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REVIVISCENCE DES PECHES


pas textuellement dans saint Augustin, quoique le sermon cité précédemment contienne quelque chose d’approchant. Dans Gratien, ibid., can. 4, Qui divini.

Bède le Vénérable : « Revertar in domum meam » (Luc, xi, 24), Timendus est iste vers iculus, non exponcndus, ne culpa, quam in nobis exstinclam credebamus, per incuriam nos vacantes opprimât. In evang. Lucie, t. IV, c. xi, ?. 24. Dans Gratien, ibid., can. 5, Revertar in domum.

Le même : Quemcumque enim post baptisma sive pravitas hæretica, seu mundana cupiditas arripueril, mox omnium proslernet in ima viliorum. Ibid., ꝟ. 26. Dans Gratien, ibid., can. 6, Quæcumque enim.

S. Augustin : Redire dimissa peccata, ubi fralerna caritas non est, apertissime Dominus in evangelio docel in illo servo, a quo Dominus dimissum debilum peliit, eo quod ille conservo suo debilum nollet dimittere. De baptismo contra donalistas, t. I, c.xii, n. 20. Dans Gratien, dist. VI, De consecralione, can. 41, Quomodo exaudit, §6.

Telles sont les autorités sous lesquelles s’abritent ceux qui enseignent la reviviscence des péchés, en cas de rechute.

Les adversaires objectent : il semble injuste de punir à nouveau quelqu’un pour un péché dont il a déjà fait pénitence et obtenu le pardon. Si encore il était puni pour avoir péché et ne s’être pas amendé, il y aurait apparence de justice ; mais, dès lors qu’on suppose le pardon déjà accordé, c’est une injustice sans apparence de justice. En ce cas, Dieu semble juger deux fois le même cas et provoquer une double Iribulation, ce qui est nié par l’Écriture (cf. Nahum, i, 9).

A cet argument on peut répondre qu’il n’y a pas ici double tribulution et que Dieu ne juge pas deux fois le même cas. Il en irait de la sorte si, après une satisfaction convenable, et une peine suffisante, le pécheur était derechef puni ; mais celui qui ne persévère pas dans sa conversion n’a satisfait ni dignement ni suffisamment. Il aurait dû, en effet, garder continuellement le souvenir de sa faute, non pour commettre, mais pour éviter le péché ; il aurait dû ne pas oublier toutes les grâces reçues de Dieu (cf. ps. en, 2), aussi nombreuses que nombreux sont les péchés pardonnes. Il aurait dû réfléchir que les dons de Dieu furent aussi nombreux que ses propres misères et rendre grâce pour eux jusqu’à la fin. Mais, parce qu’il fut ingrat et est retourné, comme un chien, à son vomissement (cf. II Pet., ii, 22), il a frappé de mort toutes ses bonnes actions antérieures, et a fait revivre son péché pardonné. Ainsi à celui-là même à qui Dieu avait pardonné parce qu’il s’était humilié, Dieu impute de nouveau le péché, parce qu’il s’élève et se montre ingrat.

Mais parce qu’il paraît déraisonnable d’imputer de nouveau des péchés déjà pardonnes, il semble préférable à certains auteurs d’affirmer que personne n’est puni de nouveau en raison de péchés une fois pardonnes. Si donc les péchés remis sont dits revivre et être derechef imputés, c’est simplement parce que l’ingratitude fait retomber le coupable dans l’état de péché, comme il était auparavant.

Tel est l’exposé du Maître des Sentences, lequel n’ose conclure, laissant au lecteur le soin de choisir entre les deux opinions. Dans la pratique il semble bien que beaucoup de confesseurs imposaient le plus sur. De là, à certaines époques, ces réitérations de eonfes ; ion, ces confessions générales répétées, et aussi peut-être ces formules très larges d’accusation dont on a traité plus ou moins en détail à l’art. Pénitence, voir t.xii, col. 924-925 ; 931.

2° Comment les théologiens résolvaient le problème ? — 1. La solution affirmative : les péchés revivent quant à la faute. — C’est la solution d’Hugues de Saint-Victor, dans le De sacramentis, t. II, part. XIV, c. ix, P. L.,

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

t. clxxvi, col. 570-578. Solution qui n’est ni une injustice réelle, ni même sans apparence de justice. S’il est juste de pardonner les péchés passés en raison de la pénitence qui les suit, pourquoi les péchés remis par la pénitence antérieure ne revivraient-ils pas en raison de la faute postérieure à la pénitence ? Col. 573. Et c’est déjà un grand bienfait d’avoir eu la rémission du péché tant que dura la pénitence. Col. 576.

L’auteur de la Summa Sententiarum est moins afiirmatif, quoique cependant pas absolument opposé à la reviviscence des péchés. Il rapporte quelques-uns des arguments pour et contre que nous avons lus chez Pierre Lombard et conclut qu’il lui semble plus pror bable d’affirmer que Dieu ne punira pas deux fois le même péché, mais que, en raison de l’ingratitude contenue dans les péchés postérieurs, il punira ceux-ci plus sévèrement. Ceux qui parlent d’une reviviscence proprement dite des péchés, veulent simplement inculquer la terreur du péché : ad terrorem diclum esse videtur. Et cependant, conclut-il, non negamus quin Deus, si districle vellet agere, posset juste pro eisdem punire quæ ipse prius dimiserat… sed, quoniam in Dca non est justitia sine misericordia, verisimilius est ut non ullerius pro dimissis puniat. Part. II, tract. VI, c. xiii, ibid., col. 151.

2. La solution négative.

Nous venons de la voir présentée comme plus vraisemblable par l’auteur de la Summa Sententiurum.

a) Abélard s’y rallie en rejetant d’un mot l’interprétation de la parabole des deux serviteurs dans le sens de la reviviscence des péchés, cum id plane Aposlolus in sequentibus contradicat dicens sine pœnilenlia esse dona Dei et vocationem (Rom., xi, 29). Exposilio in epist. Pauli ad Romanos, t. II, c. v, P. L., t. clxxviii, col. 861 D. Il insiste de nouveau sur l’impossibilité d’une double punition infligée par Dieu aumême péché, s’appuyant sur Nahum, i, 9. Id., col. 872 B. Abélard avait annoncé, col. 864, qu’il traiterait cette question suo loco plus diligemment. Au commentaire de Rom., xi, 29, t. IV, col. 936 BC, il n’y a pas la moindre allusion au sujet. En définitive, Balzer s’est donc trompé en rangeant Abélard parmi les partisans de la reviviscence des péchés. Die Scnlenzen des Petrus Lombard, Leipzig, 1901, p. 145, n. 6.

b) Gratien traite de la reviviscence des péchés dans la deuxième partie du Décret, caus. XXXIII, q. iii, dist. IV (= De pœnit., dist. IV), Friedberg, col. 1228 sq. Il rapporte d’abord l’opinion affirmative qui se fonde, dit-il, tout d’abord sur ces mots du prophète : In memoriam redeal iniquitas patrum ejus, ps. cviii, 14, et sur cette apostrophe au mauvais serviteur, Serve nequam, omne debilum dimisi tibi, etc. (Matth., xviii, 32). On retrouve ensuite les autorités patristiques dont s’est inspiré Pierre Lombard, avec l’addition de deux textes de saint Augustin : le début du canon Si Judas, emprunté à VEnarratio in ps. cviii, n. 15, P. L., t. xxxvii, col. 1437, et un texte emprunté à la q. xlii in Deuleronomium : peccalum quod ex Adam conlrahitur lemporaliler rcdditur, quiu omnes propler hoc moriuntur, non autem in œternum eis, qui fuerint per graliam spiritualiler regeneruti, in eaque permanserinl usque in finem. Quæst. in Heplaleuchum, t. V, P. L., t. xxxiv, col. 765.

Gratien nous renseigne ensuite sur une opinion qui doit avoir eu, vers 1140, un certain nombre de représentants, mais qui ne laisse pas de trace chez Pierre Lombard ni chez la plupart de ses contemporains. Nous retrouverons d’ailleurs cette opinion réfutée dans la Somme de saint Thomas. Les péchés qui doivent revivre dimilluntur secundum justiliam, sed non secuibdum prœscientiam, col. 1230. Cf. saint Thomas, Sutn. theol., III a, q. lxxxviii, art. 1. Gratien lui accorde une longue dissertation qui va du c. vin au c.xii, col. 1230 T. — XIII. — 84.