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RÉPARATION DES BIENS DU CORPS


restitution est impossible ; cf. Wouters, Manuale theologise moralis, t. I, n. 980 ; sur cette question voir Priimmer, Manuale theologise moralis, t. ii, p. 204 ; Vermeersch, Theologise moralis principia, 2e éd., t. ii, n. 587.

Au point de vue théorique, la conception de saint Alphonse de Liguori et de ceux qui le suivent est, à coup sûr, préférable. La renommée, par exemple, ne s’estime pas à prix d’argent. Quand elle est lésée, elle est à proprement parler vénalement irréparable. L’opinion de saint Thomas paraît cependant tenir un meilleur compte des faits pratiques, si bien que certains théologiens n’hésitent pas à l’appeler plus probable. Voir Tanquerey, Synopsis theologiæ moralis et pasloralis, t. iii, n. 565, Paris, 1931. Quoi qu’il en soit de ces divergences conceptuelles, tous les auteurs reconnaissent le bien fondé des amendes pécuniaires, imposées à titre pénal, par l’autorité judiciaire à ceux qui ont causé des torts qui ne sauraient être réparés ad œqualilalem.

Pour arriver à donner une solution aux cas qui vont être envisagés, et de tous ceux analogues, qui se présentent dans la vie courante, il faudra, à propos de chacun d’eux, analyser les dommages avec leurs éléments essentiels, bien distinguer ce qui est réparable et ce qui ne l’est pas et dans ce qui est réparable discerner la part de responsabilité et de volonté. (Voir sur ce point les développements apportés dans l’art. Restitution, § Conditions.)

II. RÉPARATION DES BIENS DU CORPS. 1° Ce qlli

est irréparable ; 2° Ce qui est réparable ; 3° A qui incombe la réparation et 4° Envers qui ?

Ce qui est irréparable.

C’est la perte de la vie

ou d’un membre ou de la santé et spirituellement, pour celui qui a été assassiné, la privation de la grâce des derniers sacrements.

Ce qui est réparable.

S’il y a culpabilité de sa

part, l’homicide ou celui qui a causé la mutilation doit réparer les dommages spirituels et temporels qui sont la conséquence de son acte et qu’il a pu prévoir au moins confusément, car il en est la cause efficace.

1. Les dommages spirituels encourus sont à compenser. C’est pourquoi les auteurs s’accordent pour demander au confesseur d’imposer au criminel, au for interne, des peines spirituelles, des sacrifices, des prières, des messes, etc., à appliquer à l’âme du défunt.

2. Les dépenses matérielles occasionnées par le crime.

— L’injuste et volontaire homicide, l’auteur de la mutilation sont tenus de payer toutes les dépenses raisonnablement faites par celui qui a été lésé, mais qui n’est pas mort aussitôt, ou par celui qui n’a été que mutilé, pour assurer l’alimentation extraordinaire, pour les honoraires des médecins et gens de l’art, pour les médicaments, pour les pansements et autres choses nécessaires aux soins. Naturellement ce que le sujet aurait eu à dépenser pour sa nourriture ordinaire, s’il n’avait pas subi l’accident, est à déduire. S. Alphonse t. III, n. 630-631.

Le coupable doit aussi compenser les pertes de gains ou de bénéfices, subies par celui qui est blessé, pendant tout le temps que celui-ci ne vaque plus à ses occupa tions. Ibid., t. III, n. 639.

Il en est de même des dommages extraordinaires causés éventuellement par l’acte délictueux ; telle serait la difficulté que rencontrerait, pour se marier, une jeune fille, déformée par une mutilation. [Nous n’avons pas à examiner ici la mutilation ou la mort survenue dans le cas de légitime défense. Lessius, t. II, c. ix, dub. 21 ; Laymann, t. III, tract, iii, part, iii, c. vi, n. 5 ; Molina, De juslitia et jure, tract, iii, disp. 82 ; Sporer, loc. cit., n. 116 ; Lacroix, I. III, part, ii, n. 305 ; Lugo, dis]). XI, n. 51, 59 ; S. Alphonse, t. III, n. 637].

Les dépenses pour les funérailles de celui qui a été mis à mort ne sont pas à supporter par le criminel, car elles auraient été faites également en cas de décès naturel. Cependant si le crime avait été commis loin du domicile de la victime, les frais supplémentaires nécessités de ce fait pour le transport du cadavre sont à compenser.

3° A qui incombe la réparation ? — A l’homicide coupable. Par la mort pénale que le juge porte contre lui, celui-ci n’est pas libéré en rigueur de droit de l’obligation de réparer le dommage temporel qu’il a causé. La peine extéiieure dont il est frappé satisfait en effet, à la justice publique et vindicative, mais non à la justice commutât ive.

Pratiquement cependant il est excusé de la réparation, ainsi que ses héritiers, car ceux qui ont été lésés se contentent de la peine extérieure et ne se soucient pas, au moins en général, d’exiger davantage. Ceux qui recueillent la succession du condamné sont donc censés avoir obtenu la condonation. S. Alphonse, t. III, n. 705.

On considère, en effet, que la sentence de mort est définitive de toute la cause ; nulle mention de compensation ou de restitution n’est faite dans le jugement porté par l’autorité responsable. La collectivité en est satisfaite aussi bien que la partie qui a été offensée. Molina, loc. cit., disp. 84, n. 8 ; Lessius, loc. cit., dub. 22, n. 119 ; Lugo, loc. Cil., disp. XI, n. 49. Les tribunaux n’accordent d’ordinaire à la partie civile », comme dommages-intérêts, que le franc symbolique. Mais, si la rémission des dommages tempcrels n’est pas accordée, l’obligation de les réparer passe aux héritiers de l’homicide, car les biens qu’ils reçoivent sont grevés en quelque sorte de cette charge.

4° Envers qui doit se faire la réparation ? — Si la réparation du dommage n’a pas été faite à celui qui a été lésé pendant qu’il vivait, elle est à faire à ses héritiers : 1. nécessaires : 2. non nécessaires et 3. à ses créanciers.

1. Les héritiers nécessaires.

Ce sont les enfants, l’épouse et, vraisemblablement, les parents, qui se trouvent dans le rayonnement naturel de celui qui a été lésé. Ils ont droit à la réparation des dommages qui leur sont causés, vu que celui qui leur procurait la subsistance a disparu, et avec lui tout gain ou bénéfice nouveau. Ces préjudices s’estiment d’après les espoirs que la famille de celui qui a été tué ou mutilé pouvait légitimement nourrir. S. Alphonse, t. III, n. 631 ; Lehmkuhl, Theologia moralis, t. i, n. 1179 ; voir aussi Noldin-Schmitt, Théol. mor., t. ii, p. 466 ; Tanquerey, Synopsis, t. iii, p. 566. Bien des auteurs (Lessius, De juslitia et jure.]. II, C. ix, dub. 29, n. 155 ; Lugo, disp. XI, n. 78), n’acceptent pas cette opinion, car il faudrait établir que l’homicide fut véritablement une injustice à l’égard de ces personnes. Puisque ceci est souvent difficile à prouver, il ne saurait être question de restitution. Celle-ci se limite ordinairement à ce que représente la subsistance alimentaire et vestimentaire dont les héritiers nécessaires sont privés par la mort de leur soutien naturel.

Celui qui est mort, à la suite d’un crime, n’a pas pouvoir pour remettre, avant son décès, la réparation due à ses héritiers nécessaires pour les aliments et le vêtement, car ceci leur revient directement. Lugo, disp. XL n. 63. Remarquons-le cependant, cela n’est vrai que si, de fait, le défunt leur donnait la nourriture et leur fournissait l’habillement, et s’il voulait par ailleurs continuer de le faire. Lehmkuhl, loc. cit., n. 1181. Aussi la rémission de la réparation doit-elle toujours être considérée en dépendance des circonstances concrètes dans lesquelles elle se réalise.

La réparation du manque à gagner est en général plus problématique que celle de la subsistance, parce