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REVIVISCENCE DE LA GRACE


Si l’on veut avoir des références nombreuses aux auteurs anciens, on se reportera à l'édition Gaude de la Théolorjie morale de saint Alphonse de Liguori, t. iii, n. S7 et 427, p. 66 et ! -22. Les anciens théologiens traitent la question de la reviviscence des sacrements principalement par rapport au baptême ; cf. S. Thomas, Sum. theol., lll a, q. î.xix, a. 9 ^t 10, et les commentateurs.

II. Reviviscence de la grâce et des vertus. — Les théologiens en traitent ordinairement à propos de la reviviscence des mérites. Sans doute, les deux problèmes présentent des points de connexion étroite ; ils doivent cependant être distingués. Cf. A. d’Alès, De sacramento psenitentise, p. 163, n. 2.

Remarquons aussi que le problème de la reviviscence de la grâce et des vertus ne s’identifie pas avec le problème de la reviviscence des sacrements. Selon l’expression consacrée, le sacrement « revit », quand, au moment de son application, il n’avait pas produit son effet, c’est-à-dire la grâce, et qu’ensuite, l’obstacle étant enlevé, l’effet est enfin réalisé. La reviviscence de la grâce et des vertus dans la réception valide et fructueuse du sacrement de pénitence (et accidentellement d’un autre sacrement) présuppose un état dans lequel, avant de tomber dans le péché, l’homme possédait déjà la grâce. Le péché survenant dans l'âme détruit la grâce et les vertus surnaturelles infuses, seules la foi et l’espérance pouvant subsister à l'état informe. Si le pécheur fait pénitence de sa faute et en obtient le pardon, grâce et vertus surnaturelles formées reparaissent en son âme ; elles revivent. Cette reviviscence peut se produire de double façon soit sacramentellement, ordinairement par le sacrement de pénitence, ex opère operato, soit extrasacramentellement par la contrition parfaite, ex opère operanlis. Le cas spécial du martyre n’introduit pas d'élément nouveau au double problème envisagé par la théologie catholique touchant cette reviviscence de la grâce et des vertus et dons. Nous étudierons : 1° le fait ; 2° la mesure de cette reviviscence.

I. le fait.

Le fait de la reviviscence ou récupération de la grâce, des vertus et des dons dans la juslilication ne saurait faire de doute. En ce qui concerne la grâce et la charité, c’est une doctrine de foi, qu’impliquent nécessairement la nature même de la justification et l’efficacité des sacrements. En ce qui concerne les autres vertus théologales et les lions, c’est une doctrine au moins Ihéologiquement certaine, en raison de la connexion qui existe entre la grâce et ces lutbilus surnaturels. En ce qui concerne les vertus morales infuses, c’est une doctrine plus communément admise. Voir Vertus.

L’argument scripturaire principal en faveur de la reviviscence des vertus et des dons est la parabole de l’enfant prodigue, Luc, xv, 1 1 sq. C’est surtout sur le v. 22 que les Pères s’appuient : Cito proferte stolam primant et induite ittum et date anniilum in maniun ejus et calceamenta in pedes ejus. Bien que prima stola ne signilie pas ici 1' « ancienne robe », celle qu’il possédait auparavant, cf. Lagrange, Évangile selon saint Luc, p. 125, le texte marque clairement que le prodigue va « reprendre sa place de maître dans la maison de son père ». Voir l’interprétation de saint Ambroise, P. h., t. xv, col. 1761. Un beau texte de saint Vincent Ferrier résume toute la tradition sur ce point : Proferte stolam primam et induite illum, inquit. Ecce magna misericordia Christi, qui non solum remitlil culpas, sed etiam restitua tibi graliam pristinam, vesliendo animam veste (jraliie, qua fueral nudala. Et, quando anima vestila est veste gratise, potest cantare et dicere : « Gaudens gaudebo in Domino, et exultabit anima mea in Deo meo, quia induit me veslimentis salulis et indumento juslitiw circumdeditme. » (Ts., lxi, 10) Vestimenta sulutis sunthabilus virtutum theologicarum et moralium, sive cardinatium et septem dona Spirilus Sancli. Omnia isla resti tua Dominus pœnitenti. Indumentum jusliliæ est gralia divina habitualis. Sermon pour le samedi après le 2e dimanche du carême, dans Sermoncs Quadragesimales, Cologne, 1482.

Le concile de Trente a d’ailleurs consacré ce fondement scripturaire en même temps qu’il a canonisé la doctrine qu’on y rattache. Itaque veram et clirislianam justitiam accipientes, eam ceu primam stolam pro illa, quam Adam sua inobedienlia sibi et nobis perdidil… Sess. vi, de juslifïcatione, c. vii, Denz.-Bannw., n. 800. Ce rappel scripturaire complète l’assertion relative à l’infusion simultanée de la grâce et des vertus : unde in ipsa justificatione cum remissione peccatorum hœc omnia simul infusa accipit homo per Jesum Christian cui inseritur : /idem, spem, charitaiem. Id., ibid. Sur cette infusion simultanée, voir également Innocent III, Ei’ist. majores à Guibert, archevêque d’Arles, Denz.Bannw., u. 410. Le canon 1 1 de la session vi du concile de Trente prononce l’anathème contre quiconque déclare que la justification peut se faire sans l’infusion de la grâce et de la charité. Denz.-Barihw., n. 821.

Aussi tous les théologiens, à la suite de saint Thomas, affirment-ils le fait de la récupération de la grâce, des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit : « Les péchés sont remis par la pénitence. Mais la rémission des péchés ne se fait pas sans l’infusion de la grâce, d’où il suit que la grâce est réintroduite en notre âme par la pénitence. Or, de cette grâce procèdent toutes les vertus surnaturelles, comme toutes les facultés de l'âme découlent de son essence… Donc il faut admettre que toutes les vertus nous sont rendues par la pénitence. > If-If 1 ', q. LXXXIX, a. 1.

La conclusion immédiate de cette affirmation générale, c’est que l'élément essentiel de la dignité de l’homme, l'étal de grâce et les dons surnaturel, annexes, sont rendus au pécheur pénitent. Mais l'élément accessoire, l’innocence, la virginité matérielle ne saurait être reconstitué : le pénitent peut d’ailleurs récupérer des biens supérieurs, une vertu plus grande et plus agissante. Id., a. 3.

II. LA MESURE DE CETTE REVIVISCENCE.

Ce second problème donne lieu à des solutions divergentes, parce cpie, pour le résoudre, les auteurs font appel a des principes différents, sinon opposés, concernant l’accroissement de la grâce et des vertus dans l'âme.

1° Les principes invoqués. - - Nous ne ferons que les résumer brièvement, leur exposé normal relevant de l’article Vertus. On peut constater deux courants opposés :

1. Saint Thomas, considérant que la grâce sanctifiante, les vertus infuses et les dons du Saint-INpi il sont métaphysiquement réductibles au prédicament qualité et non au prédicament quantité, rejette la thèse nominaliste d’un accroissement par mode d’addition : Il peut arriver qu’un - habit us » augmente par addition parce qu’il s'étend a des objets auxquels il ne s'étendait pas jusqu’alors… Or, on ne peut pas dire cela de la charité, puisque la moindre charité s'étend à tout ce cpii peut être aimé dans la charité… Si de la charité s’additionne a de la charité, cela ne peut se faire qu’en supposant une distinction numérique, c’est-à-dire une diversité de sujets… Mais on ne peut dire pareille chose dans le cas qui nous occupe ; car la charité se trouve dans l'âme raisonnable comme dans son sujet ; et alors il s’ensuivrait qu’une âme raisonnable s’ajouterait à une' autre âme raisonnable, ce qui est impossible. Et si même c'était possible, une telle augmentation agrandirait l'être aimant, mais ne ferait pas qu’il aimât davantage. La charité augmente donc parce que le sujet [qui la reçoit ] la pratique de plus en plus, c’està-dire est davantage incité a produire son acte et plus commandé par elle.. Ainsi la charité augmente parce