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RESTITUTION. CAUSES EXCUSANTES


celui-là est tenu de s’acquitter, car les causes étant semblables, la condition de celui-ci est supérieure : il a pour exiger son dû un droit strict que n’a pas l’autre pour temporiser. C’est encore plus vrai lorsque la dette a été contractée délictueusement, parce que l’innocent est à favoriser de préférence au coupable, conformément à l’axiome : Nemo ex suo delicto meliorem suam condiiionem facere potest. S. Alphonse, t. III, n. 701-703 ; Lacroix, t. II, part. II, n. 13(1.

Quand le débiteur ou le créancier se trouvent dans une égale nécessité extrême, si celui-là est tombé d’abord dans cet état il n’est pas obligé de restituer immédiatement au second, qui est jeté après lui dans une situation analogue, car il a le premier acquis la propriété de ce qui lui était indispensable. Par ailleurs n’avait-il pas le droit à ce moment d’être aidé par celui à qui il devait ?

Au contraire, si le créancier est le premier dans l’extrême nécessité, le débiteur doit lui restituer son bien, non seulement parce qu’il lui appartient, mais aussi qu’il est obligé de le secourir en ces circonstances.

Il en est ainsi également et à plus forte raison si le propriétaire connaît l’extrême nécessité parce que son bien lui a été dérobé, même si le débiteur déloyal est lui-même dans un état identique. Régula 65, de regulis juris, in VI° ; S. Alphonse, t. III, n. 701 ; Lessius, t. II, c. xvi, dub. i, n. 13 ; Lugo, disp. XXI, n. 4.

Enfin, quand tous deux tombent en même temps dans la misère extrême, le débiteur doit rendre le bien au moins s’il existe en espèce, car le créancier qui n’en a jamais perdu la propriété peut le réclamer et a fortiori, étant donnée la situation dans laquelle il se trouve, son titre de revendication est double. Si le bien d’autrui a été consommé ou détruit, le débiteur qui n’en disposerait plus ne saurait qu’être obligé à restituer quand il le pourra. Il reste bien entendu, en elïet, en cette hypothèse comme dans les autres qui ont été examinées, que, malgré le retard imposé par les circonstances, l’obligation persévère et doit être exécutée quand il n’y a plus de raisons excusantes.

2. Causes qui éteignent l’obligation.

Ce sont : la destruction, la rémission, la compensation et l’autorité supérieure.

a) La destruction de la chose dispense absolument de restituer, si elle n’est pas le fait d’un acte peccamineux. Mais si le débiteur en est devenu plus riche, il doit rendre ce supplément au propriétaire, car il n’est pas juste que quelqu’un profite au détriment d’autrui : Lcx Item veniunt 20, § G, Digeste, De luvrcditatis petitione : « Eos autem, qui justas causas habuissent, quare bona ad se pcrlinere exislimassent, usque en dunlaxat, quo locuplctiores ex en re facti essent, condemnandos » ; Reg. 18, de regulis jaris, in VI", » Locupletari non débet aliquiscum alterius injuria, vel jacturu » ; voir aussi S. Alphonse, t. III, n. 700, q. 2 ; Homo apostoi, tract, i, n. 20.

b) La rémission. Le débiteur est libéré de la restitution quand le créancier lui remet sa dette d’une façon expresse ou même tacite, par exemple en lacérant l’instrument de la dette ou en le rendant volontairement avant le paiement. Lacroix, t. III, part. II, n. 402 ; Lugo, disp. XXI, sect. iv. n. 53 et 54 ; S. Alphonse, I. III, n. 700, 1°.

Pour être valide la rémission doit revêtir certaines conditions : elle doit être libre, sans violence, ni fraude, ni ruse. Reg. 27, de regulis juris, in VI" : « Scienti et consentienti… » ; Lugo, disp. XXI, sect. iv, n. 46 ; Sporcr, c. iv, sect. iv, n. SI ; Lacroix, t. III, part. 1 1, n. 157. Elle tic peut pas être faite dans les cas exceptés par le droit. Ferrari s donne un certain nombre d’exemples dans l’ancien droit, l’rompta bibliolheca, art. Restitutio, n. 31 sq., col. 1511) sq.

Enfin elle n’est valable, que si elle est accordée par quelqu’un qui en a la puissance.

l’nc rémission présumée de juluro suffît pour éteindre une obligation de justice. Elle existe lorsqu’on suppose légitimement que le créancier remettrait sa créance, si le débiteur le lui demandait, à cause des bons sentiments qu’il nourrit à son égard. Dans cette hypothèse le créancier est considéré comme ne s’opposant pas à ce que la restitution soit omise. S. Alphonse, t. III, n. 700, q. 1.

c) La compensation excuse totalement si elle a toutes les conditions requises pour être légitime : celles-ci varient suivant les lois régionales. Voir Lex Ideocompensatio 3, Digeste, De compensationibus : « Interesl nostra potins non solvcrc, quam solutum repetere. » Il y a compensation proprement dite ou légale lorsque la dette d’un débiteur est compensée par celle de même valeur que lui doit son créancier. La compensation occulte éteint une obligation de justice ; elle ne saurait être conseillée et pratiquée qu’avec la plus grande prudence.

d j L’autorité supérieure ou une disposition législative qui émane d’elle libère aussi un débiteur de son obligation. C’est le cas de la prescription ou d’une sentence judiciaire. Lugo, disp. XXI, n. 553 ; Lessius, t. II, c. vii, dub. vin ; Sporer, n. 91 ; Lacroix, n. 471.

Le souverain pontife a aussi le pouvoir de dispenser d’une restitution due à des causes pies et pour des dettes incertaines. Il l’a souvent exercé à propos des biens d’Église confisqués injustement par les États, ou occupés malhonnêtement par les particuliers et passés ensuite aux mains des gouvernements.

Sans cette condonation les biens ne sauraient être possédés en sûreté de conscience. L’intervention de l’Église sur les dettes incertaines s’appuie sur le pouvoir dont elle jouit même en matière temporelle, ratione peccati. Dans le domaine spirituel le pape, tenant compte des circonstances, peut aussi accorder la permission générale de satisfaire par une seule messe, alors que des honoraires ont été versés pour plusieurs. Les concessions publiques sont accordées par la S. Congrégation du Concile ; celles qui sont occultes, le sont par la S. Pénitencerie.

Tous les manuels de théologie morale traitent de ces questions plus ou moins abondamment : Aertnys, Theologia moralis juxta doctrinam S. Alphonsi de l.igorio, 2e édit.. Tournai, 1890 ; 10e édit. adaptée au code par Damen, Tournai. 1919-1920 ; Allègre, Le code civil commenté, Paris, 1902 : saint Alphonse de Liguori, Tkenlogia moralis, édit. P. Gaudé, t. III, Rome, 1905 ;.T. d’Annibale, Summula theologiw moralis, part. II, 1, 3e édit., Rome, 1888 ; Ballerini, Compendium theologia ; moralis, Rome, 1893 ; Ballerini-Palmicri, Opus monde a Ballerini conscriplum et a Palmieri cum annotationibus editum, Prati, 1899 ; Berardi. Theologia moralis theorico-practica, Iractalus de juslilia et jure, Pænza, 1905 ; Bonacina, De morali theologia, t. n. De reslitulione, Lyon, 1697 ;.1. Carrière, Prseleciiones théologien’majores, t. iii, De juslilia et jure, de cantraclibus, Paris, 1839-1811 ; Grolly, Disputationes théologien’, t. iii, 7’c justitia et jure, Dublin, 1870-1877 ; Ebel-Bierbaum, Theologia moralis, dcc<dogalis et sacramentalis, Paderborn, 1894 ; Genlcot, Theologia* moralis instilutiones, t. VI, l.ouvain, 1 898 1902 ; Genicot-Salsmans, Théologies moralis instilutiones, Bruxelles, 1927 ; Thomas (.nussi’t. Théologie morale, Paris, 18 15 ; Gury-Ballerinl, Compendium theologiæ moralis ab auctore récognition et Ballerini adnotalionibus locuplelatum, 4e éd., Rome, 1877 ; Lacroix, Theologia moralis, I. III, part, ii, De reslitntione, Paris, 1867 ; I.aymann, Theologia moralis, 1. III.tr. iii, Lyon, 1654 ; Venise 1769 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, Fribourg-en-B. , 1902, 11° éd., 1910 ; Lessius, De justitia et jure ceterisque virtutibus cardinalibus, t. I, Anvers, 1632 ; de Lugo, Dispulationes scolasticæ et morales djustitia et jure, Paris, 18(is1869 ; Clément Marc, Instilutiones morales Alplionsiamc, Rome, ish : >, 1904, 18° éd., Lyon, 1928 ; Marres, De justitia. I. II. Reuremonde, 1889 ; Mollna, De juslilia et jure, Venise. 1609, autre édit., 1735 ; Noldin, Summa theologiamoralis, I >r preeceplis J>ei et Ecclesite, Inspruck, 1911 ; Noldin-Schmitt, Summa theologia’moralis. De pra’ceplis Dci et Ecclesiiv, Inspruck, 1920 ; Pirhing, Jus cunonicum in quin-