la foi chrétienne.

D’ailleurs saint Paul, n’étant point absolument assuré d’aller à Home, veut laisser aux fidèles un monument durable de son évangile en traitant le problème essentiel de la foi et, du même coup, il remplit son rôle d’apôtre des païens. Cf. i, 6, 13. C’est pourquoi, se plaçant tantôt sur le terrain de l’histoire et tantôt sur celui de la vie religieuse, il traite le problème du salut chrétien. Cette lettre n’est point précisément un compendium ou une synthèse de sa théologie, comme on le dit parfois : l’eschatologie, la résurrection, la cène, l’Église et même la christologie proprement dite y occupent trop peu de place. L’Apôtre y révèle « le mystère » du Christ, mystère de salut « tenu caché dans les siècles passés », mais « porté maintenant à la connaissance de toutes les nations, pour qu’elles se soumettent à la foi ». xvi, 25-26. Il répond ainsi aux questions qui devaient le plus préoccuper les esprits au moment où l’Évangile achevait de se répandre dans le monde gréco-romain. L’épître est le fruit d’expériences faites pendant plus de dix années d’un dur et fécond apostolat. En l’écrivant, l’Apôtre a laissé à l’Église un des plus grands monuments de la pensée religieuse et de la morale chrétienne. Voir art. Paul, col. 2428, in fine.

V. Analyse de l’épître. — L’épître comprend deux parties d’étendue inégale. Dans la première, i, 1xi, 36, après une courte introduction, i, 1-15, l’Apôtre énonce le thème de l’épître, 16-17 : dans l’Évangile, puissance divine de salut, se manifeste la justice de Dieu qui procède de la foi. Ce thème est développé logiquement jusqu’à la fin du chapitre xi.

La seconde partie, xii, 1-xvi, 27, contient des exhortations et des avis concernant les devoirs du chrétien, xii, 1-xv, 13 ; elle fait connaître les sentiments et les projets de l’Apôtre, xv, 14-33. Enfin l’épître se termine par un chapitre de salutations et recommandations diverses, xvi, 1-24, suivies d’une doxologic, xvi, 25-27.

Adresse et exorde (i, 1-15). — Paul, choisi par Jésus-Christ comme apôtre des païens, salue les fidèles de Rome appelés par Dieu à la foi chrétienne. Depuis longtemps il désire les voir et leur communiquer, comme aux autres païens, son message de salut. — Cet exorde renferme un important enseignement christologique, ꝟ. 2-3 ; cf. ix, 5.

Thème (i, 16-17). — Il ne rougit point de l’Évangile, car « c’est une puissance divine de salut pour tout croyant, le juif d’abord, puis le grec ». En lui (l’Évangile ) se révèle la « justice de Dieu » qui procède de la foi.

1° Première partie : La justification par la foi (i, 18-Xi, 36). — 1. Nécessité de la justification (i, 18-m, 20). — Tous les hommes sont hors de la voie qui mène au salut : l’humanité tout entière a besoin d’être « justifiée ». Les païens ont méconnu le vrai Dieu qui se manifestait dans les œuvres « le In création et ils ont adoré des idoles. La déchéance morale où ils sont tombés est la conséquence et le châtiment de l’erreur religieuse, i, 18-32.

Les juifs ne sont pas mieux partagés ; car ils commettent ce qu’ils condamnent chez les païens. Les uns et les autres seront jugés : les païens, d’après la loi

inscrite dans leur conscience ; les juifs, d’après celle que Dieu leur a donnée. Malgré leurs privilèges, ils tombent eux aussi sous le coup de la colère divine : ils ne peuvent être justifiés par les œuvres de la Loi. ii, 1m, 25.

2. Mode de la justification (m, 21-iv, 25). — Dieu donne la justice à ceux qui croient en Jésus-Christ. Cette justice est gratuitement conférée à tous par le moyen de la foi : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu. Mais ils sont (désormais) justifiés gratuitement par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ. » iii, 21-26.

Les juifs doivent renoncer à leurs prétentions, car l’homme est justifié par la foi à l’exclusion des œuvres de la Loi. La justification d’Abraham en est la preuve. Sa foi lui a été comptée comme justice alors qu’il était encore incirconcis. L’héritage du monde lui a été promis ainsi qu’à sa postérité, grâce à la justice de la foi, non de la Loi. Sa justification est ainsi le type et comme le prélude de la justification chrétienne, m, 27-iv, 25.

3. Fruits de la justification et vie spirituelle. La certitude du salut (v, 1-viii, 39). — La justification assure la délivrance de la colère, la réconciliation avec Dieu par la mort de son Fils et le salut. En effet, Jésus-Christ a détruit l’œuvre de mort du premier homme. Adam, par sa faute, avait introduit dans le monde la mort avec le péché et tous les hommes étaient assujettis à la mort parce que tous avaient péché. Jésus-Christ a procuré à tous la justification qui donne la vie éternelle, v, 1-21.

Le chrétien, une fois justifié, est délivré de la servitude du péché. Mort et ressuscité avec le Christ, d’une façon mystique, dans le baptême, uni au Christ, il reçoit en lui une vie nouvelle qui est celle du Christ ressuscité, une vie pour Dieu, vie d’affranchissement du péché dont le salaire était la mort. Cette vie est un don de Dieu, une vie éternelle en Jésus-Christ Notre-Seigneur. vi, 1-23.

Le chrétien justifié est affranchi de la Loi. La Loi, comme toute loi positive, n’a fait que mettre la nature humaine en face du mal sans lui donner la force de le vaincre. Ainsi elle n’a fait que multiplier les transgressions : sa faillite se constate par expérience lorsqu’il s’agit de résister au péché et à la chair. D’où nous viendra la force et la victoire ? De l’Esprit de Dieu, l’Esprit du Christ qui habite en nous et qui est principe de vie. vii, 1-vm, 13.

Bien plus, la puissance de Dieu se manifestera en nous donnant « le salut », en nous faisant partager, dans l’autre vie, la gloire du Christ. Nous sommes, en effet, fils de Dieu par adoption et nous avons droit à l’héritage céleste dans la gloire future. Cette gloire, la création y aspire ; nous l’attendons en gémissant ; l’Esprit-Saint en est le gage, car il prie en nous et pour nous. D’ailleurs la volonté de Dieu qui nous y prédestine nous la garantit. Cette espérance est ferme, car elle est fondée sur la rédemption : rien ne pourra nous arracher à l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus, vin, 14-39.

4. Les juifs en face du salut (ix, 1-xi, 36). — En traitant le problème du salut, l’Apôtre devait parler de la situation des juifs. Il éprouve une grande tristesse de voir que ses coreligionnaires ne se sont point « soumis à la justice de Dieu », c’est-à-dire n’ont point embrassé la foi. C’est que le salut n’est pas donné à la descendance d’Israël selon la chair », mais dépend du libre choix de Dieu qui peut, sans injustice, « appeler » qui il veut. Voilà pourquoi les gentils ont devancé les juifs.

D’ailleurs les fils d’Israël se sont endurcis ; ils se sont heurtés à la pierre d’achoppement ; ils ont dédaigné la justice qui vient de la foi en Jésus-Christ, pour s’atta-