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2761 RODRIGUEZ (ALPHONSE) — RODRIGUEZ (EMMANUEL

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rez. Il faut noter cependant qu’un auteur contemporain, le P. Louis du Pont, disciple et biographe du P. Alvarez, se montre fort résolument mystique. M. Saudreau, La vie d’union à Dieu, p. 471 sq., reproche à Rodriguez. avec modération du reste, de ne pas tenir suffisamment compte de l’existence d’une contemplation commune à côté de la contemplation extraordinaire. Mais il reconnaît qu’en plusieurs passages, qu’il cite, s la doctrine traditionnelle reprend ses droits ». Les critiques assez graves et péremptoires portées par H. Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux, t. iii, p. 133 sq. et ailleurs, ne se justifient pas par un examen complet et approfondi des textes et semblent inspirées par des vues systématiques. Cf. J. de Guibert, Revue d’ascétique et de mystique, 1929, p. 183 sq.

Le traité De la conformité à la volonté de Dieu fait penser en certains chapitres au Traité de l’amour de Dieu de saint François de Sales : Rodriguez y enseigne l’indifférence et la résignation, même par rapport aux dons et aux progrès spirituels. C. xxiv sq. Il préconise l’exercice de l’amour de complaisance, c. xxxii, tout en rappelant pour finir que l’amour effectif doit rester notre exercice le plus ordinaire. C. xxxiv. Dans le traité sur la communion et la messe (IIe part., tr. viii, c. x), il recommande vivement la communion fréquente et se rattache ainsi à l’apostolat eucharistique de son ordre.

Les meilleurs traités sont sans doute ceux où il enseigne la conquête patiente et méthodique des vertus dominantes comme la mortification, l’humilité, la charité envers le prochain, etc. C’est là que ses qualités de finesse psychologique et son ton de bonhomie encourageante réussissent le mieux.

Ses citations très nombreuses et puisées dans la pure tradition catholique donnent un fondement suffisamment large et solide à la spiritualité active qu’il tient de son ordre. Parmi les Pères, il cite le plus souvent saint Augustin et saint Bernard ; parmi les théologiens, saint Thomas a ses préférences ; mais il consulte aussi Suarez, son contemporain, et divers théologiens jésuites. Il cite parfois des auteurs païens, ce qui déplaît fort au janséniste Binet ; mais il n’en abuse point comme d’autres écrivains ascétiques ou prédicateurs de l'époque.

Rodriguez a été goûté, lu et relu par de nombreuses générations d’aspirants à la perfection et tous sans doute, ou peu s’en faut, y ont trouvé leur profit. Au jugement de M. Pourrat, op. cit., p. 319, « peu d’ouvrages ont exercé une actionaussi profonde et aussi étendue ». L'éloge le plus autorisé est celui que lui décerna S. S. Pie XI dans la Lettre apostolique Unigenitus Dei Filius, adressée le 19 mars 1924 aux supérieurs généraux des ordres religieux. Parlant de la formation des novices à la vie intérieure et à la perfection, le souverain pontife écrit : « Il sera de la plus grande utilité de lire assidûment et de méditer les écrits de saint Bernard, du Docteur séraphique saint Bonaventure, d’Alphonse Rodriguez, ainsi que de ceux qui, en chacun de vos ordres, ont fait autorité en matière de spiritualité ; la valeur comme l’influence de leurs ouvrages, loin d’avoir vieilli avec le temps, semble plutôt croître de nos jours. » Acta apostolicæ Sedis, 1924, p. 142.

Sommervogel, Bibl. de la Comp. de Jésus, t. vi, col. 19461963 ; E. Nieremberg, Varones illustres de la Camp, de Jesùs, nouv. éd., t. ix, p. 239-245 ; Astrain, Hist. de la Compania de Jesûs en la asistencia de Esp., t. iv, p. 83 sq. ; E. Reyero, El grande asceta espanol, P. A. Rodriguez, Valladolid, 1916 (brochure) ; A. Pérez Goyena, Tereero centenario de la muerle delP. A. i ?., dans.Rai Jn g Fe, février 1916, p. 141-155 ; A. de Vassal, Un maître de la vie spirituelle : le P. A. Rodriguez, dans Études, t. cl, 1917, p. 297-321 ; A. Pottier, Le P. Louis Lallemant et les grands spirituels de son temps, t. i, Paris, 1927, p. 257 sq.

J.-P. Grausem.

    1. RODRIGUEZ Antoine-Joseph##


2. RODRIGUEZ Antoine-Joseph. Bénédictin portugais (xviii 8 s.), né en 1705 à Mérida en Estramadure, il entra, ses premières études terminées, dans l’ordre de Saint-Benoît, où il se fit bientôt une réputation par son ardeur au travail. Ses études ne portèrent pas seulement sur les sciences proprement ecclésiastiques, il acquit une réelle compétence dans les questions de physique et d’histoire naturelle et fit campagne contre nombre d’errements en matière médicale. Sa Paleslra critico-medica, Madrid, 1735, est une protestation énergique contre les empiriques et leurs remèdes. Combattu par beaucoup de ceux dont il dénonçait l’ignorance, il fut défendu par les plus éclairés des prélats de la péninsule ; l’archevêque de Tolède le nomma examinateur synodal, et lui fit donner par ses supérieurs l’autorisation de demeurer à Madrid, où il mourut en 1781. Il a laissé un Traité de théologie morale et de droit civil. Madrid, 1788, 4 vol. in-4° ; une Démonstration des fondements de la religion chrétienne, in-8°, ibid., 1762 ; une Bibliotcca Espanola, Madrid. 17811783, 2 in-fol., le t. i étant consacré aux auteurs rabbiniques ; le t. n aux écrivains païens et chrétiens jusqu’au xme siècle.

Michaud, Biographie universelle, nouv. éd., t. xxxvi, p. 291 ; Hurter, Nomenclator, 3e éd., t. v a, col. 547.

É. Amann.

3. RODRIGUEZ Emmanuel (x vie -xviie s.). Né

à Estremoz en Portugal vers le milieu du xvi 6 siècle, il entra chez les frères mineurs de l’observance à Salamanque ; par la suite il professa à Toulouse, à Cahors, puis de nouveau à Salamanque, où il a dû passer la plus grande partie de sa vie ; il y mourut en 1613. Orienté surtout vers la morale et le droit canonique, où il avait acquis une compétence reconnue de tous, il a surtout laissé des œuvres de ce genre. Retenons une Suma de casos de consciencia (avec un appendice sur les visites canoniques), dont une première rédaction en deux volumes parut à Salamanque en 1604, puis en 1607 ; un deuxième recueil, différent du premier et contenant des additions importantes, parut à Saragosse en 1615. Wadding lit de cet ensemble un abrégé qui parut en 1616. Il y eut aussi une traduction latine et une italienne du premier recueil ; tout ceci complique assez, la question littéraire. Très préoccupé aussi de met Ire en pleine lumière les privilèges des réguliers. Emmanuel Rodriguez compila deux énormes ouvrages : Qusestiones regulurcs et canonicæ, 3 in-fol., Salamanque, 1 598, et plusieurs autres éditions ultérieures, à Lyon, à Venise, etc., et Collectio et compilatio privilegiorum regularium mendicantium et non mendicantium ab l 'rbano 1 1 usque ml Clementem Y I II concessorum, souvent publiée avec l’ouvrage précédent. Les Qusestiones regulares devaient amener en Sorbonne un assez vif incident en 1622. Cette exhibition des divers privilèges, plus ou moins authentiques, des réguliers parut extrêmement déplacée. Les séculiers de la faculté épluchèrent d’abord un A bréyé de l'énorme ouvrage, puis le livre luimême. Une commission fut chargée d’examiner le tout. A l’assemblée du 1 er juin, les examinateurs déclarèrent y avoir trouvé « différentes propositions très contraires aux deux états et aux bonnes mœurs, pernicieuses, erronées, scandaleuses, téméraires, dans lesquelles on abuse des bulles des papes, qui dérogent au concile de Trente, qui sont injurieuses à la dignité des apôtres, qui détruisent l’autorité des pasteurs et des curés dont la véritable bulle est l'Évangile, qui renversent tout l’ordre hiérarchique et même qui outragent les rois et les princes ». Une intervention du chancelier d'État, qui se produisit au cours de juin et devant laquelle la faculté dut finalement s’incliner, empêcha l’affaire de prendre de plus amples proportions, et nous ne pouvons dire exactement quelles étaient les particularités de l’ouvrage de Rodriguez qui avaient si vivement ému