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RICHARD (CHARLES-LOUIS) — RICHARD (FRANÇOIS ;


sophes du xviiie siècle. Il le fit avec l’intransigeance qu’on peut supposer. Il attaqua dans plusieurs opuscules un arrêt du parlement de Paris, intervenu au sujet du mariage d’un juif converti. La prudence l’obligea à se retirer à Lille en 1778. Il put s’y maintenir jusqu’au moment de la Révolution. Il passa alors dans les Pays-Bas. En 1794, lors de la seconde invasion des Français, il se trouvait à Mons. Son grand âge — il avait quatre-vingt-trois ans — l’empêcha de fuir. Mais il ne réussit pas à demeurer caché. Arrêté, il fut jugé par une commission militaire qui le condamna à mort. Le motif de cette comdamnation était que le P. Richard, quelques semaines avant l’entrée des Français dans la ville, avait publié un opuscule intitulé : Parallèle des Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ avec les Français qui oui exécuté leur roi, Mons, 1794, in-8°. Le P. Richard fut fusillé le 15 août 1794 et, quoique vieillard et sans force, il montra un courage héroïque.

Il avait commencé par s’intéresser à la démonologie, et avait rédigé une Dissertation sur ta possession des corps et de l’infestation des maisons par les démons, 1740, in-8°. Mais tout le reste de son activité philosophique et théologique a été dirigée par un esprit ardemment antirévolutionnaire. Il a pris le contre-pied des Encyclopédistes. A l’époque où les philosophes prenaient parti pour les « révolutions de Rrabant », Richard publiait un ouvrage Des droits de la maison d’Autriche sur la Belgique, Mons, 1794, in-8°. A l’époque où l’État français voulait restreindre les libertés, le recrutement, l’existence des ordres mendiants, Ch.-L. Richard multiplia les libelles contre le droit du souverain sur les biens-fonds des moines, contre les ennemis des privilèges des moines mendiants, par exemple il écrivit : Examen du libelle intitulé « Histoire de l’établissement des moines mendiants », Avignon, 1767, in-12. L’attaque ou plutôt la contre-attaque du P. Richard contre les Encyclopédistes allait souvent beaucoup plus loin et se développait en plein terrain doctrinal. Il a écrit un livre opposant « La nature en contraste avec la religion et la raison », Paris, 1773, in-8°, des Observations modestes sur les pensées de d’Alembert, Paris, 1774, in-8°, car il était autant ennemi de d’Alembert que de Rousseau. A un libelle il répond par une Réfutation de l’Alambic moral. Ce ne sont que défenses de la religion, de la morale, de la vertu, de la société. Il écrit une diatribe contre Condorcet, deux autres contre les protestants qu’il déteste autant que les juifs. Il ne semble pas qu’il ait beaucoup aimé les jésuites car il a éprouvé le besoin d’écrire une Défense du pape Clément XI V. Mais, bien entendu, il fait cause commune avec Trévoux contre Voltaire. Il ne manque pas de verve dans son Voltaire de retour des ombres et sur le point d’y retourner pour n’en plus revenir, à tous ceux qu’il a trompés, Bruxelles et Paris, 1776, in-12. D’autres parmi ses travaux montraient en face de la nocivité philosophique les bienfaits du christianisme par exemple : Annales de la charité et de la bienfaisance chrétienne, Paris, 1785, 2 vol. in-12. On peut se rendre compte de la facilité et de l’abondance du P. Richard par le fait qu’il a publié en 1789 quatre volumes de ses Sermons. Il était d’ailleurs capable de beaucoup d’application. Son Analyse des conciles généraux et particuliers, Paris, 1772-1777, in-4°, représente une réelle érudition.

On conçoit qu’animé de telles intentions, d’une telle facilité et d’un tel acharnement à la tâche, le P. Richard ait eu le grand dessein de dresser contre YEncyclop die de Diderot et d’Alembert, sous une forme relativement abrégée et plus populaire, une contre-encyclopédie, l’encyclopédie de la religion. Réussissant à y intéresser ses confrères dominicains des couvents du faubourg Saint-Germain et de la rue Saint-Honoré il parvint au bout de sa tâche : cinq in-folio parurent en 1760-1761 et un sixième en supplément parut en 1765. Le titre

manque un peu de modestie : Dictionnaire universel dogmatique, canonique, historique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques, contenant l’histoire générale de la religion, de son établissement et de ses dogmes, de la discipline de l’Église, de ses rits, de ses cérémonies et de ses sacrements ; la théologie dogmatique et morale spéculative et pratique, avec la décision des cas de conscience ; le droit canonique, sa jurisprudence et ses lois, la juridiction volontaire et contentieuse et les matières bénéficiâtes, l’histoire des patriarches, des prophètes, des rois, des saints et de tous les hommes illustres de l’Ancien Testament ; de Jésus-Christ, de ses apôtres, de tous les saints et saintes du Nouveau Testament ; des papes, des conciles, des Pères de l’Église et des écrivains ecclésiastiques : des patriarcats, des sièges métropolitains ou épiscopaux, avec la succession chronologique de leurs patriarches, archevêques et évêques, des ordres militaires et religieux ; des schismes et des hérésies ; avec des sermons abrégés des plus célèbres orateurs chrétiens, tant sur la morale que sur les mystères et les panégyriques des saints. Ouvrage utile non seulement aux pasteurs chargés par état des fonctions du sacré ministère, mais aussi à tous les prêtres séculiers ou réguliers et généralement à tous les fidèles de toutes les conditions, par le R. P. Richard et autres religieux dominicains des couvents du faubourg Saint-Germain et de la rue Saint-Honoré. On aurait tort de rechercher dans cette contre-encyclopédie ou plutôt dans ce supplément catholique et rectificatif de l’Encyclopédie une pensée subtile. Sans doute les grandes questions : conscience, morale, grâce, providence sont traitées en théologie thomiste. Mais il s’agit d’un thomisme simplifié pour devenir simple bon sens. Bref l’ouvrage français du xviiie siècle ne vaut pas la Pantheologia de Rainier de Pise publiée et adaptée, en latin, au siècle précédent par Jean Nicolaï et qui était un monument philosophique. On ne peut se défendre de l’impression qu’en cette fin du xviiie siècle la théologie thomiste a perdu toute initiative capable de conduire des esprits. Pourtant, lorsqu’on voudra un dictionnaire religieux au début du xi° siècle, on rééditera l’honnête compilation du P. Richard sous le titre de Bibliothèque sacrée, Paris, 1821-1827, 29 vol. in-8°.

Il est à craindre d’une manière générale que, dans sa lutte contre la libre-pensée, le P. Richard ait voulu être plus populaire » que les philosophes. Il n’a pas su acquérir leur prestige de menues, même d’indigentes finesses. Pourtant, il voyait très clair sur les dangers du philosophisme. Voir Moulært, la Vie et les œuvres du R. P. Ch. -Louis Richard, Louvain, 1807, in-16, p. 20, 28-29, 42, 77-78, 175. Il avait parfaitement prévu, vingt ans d’avance, que le philosophisme amènerait à la Révolution, ibid., p. 97.

Outre la monographie de Moulært, citée plus haut, voir L’ami de la religion, t. xxx, ix : >2.

M. -M. Gorce.

    1. RICHARD François##


2. RICHARD François, né à Pont à-Mousson, en 1612, entra dans la Société de Jésus, à Nancy, le 7 novembre 1631. En 1644 il fut envoyé en Grèce, pour y travailler à l’œuvre des missions ; c’est dans l’île d’Eubée (Négrepont) qu’il mourut en décembre 1673. Il a écrit, en grec vulgaire, un ouvrage d’exposition du dogme catholique, où il traite d’une manière spéciale les points controversés entre Grecs et Latins : ’II Tàpyoc t ?, ç ma-rscoç TÎjç’Pco(i.aïx ?, ç’ExxX’/jaîaç sic, tJjv 81 « çévSeuiTLV tî ; ç ôpOoSo^îaç, Le bouclier de la foi de l’Église romaine pour la défense de l’orthodoxie, deux parties, Paris, 1658. Cet ouvrage fut jugé digne d’une réfutation par le polémiste grec Georges Coressias. Voir ici, t. iii, col. 1847. Le P. Richard a écrit également une Relation des missions des Pères de ta Compagnie de Jésus dans l’île de Sanl-Erini (Santorin), Paris, 1657.