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RICHARD DE SAINT-VICTOR. DOCTRINE


rait l'être, car alors « deux substances différentes seraient une et une substance serait deux substances différentes ». Col. 897. D’où il suit que la substance suprême, du fait de son identité avec la puissance d'être, est nécessairement unique ; qu’aucune autre substance ne peut lui être égale ni participer à sa nature.

Toutes choses étant de la substance suprême, la divinité même est aussi d’elle. Col. 898. Dieu possédant la divinité par lui-même, la substance suprême la possède nécessairement par elle-même, d’où il s’ensuit qu’elle est identique à Dieu. La substance suprême ne pouvant communiquer sa nature à une autre substance, il faut en conclure « que la vraie divinité est clans l’unité de la substance, que la véritable unité de la substance est dans la divinité…, que Dieu ne saurait être que substantiellement un ». Col. 898. Si l’unité substantielle de Dieu rend impossible la communication de la divinité à d’autres substances, il ne s’ensuit pas que plusieurs personnes ne puissent posséder la nature divine. La sagesse de Dieu étant identique à sa puissance, son savoir ne peut dépasser son pouvoir, ni son pouvoir s'étendre plus loin que son savoir. La sagesse de Dieu étant identique à sa nature, Dieu la possède dans sa plénitude ; donc il sait tout. Il en est de même pour sa puissance, d’où il s’ensuit qu’il peut tout. Étant tout-puissant, Dieu est nécessairement unique.

Livre II. — Le 1. II est consacré à l'étude des « propriétés divines ». Dieu étant sans commencement, parce qu’existant par lui-même, sans fin, c’est-à-dire sempiternel, parce qu’identique à la vérité qui ne peut disparaître, immuable, parce que tout-puissant et possédant par lui-même tout ce qu’il est, Richard en déduit son éternité qu’il définit « durée sans commencement, ni fin, ni changement ». Col. 903. Étant infini quant à son éternité, Dieu l’est nécessairement quant à sa grandeur (marjniludo), ce qui implique son immensité. L'éternité et l’immensité étant la substance divine même, il ne saurait exister qu’un seul éternel et qu’un seul immense. Col. 904.

La substance divine existant seule par elle-même, tous les autres êtres procèdent de l’activité de sa nature ou de celle de son bon vouloir, secundum operationem naturæ aut secundum imparlilioncm graliæ. Col. 905.

La nature divine ne pouvant être ni détériorée ni corrompue et Dieu étant substantiellement un, un autre Dieu ne saurait procéder de l’activité de sa nature, mais un être qui ne serait pas Dieu ne le pourrait non plus. Tout ce qui n’est pas Dieu existe par l’opération de son bon vouloir et peut par conséquent ne pas être. Tous les êtres contingents sont créés de rien, les êtres matériels comme ceux qui sont immatériels, la matière primordiale ne pouvant exister par ellemême. Col. 905.

L’immensité et l'éternité de Dieu sont incommunicables, du fait de leur identité avec sa substance. Il en est de même pour sa sagesse et sa puissance. Cette conséquence n’est pas infirmée par le fait que l’homme peut être puissant et sage, car Dieu est sa propre sagesse et sa propre puissance, tandis que l’homme ne peut que posséder une certaine sagesse et une certaine puissance. Les « propriétés » divines étant identiques à sa substance ne subsistent pas en celle-ci comme en un sujet. C’est pourquoi il convient de le nommer « essence supersubstanl ielle ». Col. 913. Dieu est essentiellement présent partout ; il est en entier en tous lieux, et ne peut être circonscrit en aucun espace, col. 913 ; il est au-dessus du temps, le futur et le passé n’existent pas pour lui. A la Mn de ce livre, Richard note que, dans ce qui précède, il n’a voulu exposer que ce que Dieu est par lui même de toute éternité, sans s’occuper de ce qui le concerne d’une manière relative.

Livre III. — Richard aborde ici la question de la Irinilé des personnes divines. La nécessité de cette étude est urgente, parce que, à son avis, les écrits des Pères sont déficients en ce qui concerne la preuve rationnelle, raiionis alteslalio, de cette vérité de foi. L’auteur ne se dissimule pas que d’aucuns tourneront son entreprise en dérision ; il affirme que c’est l’ardeur de son esprit qui l’a incité à la tenter. Et. s’il ne réussit pas dans sa démonstration, la satisfaction de l’avoir essayée le dédommagera des critiques qu’il aura encourues. Col. 915 sq.

Dieu étant la suprême bonté et le souverain bien doit nécessairement avoir la suprême charité, le suprême amour. Or, l’amour doit nécessairement tendre vers une personne aimée et, pour que la personne aimée soit digne de l’amour divin, elle doit nécessairement avoir la nature divine. « On voit par là, dit Richard, comment la raison prouve facilement que, dans la véritable divinité, la pluralité des personnes ne saurait faire défaut. » Col. 917. Rien n’assure la parfaite béatitude comme l’amour mutuel. Or, nécessairement l’amour mutuel suppose plusieurs personnes ; ainsi l’amour mutuel qui ne saurait faire défaut à Dieu établit la pluralité des personnes divines. Col. 917. La gloire de Dieu est parfaite. Or, si aucune personne ne participait à la plénitude de la gloire divine, il faudrait admettre que Dieu n’a pas voulu ou n’a pas pu avoir de participants à sa gloire. La première éventualité met en doute sa bienveillance ; la seconde, sa toutepuissance. Elles sont par conséquent impossibles l’une comme l’autre. C’est ainsi que la plénitude de la gloire de Dieu exige elle aussi la pluralité des personnes divines. Col. 918.

Pour notre Victorin, ces preuves de la pluralité des personnes divines sont si claires (aperle), si évidentes, que ceux qui se refusent à les admettre doivent être taxés d’insanité. Col. 918 sq.

La bonté et la charité de Dieu réclamant la pluralité des personnes divines, celles-ci sont nécessairement éternelles, car ce qui est rendu nécessaire par l’amour divin ne saurait être qu'éternel comme cet amour divin lui-même.

Les personnes aimées par Dieu de la plénitude de son amour doivent aussi lui être égales ; s’il n’en était ainsi, elles ne seraient pas dignes de la plénitude de cet amour. La pluralité des personnes divines ne pouvant constituer qu’un seul Dieu, qu’une seule substance divine, « pourquoi s'étonner, s'écrie Richard, si la raison par son raisonnement (ratio ratiocinando) découvre une pluralité de personnes dans l’unique nature divine, quand l’expérience constate l’existence du corps et de l'âme, donc l’existence d’une pluralité de substances dans la personne humaine'?… Qu’on m’explique comment l’unité personnelle de l’homme peut subsister dans une si grande dissemblance et diversité de substances, alors je dirai comment l’unité substantielle (de Dieu) subsiste dans la grande similitude et l'égalité de ces personnes. Tu dis : « Je ne saisis pas, je ne com- « prends pas » ; mais ce que ton intelligence ne saisit pas, l’expérience me l’affirmc. Et, si l’expérience nous enseigne que, dans la nature de l’homme, il est quelque chose qui dépasse l’intelligence, ne devrait-elle pas t’avoir enseigné que, dans la nature divine, il est quelque chose qui dépasse ton intelligence. C’est ainsi que l’homme peut apprendre en lui-même ce qu’il doit penser de ce qui lui est proposé de croire par rapport à Dieu. Ceci est dit pour ceux qui veulent définir et dé terminer la profondeur des mystères divins (seercta) d’après la mesure de leur capacité intellectuelle et non d’après la tradition des Pères qui ont été instruits par le Saint Esprit et qui ont enseigné avec son assistance. Col, 921 sq.

ISi.'ii que Jusqu’ici Richard ait employé parfois le