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RESPECT HUMAIN — RESTITUTION


passage en un pays soit païen, soit franchement hérétique, il a le droit de passer outre au précepte de l’abstinence, s’il craint sérieusement que le fait d'être reconnu comme catholique soit pour lui la cause d’un dommage grave. Il en serait autrement si le sujet était poussé à violer cette loi par des gens qui verraient en son geste une sorte de reniement ; on retomberait alors dans le cas d’un acte positif, qui est toujours interdit. En fait la largeur des dispenses de l’abstinence qui sont concédées soit par le droit général, soit par le droit particulier, soit même par les usages locaux, rend la solution ancienne à peu près inutile.

Les anciens auteurs posaient aussi à ce propos la question du costume et c'était surtout le port du turban en pays musulman qui les préoccupait. Ils autorisaient un chrétien, au cours d’un voyage, à prendre tel costume qui était plutôt celui du pays qu’un signe de la religion pratiquée. Le turban pouvait être ainsi jugé soit innocent, soit coupable suivant les cas et, faut-il ajouter, suivant le rigorisme plus ou moins grand des auteurs. Nul aujourd’hui ne ferait plus grief à un explorateur saharien de revêtir le costume des Touaregs ou des Arabes. Mais ceci nous met assez loin du respect humain qui sévit en nos pays chrétiens, ou il ne laisse pas de constituer un grave péril pour le rayonnement de l'Église et son action.

III. Le respect humain a rebours. — En ce qui précède nous avons vu la crainte exagérée de l’opinion des hommes imposer à tel sujet une attitude extérieure contraire à ses convictions intimes, amener un croyant à se poser en incroyant, une personne très désireuse de bien faire, en chrétien tiède et ainsi de suite.

Le phénomène inverse peut se constater. La pression de l’ambiance, la crainte du qu’en-dira-t-on, peut, dans un groupement, fort exact à la pratique chrétienne, imposer à certains de ses membres moins fervents une attitude qui ne corresponde pas absolument à ses désirs et à ses persuasions. Ce serait trop que de parler d’hypocrisie et il vaut mieux parler d’une variété du respect humain, qui agit ici au rebours de ce qui arrive ordinairement.

La supposition n’a rien de chimérique. C’est quelquefois par respect humain, par crainte d'être montré au doigt, qu’en divers pays un certain nombre de personnes, les hommes, les jeunes gens surtout, pratiquent les devoirs religieux essentiels ou même de subrogation. La transplantation de ces sujets en des milieux où l’opinion publique est moins favorable à la pratique chrétienne fournit immédiatement la contre-épreuve. Là où l’on risque d'être remarqué si l’on accomplit ses devoirs religieux, ces mêmes sujets deviennent indifférents ou du moins veulent le paraître, posent peut-être pour l’incroyance et le scepticisme. Le remède à cet état d’esprit c’est le sérieux des convictions chrétiennes, c’est à asseoir ces convictions dans l'âme de leurs paroissiens, plus encore qu'à multiplier les pratiques extérieures de dévotion que doivent s’attacher les pasteurs de ces régions fortunées. Hsec oportebal facere, sed illa non omittere.

On retrouverait une mentalité analogue et non moins regrettable dans certaines communautés, collèges, pensionnats, etc., où la pratique des sacrements a été encouragée, sans qu’on y ait toujours mis la discrétion et, tranchons le mot, la doctrine nécessaires. Il n’est pas du tout inouï que l'état d’esprit ainsi créé finisse par créer un obstacle à la liberté des âmes. En certains cas il faudrait presque de l’héroïsme à tel ou tel pour s’abstenir, un jour qu’il se sait ou se sent mal disposé ou moins disposé, de la communion quotidienne rendue presque obligatoire. Le souci du qu’en-dira-t-on, de l’opinion des supérieurs, plus encore des camarades ou des compagnes, remplace alors trop facilement cette intention droite expressément demandée par le « décret

libérateur » comme une condition indispensable à la sainte communion. Ceux qui sont en contact un peu intime avec les âmes savent à quelles angoisses cette peur du qu’en-dira-t-on accule certains tempéraments. D’ailleurs, ici comme dans le cas cité plus liant, la contre-épreuve est concluante. Abandonnés à euxmêmes, pendant le temps des vacances, par exemple, beaucoup qui communiaient tous les jours dans le cours de l’année scolaire désertent à peu près complètement la sainte table. C’est le cas de rappeler le mot de l'Évangile : ut videantur ub liominibus.

Le remède à ce mal qui n’a rien d’imaginaire est dans la formation personnelle des communiants par leurs confesseurs respectifs ; il faut les convaincre, à force d’insistance, que la pureté de conscience et l’intention droite ne se remplacent par rien. Il faut aussi que la direction générale donnée par l’autorité supérieure s’ingénie à trouver les moyens de lutter contre la routine et la peur du qu’en-dira-t-on. On a proclamé dans l'Église la liberté la plus grande en matière de communion : il n’est pas de chrétien convaincu qui n’y applaudisse ; peut-être serait-il temps, à présent, de prendre les mesures nécessaires pour garantir la liberté de ne pas communier. Le respect des hommes, la peur du qu’en-dira-t-on, cette forme de la pusillanimité dont parlaient les docteurs du passé, est un mal polymorphe et qu’il faut toujours démasquer, en quelque sens qu’il opère.

Les « théologies morales » ne traitent pas, en général, ex professo, de la question du respect humain ; il n’y a même pas dans ces traites de mot latin qui le traduise exactement. Ordinairement des allusions plus ou moins développées y sont faites dans l'étude de la vertu de loi (obligation de professer la foi) ou de religion. Voir l’art. Profession de foi.

N. Iung.

    1. RESTITUTION##


RESTITUTION. — I. Notion. II. Qui doit restituer ? (col. 2 172.) III. Circonstances de la restitution (col. 2488).

I. Notion.

1° Définition ; 2° Titres de la restitution ; 3° Caractère obligatoire.

Définition.

Au sens large, elle est la remise à un

propriétaire d’un bien dont il avait perdu la possession pour une cause quelconque. Tel est le sentiment de S. Thomas, Suni. theol., IIMI®, q. lxi, a. 1 : reslituere nihil aliud est, quam iterato aliquem statuere in possessionem vel dominium rei sues.

Au sens slrict, elle est un acte de justice commutative, par lequel on rend au prochain un bien qui lui appartient en droit, ou par lequel on compense le tort qu’on lui a fait injustement. Elle n’existe pas quand seule est lésée la justice distributive, c’est-à-dire celle qui a en vue les mérites des personnes ; car ici il ne saurait être question de droit rigoureux. La restitution étudiée en cet article n’est pas à confondre avec celle qui naît de la justice légale, selon certaines dispositions portées par l’autorité civile compétente. Ici, même s’il n’y a pas de péché, l’obligation devient réelle cependant du moment où le juge a rendu sa sentence.

En justice commutative la restitution se fait ad œqualilatem, c’est-à-dire qu’il faut rendre ce qui est retenu in propria specic ou in œquivalenti.

Titres de la restitution.

La restitution a deux

raisons d'être : d’une part, la détention purement matérielle d’un bien d’autrui, c’est le cas du possesseur de bonne foi et, d’autre part, la mainmise injuste sur un objet qui appartient à un autre : c’est le délit formel, appelé aussi quelquefois la damnification simple.

Les deux éléments constitutifs de la restitution peuvent exister séparément ou unis. Alors que le possesseur de bonne foi détient un bien qui ne lui appartient pas sans commettre de faute et que l’incendiaire volontaire d’un immeuble d’autrui ne retire aucun avantage personnel de son acte, le détenteur de mauvaise foi, tel le voleur, l’escroc, non seulement garde