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RESTITUTION. QUI DOIT LA FAIRE ?


la restitution ne saurait être grave, parce que le délinquant est parvenu sans faute mortelle à une matière grave : il est seulement léger. Cette solution, considérée comme plus probable et comme sûre dans la pratique, suppose, il est vrai, que c’est par un oubli, qu’il ne faut d’ailleurs pas admettre trop facilement, que ces petits torts ont constitué en fin de compte un dommage considérable, mais sans qu’aucune personne ne subisse un préjudice important et surtout sans qu’il y ait eu faute mortelle. Vermecrsch, Principia. t. ii, n. 584. Bien entendu, s’il y avait eu réellement faute mortelle, on tomberait dans le premier cas étudié plus haut. C’est très fréquent ; car il pèche gravement celui qui délibérément pour se mettre en possession d’une grosse, somme commet bon nombre de petits vols. Vermecrsch, Principia, t. ii, n. 584.

b. Si la faute est vénielle à cause du manque de consentement, c’est-à-dire si la volonté n’a causé de tort grave que d’une manière imparfaite, il semble plus probable qu’il n’y a aucune obligation. L’obligation n’existe pas sut gravi, car l’obligation doit être en relation avec le délit de conscience ; ni non plus sub levi, parce qu’un devoir qui tend à une matière grave ne saurait être seulement léger de sa nature, vu qu’il doit y avoir naturellement proportion. Dans ce cas, probablement, le délinquant n’est même pas tenu en justice de restituer une partie légère en rapport avec le péché, parce que la faute, qui est vénielle par suite du manque de consentement, n’est pas purement et simplement un délit contre la justice, ainsi que l’affirme saint Alphonse de Liguori, op. cit., t. III, n. 552 ; cf. Lugo, disput. VIII, n. 55 sq. ; Vermecrsch, Principia, t. ii, n. 584, p. 554.

Bien que, dans l’hypothèse envisagée, il n’y ait aucune obligation en stricte justice, dans la mesure du possible il est équitable d’amener les parties à composition.

c. Si le péché est véniel parce que le sujet était dans l’erreur invincible sur la quantité du tort qu’il a commis (il a dérobé, par exemple, un menu objet d’art, l’estimant sans valeur), il ne saurait y avoir qu’une obligation légère de restituer. Mais il est trop clair qu’il ne faut pas admettre trop facilement cette erreur invincible.

d. A cette question peut se rattacher la question d’autres erreurs qui donnent lieu parfois à des situations compliquées : celui qui a voulu faire un tort a pu errer invinciblement ou sur la personne lésée ou sur l’objet du tort ou sur la gravité du dommage.

Le damnificateur erre invinciblement sur la personne si, par exemple, il incendie la maison de Paul, croyant avoir affaire à celle de Jacques. A croire certains moralistes, au nombre desquels il faut regretter de rencontrer saint Alphonse (op. cit., t. III, n. 628, 629), l’incendiaire, en l’occurrence ne serait tenu à aucune restitution : son action, disent-ils, ne fut pas théologiquement coupable à l'égard du damnifié. Il ne doit rien à Jacques qu’il n’a pas lésé, ni à Paul auquel il n’a point voulu causer de dommage ! Exemple remarquable des conséquences inattendues auxquelles peut aboutir la discussion des cas de conscience mener avec les ressourcesdeladialectique. Car la simple équité fait voir que les conditions requises pour la restitution existent de fait. Il y a en effet une action matériellement et formellement injuste, et seule la volonté interprétative du coupable fait obstacle à l’injustice formelle. C’est pourquoi, en accord avec le sens commun, bon nombre de moralistes modernes imposent dans cette hypothèse le devoir de la réparation. Voir Vermecrsch, Principia, t. ii, n. 585.

Lorsque l’erreur invincible a trait à L’objet ou à la gravité du tort, des solutions différentes sont données. Cette variété provient de la difficulté des problèmes

et du point de vue différent où les auteurs se placent, vu que ceux-ci font souvent appel à des distinctions suggérées par les lois de la logique et de la psychologie. Sans vouloir entrer dans le détail — car ce n’est pas le lieu de traiter de l’erreur — il semble qu’il faille plutôt envisager le fait en lui-même et déterminer la culpabilité. Lorsque celle-ci existe il y a une injustice réelle et donc obligation de réparer. Si, par exemple, un individudérobe un objet sachant parfaitement qu’il vaut trois cents francs, mais juge qu’il n’y a là que matière légère, il est tenu sub gravi, semble-t-il, de restituer à défaut de l’objet une somme équivalente, puisqu’il a agi avec plein consentement et qu’il a apprécié l’objet à son juste prix, encore qu’il se soit trompé dans l’estimation de la gravité de la faute. Voir Lehmkuhl, Theol. mor., 11e éd., t. i, n. 1154. Cependant cette opinion n’est pas à urger, car il importe de tenir compte de l’attitude intellectuelle erronée de l’agent. Et c’est pourquoi la plupart du temps, il sera- équitable d’avoir recours à la composition, c’està-dire à une entente entre les intéressés. Ce sera la solution idéale.

c) Obligation de restituer en cas de doute. — Ce peut être un doute de droit ou un doute de fait. Le premier existe lorsqu’il y a un soupçon positif et sérieusement probable sur la justice d’une action. Ici il est permis d’avoir recours au système du probabilisme.

Il y a doute de fait, s’il y a incertitude sur le dommage qui a été fait ou sur l’efficience de l’action. Si le doute subsiste après une enquête diligente la restitution ne saurait être imposée, vu que son obligation se présente comme incertaine. D’après l’opinion commune, cette attitude ne vaut pas lorsqu’il y a doute sur le fait même de l’exécution de la restitution. C’est pourquoi il faut payer, au moins au prorata du doute, à moins qu’il n’y ait une plus grande probabilité en faveur du paiement. Voir Vermeersch, Principia, t. ii, n. 586 ; Lehmkuhl, t. i, n. 1147.

II. Qui doit restituer ? — Ce sont les possesseurs d’un bien d’autrui et en second lieu les coopérateurs à une action damnifleatrice.

Les possesseurs d’un bien d’autrui.

1. Axiomes

qui dominent la question. — Avant d’entrer dans le détail des questions soulevées par la restitution, il e-~t utile de connaître les principes généraux exprimés sous la forme d’aphorismes ou d’axiomes : 1. Res clamai domino ; 2. Res fructifical domino ; 3. Rcs péril domino ; 4. Locupletari non débet aliquis cum alterius injuria.

a) Res clamât domino. — Chaque chose appelle un propriétaire. La propriété est perpétuelle. Elle dure en fait aussi longtemps qu’elle n’a pas été éteinte par un droit supérieur.

b) Res fructifical domino. — Les fruits que les objets produisent, appartiennent au propriétaire ; mais, pour estimer le gain, il faut en déduire les dépenses.

a. Les fruits que les biens produisent reviennent au propriétaire. — Il y a lieu de distinguer les fruits naturels, les fruits industriels, les fruits mixtes, les fruits civils.

a) Les fruits naturels. — Ce sont ceux que l’objet produit spontanément en vertu de sa propre nature, sans qu’il soit nécessaire que l’activité de l’homme intervienne : par exemple, les fruits des arbres, l’herbe des champs, etc.

Parmi les fruits naturels, les uns sont déjà perçus, les auties encore pendants. Ceux-ci suivent le fonds, car ils constituent une seule chose avec lui, vu qu’ils n’en paraissent être qu’une partie : fructus pendenles pars fundi esse videntur. Lex Fructus pendenles, 45 De rci vindicat. Les fruits perçus sont ceux qui, après avoir été recueillis, se trouvent à l’abri ou ont déjà été consommés ou utilisés par le possesseur pour son usage personnel.