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RESTITUTION. POSSESSEURS DE BONNE FOI


(3) Les fruits industriels. — Malgré que la nature des choses concoure comme instrument de l’homme à leur production, ceux-ci proviennent principalement de l’activité humaine, à savoir de sa volonté, de son intelligence et de ses qualités diverses de prudence et de diligence, etc. A juste titre ils sont considérés comme une sorte de paiement des efforts fournis. Les biens ne sont que la cause occasionnelle des fruits industriels, tandis que l’homme en est l’agent principal.

y) Les fruits mixtes. — Ils sont le résultat de la nature de la chose et de l’industrie de l’homme. Ce sont, par exemple, les moissons, les vignobles et toutes les productions de la terre qui exigent une culture, etc.

S) Les fruits civils. — Théoriquement on appelle ainsi le prix de location des maisons, des navires, le prix des marchandises, le salaire, les intérêts et tout ce qui au point de vue civil est considéré comme un fruit. Ils proviennent de la loi ou d’une convention sociale. Pratiquement cependant ils entrent dans l’une des catégories précitées.

b. Pour estimer le bénéfice réel, il y a lieu de déduire certaines dépenses. — Pour conserver et pour améliorer des biens, il faut engager des dépenses. Celles-ci se subdivisent en différentes catégories : les dépenses d’entretien, appelées aussi dépenses ordinaires ou de conservation, indispensables pour maintenir les choses en état et permettre la production et la perception des fruits. Sans elles, ce serait bientôt la diminution du bien ou la ruine, dès lors la perte de tout fruit. — Les dépenses utiles sont destinées à rendre le bien plus fructueux, tel est, par exemple, l’achat d’engrais chimiques ou naturels. — Les dépenses volontaires et somptuaires sont engagées pour donner à la chose un ornement qui la fait plus agréable. Les frais de peinture, de sculpture et de décoration entrent dans cette catégorie.

c) Res périt domino, qui quasi suam rem neglexit nulli querelæ subjectus est (Lex ii, § 3, De petit, hæred.).

— Par cet axiome, il faut entendre que la disparition d’un objet, lorsqu’elle est naturelle, est une perte à subir en toutes ses conséquences par le propriétaire. Il en va autrement quand il y a destruction ou démolition par une action humaine injuste et coupable.

d) Locupletari non débet aliquis cuin altcrius injuria vel jactuni (Reg. 48, De regulis juris in VI"). — Cet aphorisme n’est que le développement du premier qui a été exposé. Un bien qui appartient à autrui est possédé de deux manières, dans sa réalité ou dans son équivalence. Ce second mode existe lorsqu’un homme n’a plus en sa possession ce qu’il a détenu, mais qu’il en est cependant devenu plus riche, que s’il ne l’avait jamais eu. Cela se produit si un objet reçu à titre gratuit a été vendu, ou s’il a été consommé permettant ainsi d'épargner sa propre richesse, ou si, acheté à bas prix, il a été vendu avec gain. Comme on le voit, l’enrichissement provient uniquement de la chose elle-même.

2. Application des axiomes.

Ces principes posés, nous pouvons en faire une application aux diverses catégories de possesseurs du bien d’autrui. Ces possesseurs sont de bonne foi, de mauvaise foi ou de foi douteuse.

a) Au possesseur de bonne foi. — C’est celui qui a acquis à titre onéreux ou gratuit, une chose quelconque d’une personne qu’il estimait en être le légitime propriétaire, alors qu’en fait cette personne ne l'était pas. Ainsi, sans le savoir, il détient un bien qui, réellement, n’est pas à lui. Pour déterminer ses devoirs et ses droits, deux situations sont à envisager : 1. Aussi longtemps qu’il est de bonne foi ; 2. Quand cesse sa bonne foi.

a. Aussi longtemps que le possesseur est de bonne foi.

— Il a tous les droits du propriétaire sur l’objet que licitement il utilise en lui-même et dans tous ses fruits

ouqu’il détruit. Si l’objet périt par l’usage naturel et si le propriétaire survient, celui-ci, en vertu du principe Res péril domino, ne saurait exiger aucune restitution, cai cette perte est arrivée sans faute contre la justice.

b. Quand cesse la bonne foi. — Ici il importe de fixer les droits du détenteur de bonne foi sur l’objet luimême, sur les fruits et sur les dépenses.

a.) Quels sont les droits du détenteur sur l’objet. — On peut envisager deux cas : l’objet n’a été transmis à personne ; il n’y a donc eu qu’un seul détenteur ; ou bien au contraire, il y a eu une ou plusieurs transmissions de l’objet.

a. // n’y a pas eu de transmission. — L’objet existe encore. — Le possesseur de bonne foi prescrit légitimement suivant le temps fixé par le droit (voir l’art. Prescription) ; il acquiert ainsi définitivement ce qu’il détient et en perçoit tous les fruits.

Mais s’il n’y a pas encore prescription, quand le possesseur de bonne foi apprend que ce qu’il détient est a autrui, il lui incombe de restituer le plus tôt possible à moins de graves inconvénients, car res clamât domino. Le possesseur de bonne foi peut-il exiger du propriétaire à qui il rend ce qui lui appartient que le prix lui en soit versé? La réponse, semble-t-il, varie suivant les circonstances. Si le propriétaire s’est trouvé dans L’impossibilité de recouvrer son bien et si, poussé par l’intention de le lui rendre, le possesseur actuel l’a acheté à une tierce personne, celui-ci a le droit d’en exiger le prix parce qu’il a travaillé pour l’utilité d’autrui et non pour la sienne.

La loi civile a sur l’achat des objets volés ou perdus une disposition particulière. D’après l’article 2280 du Code civil, le propriétaire a trois ans pour réclamer son bien, mais il est tenu de payer au possesseur la somme que celui-ci a versée, si l’achat a été fait au marché ou dans une vente publique ou par un marchand qui négocie des objets de même espèce. En dehors de ces cas les théologiens enseignent communément que le propriétaire n’est pas obligé d’indemniser le possesseur éventuel de son bien. Ce dernier pour se dédommager de la perte subie doit recourir contre le voleur.

L’objet n’existe plus, mais seulement son équivalent parce qu’il a été consommé ou qu’il a péri. S’il est consommé, s’il ne reste plus rien et si le possesseur de bonne foi n’en a pas tiré avantage, il ne saurait être question pour lui de restituer quoi que ce soit. Mais si la consommation, bien que faite sans aucune faute contre la justice, a permis au détenteur d'épargner ses biens personnels, il y a pour ce dernier obligation de rendre dans la mesure où il en est devenu plus riche. Cet enrichissement est considéré comme l'équivalent du bien d’autrui utilisé. La restitution de cette part doit être faite au plus tôt par le possesseur mais les fruits de son industrie lui demeurent acquis.

S’il a péri : Si le bien périt fortuitement ou même par le fait du possesseur, mais sans avantage pour lui, il n’est tenu à aucune restitution. C’est l’application directe du principe : Res périt domino.

(3. Il y a eu transmission de l’objet possédé de bonne foi. — Elle a pu être faite : à titre onéreux, ou à titre gratuit, ou à titre onéreux et gratuit.

Transmission faite à titre onéreux. — Pour faciliter la compréhension du sujet, il y a deux situations différentes à distinguer : selon que le possesseur n’a pas été évincé par le propriétaire ou qu’il l’a été.

Si le possesseur n’a pas été évincé par le propriétaire parce qu’il y a déjà prescription légitime, ou que l’objet a été consommé ou qu’il a péri fortuitement, la situation se résout ainsi :

Le premier individu qui a possédé et qui a vendu paie au propriétaire le prix de l’objet, lorsqu’il en est devenu plus riche, car personne n’a le droit de s’enrichir avec ce qui est à autrui. Mais il n’existe pour lui