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REPARATION — REPROBATION


autres, avec S. Alphonse, disent qu’il n’y a lieu à aucune restitution, à moins qu’on ne puisse établir avec certitude que l’enfant est adultérin. Dans le doute celui-ci est présumé être né du mariage légitime. Lugo, op. cit., disp. XIII, n. 27 ; Théologiens de Salamanque, De reslilulione, c. ni, n. 30, Venise, 1704 ; Lacroix, t. III, part, ii, n. 335 ; S. Thomas, II » - II*, q. lxii, a. 7 ; S. Alphonse, t. III, n. 658.

3. La paternité de l’enfant illégitime est douteuse. — L’enfant est né certainement d’une union adultère, mais la mère a eu des relations criminelles avec plusieurs, si bien que la paternité est douteuse. D’après quelques théologiens, chaque complice doit participer à l’entretien de l’enfant, au moins au prorata du doute. Molina. op. cit., disp. 103, n. 3. Toutefois, remarquonsle, lorsqu’il en est ainsi, la paternité ne doit pas èlre présumée. Le dédommagement ne saurait dès lors être imposé avant qu’il n’y ait eu une sentence judiciaire. Mais s’il y a eu accord entre les complices, ils sont solidairement responsables et tenus en conséquence à la réparation. S. Alphonse, t. III, n. 658.

Les dommages à réparer.

Il faut dédommager le

père putatif de toutes les dépenses nécessaires pour l’entretien et l'éducation de l’enfant illégitime, mais en déduisant les apports que celui-ci est à même de faire par son travail.

Étant donné également que l’héritage des enfants légitimes est diminué injustement par la part que prendra celui qui est illégitime sur le patrimoine du père, il y a lieu de réparer.

Quant à l’héritage maternel, le droit des enfants légitimes peut seulement être lésé dans les biens qui concernent la réserve légale. Pour la partie disponible, la mère en dispose librement. Sans doute les articles 908 et 762 du Code civil ne permettent pas d’en faire bénéficier les enfants adultérins, mais cette défense ne confère aucun droit à ceux qui sont légitimes. En aucun cas il ne saurait donc ici être question de dédommagement.

Enfin les donations faites par des tierces personnes, qui voulaient ainsi se montrer libérales à l'égard d’enfants qu’elles cioyaient légitimes, doivent aussi être restituées. Mais les complices n’y sont obligés que dans la mesure où ils ont pu prévoir ces générosités comme une suite certaine et probable de leur péché. Lugo, op. cit., dis]). XIII, n. 39-40 ; d’Annibale, Summ. théol.mor., t. ii, n. 280.

3° Comment faut-il réparer ? — Pratiquement, la réparation de l’adultère doit toujours être faite prudemment, de façon à ne pas divulguer une faute demeurée secrète.

Si la mère est seule pour assumer l’entière réparât ion ou une grande partie, les moralistes lui donnent divers conseils. Elle compensera les dommages causés par son péché, en disposant des biens propies, qu’elle posséderait, en faveur de son mari et de ses lils légitimes, en apportant flans l’administration de son intérieur une plus grande diligence pour faire de sérieuses économies, ou en s' adonnant à un travail rémunérateur de manière à augmenter ainsi le patrimoine familial. Parfois il lui sera même recommandé d’amener sagement son époux à favoriser davantage les enfants légitimes. Ces moyens sont à préférer à la révélation du péché. Car Celle-ci serait en général trop onéreuse et n’apporterait dans le lover que brouille et désordre, S. Alphonse, 1. III.' n. 652-653 ; Lugo, disp. Mil, n. 67.

Si la réparation incombe au complice, le meilleur expédient pour réparer les préjudices commis est d’avoir recours à une donation ou à un legs ou d’agir avec l’aide d’une tierce personne dont la discrétion est certaine.

Enfin l’enfant illégitime, qui n’a pas le droit de

revendiquer ce qui ne lui appartient pas, n’est obligé de se dénoncer comme tel, que s’il a des arguments manifestes ; car à personne n’incombe le devoir de témoigner contre soi-même. Si la preuve de l’illégitimité était faite au for externe, il devrait rendre tout ce qu’il aurait reçu injustement, par suite de l’erreur sur sa naissance. S. Alphonse, t. III, n. 654. Dans cette hypothèse les fils légitimes pour obtenir la réparation des dams subis dans leurs biens de fortune peuvent en appeler au jugement des tribunaux.

4° Quand réparer ? — Si les frais d'éducation et d’entretien de l’enfant illégitime ont déjà été payés ou si l’héritage a été reçu, la restitution intégrale doit se faire aussitôt. (Voir art. Restitution, § Circonstances).

Si les dommages n’existent pas encore, mais se présenteront nécessairement plus tard, la restitution, à moins qu’il n’y ait des raisons sérieuses de la différer jusqu'à un moment plus opportun, s’exécute aussitôt, s’il y a une nécessité urgente, par exemple si l’adultère est sur le point de mourir. Cependant pour que les fils légitimes ne s’enrichissent pas indûment, au cas où l’enfant adultérin décéderait, il est licite de réparer d’une manière approximative et aléatoire, en tenant compte des diverses circonstances concrètes, appréciées d’après le sentiment des hommes sages. Le coupable s’acquitterait donc conformément à la justice, s’il versait, entre les mains d’une personne sûre, une somme d’argent avec charge d’une part de couvrii les préjudices effectivement causés par la présence de l’enfant adultérin dans une famille et d’autre part d’employer ce qui resterait suivant des indications déterminées. Voir Aertnys-Damen, Theologia moralis, Tournai, 1919-1920, n. 825.

V. RÉPARATION DES AUTRES DOMMAGES. Pour la

réparation des dommages causés à la renommée et à l’honneur par la calomnie, la diffamation et la médisance, voir articles Calomnie, col. 1369-1376 ; Diffamation, col. 1300-1306 ; Médisance, col. 487, 494.

I.a bibliographie complète est donnée à la suite de l’art. Bestiti’tion, où le lecteur est prié de se reporter pour l’indication exacte des ouvrages et de leurs diverses éditions.

N. Iuno.

    1. RÉPROBATION##


RÉPROBATION. — C’est le jugement par lequel Dieu exclut un pécheur du bonheur éternel. Ceux qui sont l’objet de ce jugement sont dits les réprouvés. Cette sentence peut être envisagée à deux moments ; à celui où elle est portée qugement général ou particulier), elle vise alors l'état de culpabilité de la créature raisonnable qui comparaît devant le tribunal de Dieu. Cette sentence ne peut être prononcée que selon la souveraine justice de Dieu ; et la théologie ne suscite ici aucune difficulté.

Mais ni dans la connaissance divine, ni dansle vouloir divin on ne saurait envisager des moments successifs, 'fout est contemplé par la souveraine intelligence de Dieu, tout est arrêté par sa volonté souveraine dans un éternel présent. La sentence en question a donc été portée de toute éternité. Le problème théologique qui se pose est de savoir sur quoi est fondée cette sentence prononcée de toute éternité (motifs de la réprobation) el ce qu’elle implique (nature de la réprobation).

Nous rejoignons ici le problème plus général de la prédestination. Ce dernier mot, par l'étymologic, doit s’appliquer au jugement éternel porté par Dieu sur le sort final, heureux ou malheureux de toutes les créa turcs raisonnables. Quand les théologiens du ix" 1 siècle parlaient de la « double prédestination », ils traitaient de la prédestination des élus à la gloire et de la prédestination des réprouvés à la mort éternelle, en d’autres termes de ce que nous appelons plus strictement de la prédestination et de la réprobation. C’est même sui tout à piopos de la réprobation que les controverses ont fait rage.