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REORDINATIONS — RÉPARATION


dans une impasse ; mais ceci n’est plus de notre sujet. Pas davantage la question des ordinations anglicanes, voir l’article, où seuls ont été invoqués comme moyens de preuve le défaut d’intention et les lacunes du rituel qui manifestaient ce défaut. Les nombreuses ordinations de clergymen anglicans passés au catholicisme

— Newman et Manning, par exemple — n’ont aucun droit de figurer dans cette étude sur les réordinations. De cette étude il convient seulement de retenir qu’une thèse fondamentale de la théologie sacramentaire a mis fort longtemps à s’établir et que, pour s’imposer, elle a dû triompher de sérieux adversaires qui prenaient leur point d’appui et dans la dialectique même et dans les autorités C’est seulement quand eurent été précisés les concepts du sacrement, de la causalité sacramentelle, du ministre véritable, du pouvoir de l’Église, etc., que la « raison théologique » put déduire la doctrine qu’il nous paraît si naturel d’admettre aujourd’hui.

Le travail si neuf et parfois si exhaustif de L. Saltet fournira une bibliographie abondante. Il resterait à le compléter en étudiant de plus prés les commentateurs de Pierre Lombard aux débuts de la scolastique et à faire sur eux les mêmes recherches minutieuses qui ont été si bien faites par l’auteur sur les commentateurs de Gratien.

Avant lui la question avait été étudiée par : Morin, Commentarius de sacris Ecclesiiv ordinaiionibus, Paris, 1655, cet auteur a réuni, à sa coutume, un très grand nombre de faits, peut-être a-t-il eu le tort de proposer pour les expliquer une théorie unique ; I.. Hahn, Die I.ehre non den Sàkramenten in ihrer geschiclitliclien Enlwickelung, Breslau, 1864 ; Hergenrôther, Die Reordinalionen der alten Kirche dans Œsterreicliische Vierteljahresschrifi fur kalholische Théologie, 1. 1, 1862, p. 207-252, 387-457, la 1° partie est reproduite dans Pholius, t. ii, p. 321-376 ; B. Jungmann, Disscrtdlioncs sélectif in historiam ccclesiasticam, t. iv, Ratisbonne, 1884, p. 110-134 ; B. Gigalski, Bruno, Bischof von Segni, Munster, 1898, p. 184-205 ; du même. Die Slellung des Papsles Urbans II. zuden Sakramentsliandlungen der Simonisten, Schismaiiker und Tl’iretiker, dans Theologische Quarlalschrifl, t. lxxix, 1891, p. 218-258, ces deux études ne concernent que des points de détail de la question.

Au moment du concile du Vatican, la question a été soulevée, dans l’intention que l’on devine, par les adversaires de l’infaillibilité personnelle du pape ; les faits de réordinations données ou autorisées par certains papes ont été exploités par divers auteurs, spécialement par Janus (de Dollinger ) ; les réponses des « infaillibilistes » n’ont pas toujours eu le sang-froid nécessaire, il faut bien reconnaître que les faits signalés sont exacts et que le théologien doit en faire usage pour délimiter le privilège de l’infaillibilité ; c’est ce qu’a perdu de vue le P. Michacl, S..T., dans un article en réponse aux Geschichlsjabcln de Dollinger, publié dans la Zeitschrifl fur kaliiolische Théologie, t. XVII, 1893, p. 193-230.

É. Amann.
    1. RÉPARATION##


RÉPARATION. — Nous donnerons : I. Une notion générale, étudierons, II. la réparation des biens du corps, III. de la violation de la virginité IV. de l’adultère, et V. Des autres biens.

I. Notion générale.

On distingue ordinairement quatre catégories principales de biens : ceux de l’âme, ceux de la vie et des membres, ceux de la renommée ou de la dignité, enfin ceux de la fortune. Lessius, De justifia et jure, t. II, c. ix, dub. 23 ; Laymann, Theologiu muralis, t. III, tract, iii, part, i, c. VI, n. 2 ; Sporer-Bierbaum, Theol. nwr., tract, iv, n. C3 sq. ; Lacroix, Theologia moralis, I. III, part, ii, De restilulione, n. 299 ; Lugo, Disputation.es scolasticss et morales. De jusliiia et jure, disp. IV, sect. 1, a. 5. S’il a été porté atteinte ; i ces biens e( aux droits qui y corresponde it, la justice exige que réparation soit faite par l’auteur de cette atteinte. Quand il s’agit de certains de ces biens, ceux de 1 1 fortune toui spécialement, l’égalité peut êlre rétablie entre la perte subie et la réparation. Biens

enlevés, biens rendus sont du même ordre et il est possible d’arriver à l’égalité parfaite. C’est alors la restitution, il en sera traité dans un article ultérieur.

Quand il s’agit de biens d’ordre différent, soit inférieur, soit supérieur, ou même de biens du même genre qui ne peuvent être mesurés à égalité entre eux, telle que la vie ou la mutilation du corps, de nombreuses difficultés se présentent. Il ne saurait être question de justice commutative proprement dite, car il n’y a pas ici de restitution ad œqualitalem qui soit possible. Lorsqu’un préjudice est causé, la réparation est cependant nécessaire. S.Thomas, IIa-IIæ q. lxii, a. 2, ad l u m et2 « >" ; Scot, InlV^nSeiit., dist.XV, q. iii, n. 6 ; Reiffenstuel, Theologia moralis, tract, iv, dist. III, q. iv, n. 54 ; Lugo, loc. cit., disp. IV, sect. 1, n. 4 ; Lacroix, toc. cit., et d’autres enseignent que même pour la vie qui a été enlevée ou pour un membre mutilé et autres biens dont nous parlerons en cet article, une certaine restitution est h faire, malgré qu’elle soit d’un genre dilTérent et d’un ordre divers de bien.

Sans doute, on ne peut pas rendre ad œqualitalem, mais on peut compenser. Voici sur ce point la pensée de saint Thomas : In quibus non potest recompensari œqulvalens, sufpcil quod ibi recompensetur quod possibile est… ; et ideo quando id quod est ablalum, non est restituibile per aliquid œquale, débet fteri recompensalio, qualis possibilis est, puta cum aliquis alicui abslulit membrum, débet ei recompensare, vel in pecunia, vel in aliquo honore, considerata conditione ulriusque personæ secundum arbiirium boni viri, II*-II », q. lxii, a. 2, ad lum, de même que celui qui n’est pas à même de rendre cent francs, alors qu’il peut en donner cinq est au moins tenu de verser cette somme. Cette comparaison, il est vrai, est imparfaite, car nous sommes dans des biens de même ordre, mais elle est une indication. Scot partage aussi l’avis de saint Thomas, quand il écrit : Qui nec tantam restitutionem velil facere, non potest omnino esse immunis a restitutione, sicut quidam falui faciunl, qui absolvunt homicidas, non eis oslendentes restitutionem necessario incumbenlem, quasi facilius possil transire homicida, quam (ut dicam) canicida vel bovicida quia si quis occidissel bovem proximi sui vel canem, non absolveretur sine restitutione, lenetur ergo ad restitutionem spiritualem sequivalenlem vitse, quam abslulit, sicut potest œquivalentia. In IV am Sent., dist. XV, q. iii, n. 6.

De cette compensation il est déjà question dans la sainte Écriture et dans le droit ancien. Dans l’Exode nous lisons, en effet : Si rixati juerinl viri et percusserit quis mulierem prægnanlem, et aborlivum quidem feceril, sed ipsa vixerit, subjacebit damno quantum maritus mulieris expetierit, et arbilri judieaverinl. Ex., xxi, 22 ; voir aussi xxi, 26 : Si percusserit quisquam oculum servi sui aut ancillæ, et luscos feceril, dimitlel eos liberos pro oculo, quem eruil.

La loi civile antique ordonnait aussi cette compensation pour réparer les dommages commis : Lex « Pnvlor ait », Digeste « De his qui effuderint, » § 5 « Cum liber homo periil, damni œslimalio non fit in duplum, quia in homine libero nulla corporis œslimalio fieri potest, sed quinquaginla aureorum condemnalio fil. »

Saint Alphonse de Liguori est d’un avis différent : il n’accepte pas que l’on puisse compenser par un bien d’ordre inférieur la perte d’un bien supérieur. Il ne saurait donc être question pour lui de restitution. Il écrit, en effet : Jusliiia commulativa obligat ad restituendum juxta œqualitalem damni illati. Ubi autem reslilulio facienda sil in génère diverso, nulla adest œqualilas, nec ulla erit unquuni compensatio damni. per quameumque enim pecuniam damnum minime reparabitur, neque in lolo neque in parte. Et sic respondctur opposiur sententise. Theol. mot., t. III, n. 627. Par ailleurs, un droit strict a toujours trait à quelque chose de nettement déterminé. Puisque cette détermination isl impossible quand il s’agit de biens d’ordre divers, vu qu’il n’y a pas entre eux de commune mesure, la