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    1. ROIS LIVRES I ET II DES)##


ROIS LIVRES I ET II DES). DOCTRINES, DIEU

celles des astres dont les mouvements si régulièrement ordonnés suggéraient l’idée de troupes conduites par un chef habile et puissant, celles des esprits dont le séjour était placé dans les régions supérieures. Cf. Touzard, Le Livre d’Amos, -p. lx. Ne voit -on pas d’ailleurs, au temps des Juges déjà, les étoiles qui combattent contre Sisara ? Jud., v, 20. On peut donc entendre les mots : Jahvé des armées, comme exprimant tantôt le Seigneur des armées terrestres, tantôt le Seigneur des armées célestes.

Contre ce Dieu, les divinités des peuples voisins, même plus forts qu’Israël, les Philistins par exemple, ne sauraient entrer en lutte. Si le peuple de Jahvé a été battu par ces derniers, si l’arche même, symbole de la présence de Jahvé, est tombée entre leurs mains, ce n’est pas que le Dieu des Philistins soit plus puissant que le Dieu d’Israël ; l'épisode du temple de Dagon, IReg., v, 2-6, montre bien le néant de telle divinité, dont l’idole à queue de poisson s'écroule devant l’arche de Jahvé, tandis que ses fidèles sont frappés par la main du Dieu d’Israël qui s’appesantit sur eux. Mais, observeront d’aucuns, si ce récit de la lutte entre Jahvé et Dagon prouve le triomphe et la prééminence du Dieu d’Israël, ne prouve-t-il pas également la réalité de l’idole païenne, dont le narrateur fait le dieu des Philistins tout comme Jahvé est celui des Israélites ? Malgré la croyance antique qui attribuait un dieu à chaque nation et qui certes n'était pas demeurée sans écho parmi le peuple élu, on ne saurait prétendre qu’elle soit celle de l’auteur des Livres de Samuel, dont la pensée s’exprime à ce sujet avec toute la netteté désirable dans ces paroles du prophète Samuel : « Ne vous éloignez pas de Jahvé et servez Jahvé de tout votre cœur. Ne vous écartez pas à la suite des choses de néant qui ne servent de rien et ne peuvent sauver, car ce sont des choses de néant. » I Reg., xii, 20-21.

On ne saurait davantage prétendre que les Hébreux divinisaient leurs morts et les appelaient dieux. Du seul passage où ce terme est employé sûrement pour désigner les esprits des morts, à propos de l'évocation de Samuel par la pythonisse d’Endor, I Reg., xxviii 13, on ne saurait le conclure ; il s’agit là sans doute d’un terme technique à l’usage des nécromanciens, provenant d’une superstition populaire ou d’usages antérieurs et extérieurs au jahvéisme. Comment d’ailleurs les morts, qui si souvent sont mis en contraste d’infériorité avec les vivants, pourraient-ils s'égaler à des dieux ? La suite du récit montre bien que Saiil ne se méprit pas sur la portée du mot employé par la nécromancienne pour désigner l'être qu’il ne voit pas, mais dont elle lui signale la présence ; il ne se prosterne pas pour l’adorer, le faisant seulement lorsque la description du spectre le convainc que c’est bien Samuel qui vient d’apparaître. Un autre passage ordinairement invoqué à l’appui de cette prétendue divinisation des morts par les Hébreux, ïs., viii, 19, y contredit plutôt. Cf. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, 1903, p. 271, n. 1 ; Desnoyers, op. cit., t. ii, p. 129, n. 2.

Seul maître tout-puissant de la nature et des peuples, Jahvé est aussi un Dieu juste, et par là s’affirme encore son unité et sa transcendance. Loin d'être tenu, en sa qualité de dieu national, à assurer partout et toujours à son peuple prospérité et triomphe sur ses ennemis, il se montre rigoureusement juste, aussi bien dans le châtiment que dans la bénédiction ; bien plus, il défend l'étranger innocent contre les siens qui l’oppriment injustement ; c’est ainsi qu’il venge l’honneur et la mort d’Urie qui était un Hittite, qu’il venge de même les Gabaonites, demeurés de nationalité amorrhéenne bien que devenus les esclaves du sanctuaire. II Reg., xxi, 1, 9. Cette justice toutefois est tempérée de miséricorde ; au pécheur repentant elle ne refuse pas le par don, ainsi est-il accordé à David adultère et meurtrier, mais s’humiliant sous les reproches du prophète Nathan ; confiant en cette mansuétude, David encore, lors du recensement qui lui attire les menaces divines, préfère s’en remettre aux mains de Jahvé qu'à celles des hommes : « Tombons donc, s'écrie-t-il, entre les mains de Jahvé, car grande est sa miséricorde ! mais puissè-je ne pas tomber entre les mains des hommes. » II Reg., xxiv, 14.

Les exigences morales de la justice divine impliquent la sainteté ; pas plus que la justice elle n’est inconnue aux Livres de Samuel. Les habitants de Bethsamès redoutent la présence de Jahvé, le Dieu saint, I Reg., vi, 20 ; sa sainteté est pour eux synonyme de majesté intangible et inaccessible ; la mort qui les frappe pour avoir porté leurs regards sur l’arche d’alliance et frappe également Oza pour l’avoir touchée, II Reg., vi, 6-8, ne pouvait manquer de suggérer pareille notion de la sainteté d’un Dieu si redoutable. Pour David il n’en va pas de même ; dans le ps. xvii (xviii de l’hébreu), dont la composition ne semble pas devoir lui être sérieusement contestée, en même temps qu’il célèbre la puissance de Jahvé, le Très-Haut, le Dieu fort, le maître souverain de l’univers, en dehors duquel il n’y a pas d’autre vrai Dieu, il proclame sa justice qui rend à chacun selon son mérite, sa sévérité pour les coupables, sa miséricorde pour les innocents ; il sait aussi que ses bénédictions vont à une vie pure, sans impiété ni iniquité, que sa voie est sans reproche et sa parole sans alliage ; à un tel Dieu vont son amour et sa confiance, ses chants de louange et ses hymnes de reconnaissance. On peut penser que l’influence de David, si grande pour le rayonnement national d’Israël, ne fut pas moindre pour son épanouissement religieux et que, en même temps que s’affermissait et se développait la puissance de ce peuple, s’affermissaient non moins sa foi et sa confiance en la souveraineté, la justice et la sainteté de Jahvé, le progrès national aidant au progrès religieux. Le roi était, en effet, l’oint de Jahvé, traité par lui comme un fils, II Reg., vii, 14, délégué par lui auprès de son peuple ; le rôle prépondérant joué par la religion dans l'établissement de la royauté devait le lui rappeler. C’est du reste ce que comprirent les premiers rois de la dynastie davidique ; transport de l’arche dans la capitale, érection d’un temple magnifique pour l’abriter devaient assurer définitivement le triomphe de Jahvé. Dans la suite de l’histoire de la royauté, prêtres et prophètes continueront avec des succès divers l'œuvre de Samuel en vue du maintien des droits de Jahvé sur son peuple, méconnus parfois ou violés par des rois impies ; la théocratie antérieure à la royauté, avait perdu de sa rigueur, mais ses prérogatives n’en étaient pas moins sauvegardées.

Plus explicite encore dans l’affirmation des attributs divins est le cantique d’Anne, la mère de Samuel, I Reg., ii, 1-10, qui célèbre tour à tour la sainteté de Jahvé, à nulle autre comparable, sa puissance, sa sagesse, sa miséricorde. Mais à cause de son authenticité généralement contestée et de sa composition reportée à une date tardive, nombreux sont les critiques, parmi lesquels des catholiques, qui ne croient pas pouvoir en faire état dans une reconstitution du milieu religieux à l'époque décrite dans les Livres de Samuel. Cf. Dhorme, op. cit., p. 31-34 ; Schàfers, / Sam., i-X¥, literarkritisch untersucht, dans Biblische Zeitschrîft, 1907, p. 4-7.

Ce Dieu puissant, juste et saint n’en est pas moins un Dieu vivant, à la personnalité très agissante, dont les interventions dans l’histoire de son peuple ne se comptent pas. Celles-ci se produisent non seulement dans les circonstances solennelles, comme l’institution de la royauté, I Reg., viii, 9, 22, ou le choix de la I famille davidique, I Reg., xvi, 1-3 ; II Reg., vii, 11-16,