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RESERVE EN GENERAL


Cf. Concile de Vatican, Const. Pastor œternus, sess. iv, c. 1 et 3, Denz.-Bannw., n. 1824, 1826. L’institution de la réserve a été dictée par des motifs de bien public : a) pour mettre un frein à la simonie de certains col laleurs inférieurs ; b) afin de soustraire les offices et bénéfices ecclésiastiques à l’ambition et à la mainmise des princes ou des grandes familles qui les considéraient trop souvent comme des fiefs à occuper par leurs enfants, c) Les réserves fournirent également aux papes un moyen commode de donner aux ecclésiastiques qu’ils vouk.i nt favoriser une subsistance honnête et aux personnes de mérite ou de qualité auxquelles ils s’intéres^aie it des bénéfices honorables.

On ignore l'époque précise où les réserves commencèrent à être en usage. Nous trouvons dans le Sexte une décrétale attribuée au pape Clément IV (1265-1208), qui, invoquant une ancienne coutume, fait une réserve générale et absolue de tous les bénéfices qui viendraient à vaquer en cour de Rome : Licet ecclesiarum. personaluum, dignitatum aliorumque benefteiorum ecclesiasticorum plenaria dispositio ad Iiomanum noscatur

Pontificem pertinerc : eollalionem lumen ecclesiarum.

pernonaluum, dignitatum et benefleiorum apud Sedem aposiolicam vacantium specialius cœteris untiqua consueludo Romanis ponti/icibus reservuvil. L. III, tit. iv, c. 2, in Sexto.

Un peu plus tard, Boniface VIII, en 1295, renouvela cette réserve des bénéfices vacants in curia, voulant que ces bénéfices fussent conférés à des sujets capables. personis conferantur idoneis. Extravag. coin., t. III, tit. ii, c. 1. Clément V, par un nouveau décret daté de Bordeaux 0300), rendit ces réserves plus absolues, spécialement dans la province bordelaise. Ibid., c. 3. Benoit XII, successeur de Jean XXII à la cour d’Avignon, prit des mesures plus radicales encore. A peine monté sur le trône pontifical (1335). il se réserva la provision non seulement de tous les bénéfices qui vaqueiaient in curia, mais aussi de tous ceux qui viendraient à vaquer par la privation des bénéficiers ou par leur translation à un autre bénéfice. Furent en outre réservés : tous les bénéfices remis une fois entre les mains du pape, ainsi que ceux des cardinaux, légats, nonces, trésoriers des terres de l'Église romaine, et des clercs qui, se rendant à la cour pontificale ou en revenant, mourraient à moins de deux journées de marche de cette cour. Extrav. com., I. III, tit. ii, c. 12. Ce n’est pas le lieu ici d’exposer toutes les réserves particulières que l’on trouve dans les constitutions des divers pontifes romains. En se multipliant, les réserves se compliquèrent : il y eut les réserves des bénéfices devenus vacants durant les mois dits « papaux », menscs papules (neuf mois sur douze) ; on y ajouta celle des bénéfices conférés à des hérétiques, schismatiques, simoniaques. intrus, rebelles, violateurs de séquestres, etc. Plusieurs des fameuses Règles de Chancellerie, dont le premier recueil remonte à Jean XXII (13161334), sont consacrées à la question des réserves bénéRciales. Cf. Wernz, Jus decrelalium, t. ii, p. 113. 14. La collation des bénéfices réservés donnant lieu habituellement à la perception d’un impôt (sous le nom de servilia, annalæ, fruclus medii lemporis) au profit du Saint-Siège, on glissa tiès vite dans l’abus ; ce qui visait à être un remède devint bientôt pour la curie un moyen commode de se procurer de l’argent en même temps qu’une source de complications pour la collation des bénéfices. Voir G. Mollat, La collation des bénéfices ecclésiastiques sous tes papes d’Avignon, Paris, 1921.

Des protestations s'élevèrent de la part des gouvernements civils et la conclusion des concordats de Worms (1448) avec l’Allemagne, de Bologne (1516) avec la France amena une atténuation notable des réserves.

Le Code canonique actuel réserve au Siège aposto lique l’union extinctive des bénéfices telle qu’elle est définie par le canon 1419 ; de même leui suppression ou leur démembrement opéré sans érection d’un bénéfice nouveau. Il appartient encore uniquement au SaintSiège d’unir un bénéfice religieux à un bénéfice séculier, ainsi que de transférer, diviser et démembrer de quelque façon que ce soit un bénéfice régulier. Can. 1422.

En matière de collation, le canon 1431 rappelle le droit que possède le pontife romain, en vertu même de la constitution de l'Église, « de conférer les bénéfices dans toute la chrétienté et de se réserver la collation de ces mêmes bénéfices », s’il le juge opportun. Toute collation de bénéfices réservés au Saint-Siège, accomplie par un inférieur, est de plein droit invalide. Can. 1434.

On trouve, au canon 1435, rémunération de tous les bénéfices dont la collation est actuellement réservée au Saint-Siège, même s’il est vacant. Ce sont :

a) Tous les bénéfices consistoriaux, c’est-à-dire les évêchés, abbayes et prélatures nullius, habituellement conférés en consistoire et dont l'érection est également réservée, d’après le can. 141 1.

b) Toutes les « dignités » des églises cathédrales et collégiales : archidiacre, doyen ou président du chapitre, archiprètre, primicier, etc. Cette réserve générale est une innovation du Code ; avant lui. seule la première dignité était réservée. Cf. IVe règle de Chancellerie ; Reitïenstucl, Jus canon icum universum, . III, tit. v.

e) Tous les bénéfices, même comportant charge d'âmes, qui viendront à vaquer par la mort, la promotion, la renonciati ni la translation soit des cardinaux, soit des légats, soit des officiers supérieurs de la curie romaine, soit enfin de tous ceux qui étaient de la famille du pape (camériers, prélats domestiques), même à titre honorifique, au moment de la vacance du bénéfice qu’ils occupaient.

d) Les bénéfices, même situés en dehors de la curie romaine, dont les titulaires mourront dans Rome, soit qu’ils y soient venus traiter une affaire, soit qu’ils y fassent un pèlerinage de dévotion. C’est la plus ancienne réserve du Corpus juris.

e) Les bénéfices dont la collation a été invalide pour vice de simonie. Cette réserve revêt un caractère pénal.

f) Enfin, tous les bénéfices sur lesquels le souverain pontife a « mis la main », c’est-à-dire à propos desquels il a eu à intervenir par lui-même ou par son délégué selon un des modes suivants : soit qu’il ait eu à déclarer nulle l'élection au dit bénéfice ; soit qu’il ait interdit aux électeurs de procéder à l'élection ; soit qu’il ait accepté lui-même la renonciation du titulaire ou qu’il ait promu, transféré ce titulaire à un autre poste ; soit qu’il l’ait privé de son bénéfice ; soit enfin qu’il lui ait donné un bénéfice en commende.

Il est entendu que, dans tous les cas ci-dessus énumérés, la réserve ne joue pas, sauf déclaration expresse, s’il s’agit de bénéfices manuels, c’est-à-dire amovibles ou révocables ad nutum, Can. 1 135, § 2.

En résume, la législation actuelle concernant la réserve demeure comme un souvenir de dispositions canoniques autrefois beaucoup plus strictes, bien que déjà considérablement adoucies par le droit concordataire. Ce qui en subsiste est, en même temps qu’un legs du passé, un rappel du droit universel du pape sur tous les bénéfices ecclésiastiques, non moins qu’un témoignage de la déférence due à sa personne. Si, dans quelques cas, ces réserves sont une source de gène pour les inférieurs, ceux-ci ne devront pourtant jamais oublier que le recours au Saint-Siège s’impose sous peine d’invalidité de la collation du bénéfice. Can. 1434. Nul doute que la connaissance et l’observation des règles