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RM’ALDA. LA SUBSTANCE SURNATURELLE

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tulo omnipotentiæ. Se cachet il un sens profond sous ces formules quelque peu déconcertantes dont Ripalda n’est malheureusement que trop coutumier, nous laissons au lecteur le soin d’en juger par lui-même.

Toujours est-il que, nous étant communiquée par manière de procréation, la grâce devrait avoir pour première et nécessaire conséquence de nous faire les fils de celui qui nous engendre à une vie nouvelle. Ripalda n’y contredit pas ; cependant il n’a pas songé à unir plus étroitement l’adoption divine à la charité infuse que la rémission des péchés. La filiation adoptive comme le pardon des fautes n’est, à son avis, contenue qu’en germe dans la grâce habituelle, en germe tout disposé à porter son fruit : in actu primo sufficienti, suivant l’expression déjà citée, mais qui toutefois ne le donne que sous l’influence d’une intervention complémentaire de la bonté de Dieu. C’est que la filiation intégrale, in actu secundo, confère un droit de stricte justice à l’héritage éternel. Or, semblable exigence de la gloire du ciel ne peut se trouver incluse dans aucune qualité créée, même pas dans celle où le Père céleste a le plus fidèlement reproduit ses perfections infinies.

Ainsi la doctrine de Ripalda évolue-t-elle du thomisme au scotisme en perpétuelles allées et venues. Elle touche au scotisme par ses thèses de la distinction réelle entre concession de la grâce et pardon du péché ; de l’inefficacité de la vie surnaturelle à sanctifier ou à mériter le ciel par sa seule vertu propre. Elle se rapproche au contraire du thomisme en maintenant malgré tout aux dons infus un caractère divin et un certain pouvoir physique d’effacer les fautes et de procurer l’amitié ou l’adoption filiale du Créateur. Elle va maintenant fausser compagnie au thomisme comme au scotisme, en soutenant la possibilité d’un esprit jouissant par nature des privilèges que Dieu n’accorde présentement que par grâce.

La subslance surnaturelle.

Les pages qui sont

consacrées dans le De ente supernaturali à la question de la substance surnaturelle n'étaient pas de nature à étonner leurs premiers lecteurs. L’enseignement qu’elles contenaient n’avait rien d’inédit ; Ripalda ne l’ignorait pas ; même il avait mis en quête son érudition coutumière pour se couvrir d’une liste aussi longue que possible de prédécesseurs. Il importait en matière aussi délicate d’opposer tant bien que mal tradition à tradition. La doctrine thomiste était professée par des théologiens très nombreux et jouissait d’un prestige considérable. Personne n’osait la condamner ; à peine s’enhardissait-on à la discuter ; encore n'était-ce que timidement. Aussi Ripalda ne songe-t-il pas à contester la force du courant qu’il essaye de remonter. A s’en tenir à l’argument d’autorité, reconnaît-il, sans aucun doute c’est à l’opinion qui nie la possibilité d’une substance surnaturelle qu’il faut se ranger. Disp. XX [II, sect. iii, n. 8. Malgré tout, à son avis, cette autorité ne s’impose pas au point de rendre téméraires ceux qui manifesteraient une préférence pour la thèse contraire ; il mettra donc en quesl ion la valeur des suffrages qu’on accumule contre les dissidents de la thèse commune. Sans doute exagère-t-il. quand il se (latte de n’avoir aucun adversaire déclaré parmi les t héologiens anciens, qui, d’après lui, n’auraient louché nulle part à ce sujet. Ibid.. sect. M. n. 1. S’ils ne s’en sont pas occupés en fermes explicites, saint Thomas et ses premiers commentateurs l’ont traité au moins cquivaleniment. Quant aux Pères de l'Église, il serait plus facile de concéder à

Ripalda qu’ils n’ont pas envisagé le problème. Il paraît

bien qu’il n’a pas lort de délier ses contradicteurs d'établir en leur faveur un argument de tradition assez ample pour condamner par avance toute recherche en sens opposé. La position qu’il vcul défendre contre foute censure est d’ailleurs aussi prudente que possible.

Il la formule en ces termes négatifs : Nota a me non asserlum lalem substantiam esse absolute possibilemsed solum non ostendi aligna ralione repugnanlem. Ibid., sect. iii, n. 8.

Passant alors en revue les preuves de raison communément invoquées pour attribuer aux dons infus une perfection supérieure à celle de toute nature créée ou créable, il consacre à les discuter des développements si abondants, si minutieux, si pleins d’arguties dialectiques, qu’il serait long et fastidieux même d’en donner un résumé précis. Qu’il suffise d’indiquer dans les grandes lignes ce qu’il répond aux difficultés plus importantes soulevées d’ordinaire contre la possibilité d’une substance destinée par essence à la béatitude et à l’impeccabilité et comment, cette possibilité étant admise, il conçoit et définit le surnaturel.

1. Esprit crée et vision intuitive.

L’incapacité

radicale de tout esprit créé à voir Dieu par ses seules facultés, tel est le principe fondamental dont Ripalda se devait tout d’abord de contester la certitude. Beaucoup d’autres s’y étant appliqués avant lui, il lui restait peu de chances de traiter ce thème avec originalité. De fait, après avoir exposé les preuves sur lesquelles thomistes et scotistes fondent leur démonstration, chacun à leur manière, il se contente de les réfuter les unes par les autres. Voir disp. XXIII, sect. iv et vi.

S’il réussit sans peine, et pour cause, à montrer la difficulté considérable qu’on éprouve à fixer au juste dans quelle mesure un esprit doit en égaler un autre pour être à même de le contempler face à face, il ne contribue guère pour sa part à donner au problème une solution décisive. Rien n’exige, assure-t-il, dans la faculté connaissante et dans le terme connu, un degré équivalent d’immatérialité et de simplicité, puisque, pourvu du lumen glorise, l’esprit demeure aussi composé et aussi éloigné de la perfection divine qu’auparavant. Mais il n’en reste pas moins pourtant que, impossible sans le lumen glorise, la vision intuitive devient accessible grâce à lui. D’autre part, supérieure aux forces de l'âme ou de l’ange, elle ne dépasse pas celles de la substance surnaturelle. Pourquoi cette différence ? Comment le lumen glorise ou le mode d’intelligence caractéristique de la substance surnaturelle parviennent-ils à mettre à portée de facultés limitées un être sans limites ? La question se pose pour Ripalda comme pour les thomistes dont il fait le procès. Tant qu’il n’y aura pas répondu, il n’aura rien enseigné de plus que les autres sur la nature et la fonction propre des dons infus. Or voici en quels termes il la résout : Inlelleclus humamis non indigel principio élevante ad eliciendam visionem beatam præcise quia est distans infinité a Deo, quoniam cliam ut illustratus lumine glorise est infinité distans, sed quia est distans perfectione naturali et non supernaturali. Inlelleclus autem subslantiæ supernaturalis non distant perfectione naturali sed supernaturali ad minium quonunc distal intelleclus humanus ut illustratus lumine glorise. I.oc. cit., sect. VI, n. 27. Ce qui revient à dire : le surnaturel étant donné, l'éloignement infini qui sépare de Dieu toute créature ne fait plus obstacle à la vision intuitive. Pétition de principe si manifeste, qu’elle (Me à Ripalda tout droit d’accuser ses adversaires de trancher le débat par des affirmations sans preuves.

2. Esprit créé et droit à la béatitude.

Ce n’est pas seulement l’acte de la contemplation béatilique qui parait â l’opinion commune, par suite de sa perfection transcendante, incommunicable de droit à une créature, ce sont encore, et tout autant, les privilèges précieux qui eu sont la conséquence nécessaire. En premier lieu, la béatitude. N’esi-ce pas en effet l’enseignement île l'Écriture et des Pères que personne, excepté Dieu, ne jouit par nature d’un bonheur sans mélange et sans fin ? Loc. cit., secl. iv.