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QUESNEL. ATTAQUES CONTRE LES « RÉFLEXIONS MORALES


demanda justice au roi. Celui-ci promit d’obtenir des évêques une réparation ; mais, avant que les deux évêques eussent pu répondre à la demande du roi, Noailles publia, le 28 avril, une Ordonnance qui accusait les deux évêques d’inspirer le mépris pour l’autorité de saint Augustin, d’avancer des doctrines contraires à l’intégrité de la foi et à la pureté de la morale, et de renouveler les erreurs de Baïus et de Jansénius. Singulière accusation ! Cette Hâte de Noailles à attaquer les deux évêques lui valut la disgrâce du roi, qui lui défendit de paraître à la cour. Mme de Maintenon intervint et essaya d’arracher à Noailles une rétractation de l’approbation donnée au livre de Quesnel, mais Noailles écrivit au roi, le 4 mai, une lettre curieuse : « Il n’est pas juste, dit-il, que, pendant que des évêques, les derniers de tous en toute manière, ont la liberté de l’aire à tort et à travers des mandements, un aichevêque de Paris ne l’ait pas », et il se plaignait à Mme de Maintenon de la partialité du roi. Les deux évêques écrivaient au P. Le Tellier pour le prier de les appuyer auprès du roi et ils écrivaient au roi luimême, le 20 mai, pour lui dire qu’ils s'étonnaient de voir le cardinal de Noailles les accuser de jansénisme : « Il est assez surprenant que M. le cardinal de Noailles ait été le seul qui ait trouvé le jansénisme dans notre Instruction et le seul des évêques qui n’en trouve point dans le P. Quesnel ! … Il nous fait dénoncer dans toutes les chaires et les carrefours de Paris comme des fauteurs d’hérésie » ; ils demandent au roi la permission de se pourvoir devant le Saint-Siège contre une telle accusation. M. le cardinal de Noailles n’est pas le juge des évêques et il nous a jugés ; c’est une usurpation sur l'épiscopat… Non content de nous déshonorer dans son mandement, comme auteurs d’une mauvaise doctrine, il nous déshonore encore en faisant entendre que Y Instruction publiée sous notre nom est l’ouvrage d’autrui… Si notre Instruction est répréhensible, il n’est pas juste que nous laissions faussement tomber le blême sur d’autres… » Le même jour, ils écrivaient au P. Le Tellier pour lui dire qu’ils avaient reçu de M. de La Vrillière, de la part du roi, un modèle de satisfaction à faire au cardinal de Noailles pour leur lettre touchant le traitement fait à leurs neveux. Ils déclarent qu’ils « n’ont [joint écrit pour exercer une vengeance, mais uniquement pour défendre la bonne doctrine » et qu’ils n’ont eu aucune part à la publication de la lettre pour laquelle on demande une salisfaction ; aussi ils ne peuvent donner la satisfaction qui leur est demandée de la part du roi, car « elle serait pernicieuse à la religion, surtout après le mandement publié par Noailles contre la censure qu’ils ont faite du livre de Quesnel ». C’est pourquoi ils écrivent au roi, « afin de pouvoir recourir au Saint-Siège pour y réclamer un jurement définitif qui nous réunisse tous dans la même doctrine » et supprime le scandale de la division, .Aussi ils ne publieront pas le petit écrit qu’ils voulaient donner à leurs fidèles pour leur expliquer la valeur du témoignage nue les jansénistes veulent donner au livre de Quesnel, par la Justification qu’ils viennent de publier, car Bossuet « était persuadé que les 1 /'flexions de Quesnel contiennent le pur jansénisme ». Quesnel venait en effet, à cette date, de publier à Lille l’ouvrare posthume qu’avait rédieé en 1702 l'évênie de Meaux, sous le titre d’Avertissement, pour servir d’introduction à une édition corrigée du livre de Quesnel.

Afin de raffner Noailles, le roi maintint sa demande de réparation auprès des deux évêques ; ceux-ci signèrent, le fi juin, le modèle envoyé, en supprimant cependant ce qu’ils regardaient comme contraire à leur conscience, en retranchant tout ce qui aurait paru une rétra<taCon de ce qu’ils avaient écrit dans leur mandement et en priant le roi de ne remettre cette

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

lettre au cardinal de Noailles que lorsque celui-ci aurait révoqué l’approbation qu’il avait donnée au livre de Quesnel. Mais Noailles ne pouvait se résoudre a condamner le livre de Quesnel. Le chancelier Voysin fit des démarches auprès de lui et lui déclara que la suppression de son approbation était nécessaire pour désarmer ses adversaires. Noailles lit des promesses très vagues ; on lui donna le temps de réfléchir jusqu'à l’assemblée du clergé de 1711, mais il demanda de nouveaux délais. Il était convaincu, et les jansénistes le lui répétaient sans cesse, que les jésuites en voulaient à sa personne et qu’en fait il n'était nullement question de doctrine. D’ailleurs, Noailles restait toujours fermement attaché au livre de Quesnel, dont il prend ouvertement la défense dans sa Lettre à l'évêque d’Agen et dans sa correspondance. Voir, à la Bibliothèque nationale, ms. /r. 23 213, 23 214 et surtout 23 217. L’incident qui survint alors, habilement exploité par les amis de Quesnel, ancra encore davantage dans l’esprit de Noailles l’idée qu’il s’agissail d’une cabale montée contre lui.

Après l'échec de plusieurs projets (exposés par Thu illier. Histoire de la constitution « ! ' ni yen il us ». p. 75-79) pour régler pacifiquement l’affaire des deux évêques, le roi décida de constituer un tribunal d’ar bitrage. présidé par son petit-fils, le duc de Bourgogne, assisté de l’archevêque de Bordeaux et de l'évoque de Meaux, avec trois ministres. De mai à juillet 1711, on interrogea, on examina, on discuta. L'évêque de Meaux multiplia les démarches auprès de Noailles el tenta de concilier les esprits. Mais l’affaire est fort délicate : il faut ou absoudre les évêques et condamner le livre (les ht flexions et le cardinal de Noailles, qui décidément ne veut pas retirer son approbation, ou réhabiliter le cardinal de Noailles et condamner les évêques, en déclarant le livre de Quesnel irréprochable. Or, le pape axait déjà condamné ce livre, et. bien que le décret de Rome n’eût pas été publié en France, il était difficile de se prononcer en faveur de ce livre. D’ailleurs, des faits nouveaux venaient compliquer la tâche des commissaires. En ce moment, Quesnel publiait l’ouvrage posthume de Bossuet sous le titre de Justification des Réflexions morales, et la grande autorité de Bossuet mise en avant, quoique tout à fait à tort, impressionnait les esprits mal préparés. D’autre part, la Lettre de l'évêque d' A gen aux évêques de Luçon et de La Rochelle (9 juill.) était offensante pour ces deux derniers : l'évêque d’Agen accusait ses confrères de basse vengeance contre un très illustre prélat ; ils étaient les instruments de la passion et de la haine des ennemis de Noailles, en attaquant un livre qu’on axait Longtemps lu sans en être scandalisé. Cette lettre valut à l'évêque d’Agen les félicitations de Quesnel dans sa Lettre apologétique à M. l'évêque d’Agen sur ce que ce prélat a dit de lui dans sa lettre à MM. les évêques de Luçon et de La Rochelle : Quesnel nie l’existence du jansénisme et demande qu’on veuille bien lui dire quels sont les dogmes nouveaux qu’il a prêches. L'évêque d’Agen écrivit également à M. de Pontchartrain, le 15 octobre 1711, pour attaquer les jésuites, auxquels il reproche leur haine contre Noailles et contre ce qu’ils appellent le jansénisme : « Le jansénisme n’est pas un fantôme, mais les jansénistes sont rares, et il est difficile d’en trouver. » Pontchartrain lui répondit, le 8 décembre, de la part du roi, de vouloir bien ne pas s’occuper d’une affaire où il n'était pas intéressé personnellement. La Lettre de l'évêque d’Agen provoqua de nouvelles polémiques : les deux évêques obtinrent du dauphin la permission de réfuter les accusai ions portées contre eux. (le fui l'écrit intitulé : Éclaircissements sur les faits contenus dans la Lettre de M. l'évêque d’Agen et dans plusieurs libelles anoni/mes, louchant les contestations qui sont

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