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ROIS (LIVRES III ET IV DES). LE MOUVEMENT RELIGIEUX


texte qui suppose la succession immédiate sans interruption.

Au contraire plus digne de retenir l’attention dans la recherche d’une solution du problème chronologique est la différence dans la manière de compter les années du règne d’un monarque. Il y avait en elïet dans l’ancien Orient deux systèmes en usage à cet égard : ou l’on postdatait ou l’on antidatait. La postdatation, telle qu’elle se pratiquait en Babylonie et en Assyrie, consistait à regarder comme première année d’un monarque celle qui commençait au nouvel an qui suivait son avènement ; l’intervalle de temps écoulé entre cet avènement et le premier nouvel an s’appelait tête ou commencement du règne reS ëarruti ; de cette manière l'évaluation de la durée d’une série de règnes ne risquait pas de s'écarter beaucoup de la durée réelle de la période correspondante. En Egypte au contraire, on antidatait, c’est-à-dire que l’année, au cours de laquelle un roi mourait, était à la fois la dernière année du roi décédé et la première de son successeur, si bien qu’au premier nouvel an commençait déjà la seconde année du nouveau règne ; dans ce systè7Tie, quand on fait le total des années de règnes successifs, la même année, soit ladernièred’un roi et la première de son successeur, risque d'être comptée deux fois, à moins de réduire le total d’autant d’années qu’il y a eu de successions.

Or la manière de compter la durée des règnes en Israël a suivi tantôt l’un, tantôt l’autre système ; de là proviendraient en grande partie les difficultés du synchronisme. Dans le royaume d’Israël, l’usage d’antidater a été introduit dans les actes officiels par Jéroboam, son premier roi, qui venait de la cour d’Egypte, III Heg., xii, 2, tandis qu'à la même époque on postdatait en Juda. Si l’on additionne les années des rois depuis la scission des tribus jusqu'à la mort d’Ochozias d’Israël, survenue la dix-huitième année de Josaphat de Juda, IV Reg., iii, 1, on obtient pour Juda soixante-dix-neuf ans et pour Israël quatre-vingt-six ; la différence n’est qu’apparente, puisqu’on Israël, où l’on antidatait, la même année se trouve comptée deux fois à chaque succession, et comme il y en a eu six, on voit que les deux sommes se ramènent, à une fraction d’année près, à la même durée pour la période envisagée. L’usage officiel de postdater qui prévalait en Juda depuis l'époque de David et de Salomon fut maintenu jusqu'à Athalie, princesse d’Israël qui introduisit le système d’antidatation usité dans son pays natal. Le procédé continua sous Joas, mais les années de règne d’Achaz sont de nouveau postdatées sous l’influence assyrienne. C’est d’ailleurs sous cette même influence que l’usage d’antidater, en vigueur en Israël depuis Jéroboam jusqu’aux dernières années du royaume lit place à l’autre système. La dynastie de Manahem, qui ne compte que deux rois, et Osée, dernier roi d’Israël, adoptèrent l’usage de postdater qui existait en Assyrie.

Un autre élément de solution des difficultés chronologiques a été cherché dans les variations du commencement de l’année civile, fixé tantôt au premier nisan (mars) tantôt au premier tishri (septembre). Les deux royaumes qui avaient un système différent de ('(imputation des années des rois semblent bien avoir adopté aussi une date différente pour le commencement de l’année. Juda, qui resta fidèle à la maison de David, conserva le nouvel an traditionnel, c’est-à-dire celui d’automne ou de tishri. marqué par le renouveau de vie qn’apportait alors la pluie - l’assyrien lishritu veut dire initiation, dédicace. Israël au contraire, aurait adopté comme date du nouvel an, le premier nisan. Cette question du commencement de l’année demeure très discutée. Cf. Ktigler, Von Moues bis J’uulus, 1922, p. 135 sq. ; Landersdôrf er, Studien zur biblischen Versôhnungstag, 1924, p. 1 1 sq. four l’application des principes de solution ci-dessus énoncés, voir

Coucke dans le Dictionnaire de la Bible, Supplément, t. i, col. 1245-1269.

Quoi qu’il en soit de ces essais de solution, la chronologie assyrienne, reposant sur le fondement solide de la liste ou canon des éponymes, permet de dater avec certitude quelques événements de l’histoire des royaumes de Juda et d’Israël, mentionnés dans les documents cunéiformes. De ce nombre sont les suivants : la bataille de Qarqar, 854, où Achab roi d’Israël, combattit contre Salmanasar III, cf. col. 2821 ; l’avènement de Jéhu qui paya alors le tribut à ce même monarque assyrien, 842 ; de même l'époque du tribut de Manahem à Téglatphalasar III, 738, et celle de l’installation du dernier roi d’Israël, Osée, en 732, par le même roi ; la prise de Samarie en 722 ; le siège de Jérusalem en 701 par Sennachérib ; le début de la captivité de Joachin en 598 et en Tin la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587. C’est en tenant compte de ces dates établies avec certitude que les données chronologiques des Livres des Rois doivent être examinées.

Sur la question de la chronologie des Livres des Rois, outre les articles et ouvrages cités ci-dessus, voir : Schrader, Die Keilinschrijten und das Aile Testament, 3° édit., 1902, p. 316-336 ; Trutz. Chronologie der juduïsch-isrælitischenKônigszeit, dans Katholik, 1906, 1. 1, p. 28-48 ; 125-144 ; 214-222 ; Herzog, Die Chronologie der beiden Kônigs bûcher, 1909 ; Deimel, Veteris Testamenti ehronologia monumentis Babylonico-Assyriis illuslrala, 1912 ; Bover, La cronologia de los reyes de Judâe Israël, dans Razôn y Fe, 1913, p. 5-20 ; Hontheim, Die Chronologie des 3. und 4. Bûches der Kônige, dans Zeitschr. fur kath. Théologie, 1918, p. 463-482 ; 687-718 ; Kléber, The Chronology of 3 and 4 Kings and 2 Paralipomenon, dans Biblica, 1921, p. 3-29 ; 170-205 ; J. Lewy, Die Chronologie der Kônige von Israël und Juda, 1927.

VII. Doctrines.

La longue période de l’histoire d’Israël, couverte parles deux derniers Livres des Rois, fut marquée de nombreux bouleversements aussi bien dans l’ordre politique que social, qui ne furent pas sans répercussion sur la vie religieuse du peuple d’Israël. Aux manifestations de cette vie, soit dans le domaine des idées, soit dans celui des pratiques, les Livres des Rois contiennent maintes allusions, dont l’ensemble constitue un élément précieux d’information pour l’historien de la religion d’Israël à l'époque de la royauté ; mais il est bien certain que cette information pour être complète ne saurait s’en tenir à ces seuls éléments ; sans parler des Chroniques, la littérature prophétique présente à partir du viiie siècle une mine abondante de renseignements authentiques qui complètent heureusement ce que nous apprend de la religion, la littérature historique. Cf. les articles de ce Dictionnaire sur les prophètes des viiie et viie siècles. Il n’en est pas moins vrai que le cadre de l’activité prophétique, la mutuelle influence des événements politiques et religieux nous sont connus surtout par l’histoire des Livres des Rois, si brève et incomplète soit-clle parfois. C’est pourquoi, avant d’esquisser d’après ces livres les principaux traits de la religion d’Israël à l'époque de la royauté, il y a lieu de retracer dans ses grandes lignes le mouvement religieux dont les diverses phases vont de la mort de David à la captivité de Rabylonc.

1° Esquisse du mouvement religieux de David à la captivité. — L’institution de la royauté, grâce surtout à Samuel et à David, avait eu d’heureuses conséquences religieuses ; les premiers rois de la dynastie davidique s'étaient comportés en vrais représentants de Dieu, qu’ils devaient être d’ailleurs en vertu de l’onction sainte reçue au jour de leur sacre. Le transfert de l’arche, l'érection du temple, l’instauration d’une liturgie somptueuse devaient dans la pensée de leurs auteurs assurer le triomphe définitif de Jahvé sur les