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REORDINATLONS. L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE
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Concil., t. xiv, col. 977. En punition de leurs allégations mensongères, le concile prononça même l’excommunication contre les clercs susdits ; la rigueur de cette sentence fut cependant adoucie à la demande du roi.

La décision du concile de Soissons ne doit pas surprendre. Elle est tout à fait conforme aux idées qui circulaient alors en de nombreux milieux. Une sentence analogue fut rendue à Hildesheim après la mort d'Ébon ; déposé à Thionville, il avait perdu, disait-on, ses pouvoirs épiscopaux, qui ne lui avaient jamais été régulièrement rendus. Il fut décrété que les ordinations et consécrations d'églises faites par lui seraient réitérées. Voir V Annalisla Saxo, dans Mon. Germ. hist., Script., t. vi, p. 575.

2. Le concile de Soissons de 866. — Il est bien remarquable que ce soit la curie romaine qui ait contraint Hincmar et ses partisans à revenir en arrière et à accepter finalement la validité des ordinations des « clercs d'Ébon ».

C’est là une histoire extrêmement compliquée, où, de part et d’autre, les questions personnelles ont joué un rôle aussi grand que les questions de doctrine. Hincmar avait essayé d’obtenir du Saint-Siège la confirmation de la sentence de 853. Pour diverses raisons, le pape Léon IV (847-855) avait différé cette approbation ; Benoît III l’avait enfin accordée, en 855, cf. Jafïé, Regesla, n. 2664. C’est à la suite des démêlés de Rothade, évêque de Soissons, avec Hincmar, son métropolitain, que l’affaire du concile de 853 revint sur le tapis ; à la suite aussi des manigances de Charles le Chauve, qui avait décidé d'élever au siège de Bourges, l’un des « clercs d'Ébon », Wulfade. Un nouveau concile, tenu à Soissons en 866, sur l’injonction du Siège apostolique et à la demande du roi, s’occupa de ventiler à nouveau la question. Textes assez lacuneux dans Mansi, t. xv, col. 703-737.

Hincmar, qui peut-être sentait plus ou moins vaguement que ses conclusions de 853 étaient en porte-àfaux — ne nous hâtons pas de pailer avec Schroers, suivi par L. Saltet, de sa « duplicité » — s'était ménagé une ligne de retraite. Dans un des mémoires qu’il lut au concile (texte dans P. L., t. cxxvt, col. 55 sq.), il penche encore pour l’invalidité des ordinations en cause, mais, quand il s’agit de donner des autorités canoniques à l’appui, il est assez peu ferme ; en face des textes qui inviteraient à conclure à l’invalidité, il cite par exemple le précédent d’Anastase II (ci-dessus, col. 2398). Il n’insiste pas d’ailleurs sur la question d’invalidité et appuie seulement sur celle de l’illégitimité.

Fidèle aux suggestions de son président, le concile adopta une motion qui ne correspondait ni à l’une ni à l’autre de celles que préconisait la curie. Rome aurait voulu ou la restauration pure et simple, extrajudiciaire, de Wulfade et consorts, ou le règlement de cette affaire par le concile. Hincmar crut habile de proposer une solution qui lui paraissait éviter au concile de se déjuger : Le concile maintenait sa sentence de 853 ; mais, non seulement il reconnaissait au pape le droit de faire grâce aux condamnés, il lui conseillait même de prendre cette mesure : Rome voulait s’immiscer à nouveau dans une question que le Siège apostolique avait déjà terminée ; que Rome la ventilât donc ellemême, sans vouloir faire endosser à d’autres des responsabilités qu’elle pouvait prendre seule. Telle est la position décrite par VEpislola sijnndica, portée à Rome, par l’archevêque de Sens, Kg il on, Mansi, t. xv, col. 728 ; on comparera les instructions remises par Hincmar à ce même pré lai. P. L., t. CXXVI, col. (il sq. La curie, où prédominait pour l’instanl L’influence d’Anastase, le futur bibliothécaire, et celle de son père Arsène, prit très mal le biais imaginé par l’archevêque. Voir les diverses réponses adressées à Charles le Chauve, aux conciliaires de Soissons, à Hincmar lui-même, Jafîé,

n. 2824, 2822, 2823, pour lesquelles il y a intérêt à consulter l'édition récente des lettres de Nicolas I er, Mon. Germ. hisl., Episl., t. vi, p. 414-431. Quoi qu’il en soit des divers griefs faits à Hincmar et de leur légitimité, il reste que, sur le fond, la curie n’admettait pas la thèse de l’invalidité : les condamnés de 853 seraient incontinent remis en possession de leurs ordres et offices. Après cette satisfaction donnée à Vexceptio spolii, Hincmar aurait licence, dans le délai d’un an, de fournir la preuve que les clercs avaient été canoniquement déposés ; faute d’une nouvelle instance, le rétablissement des clercs serait acquis et ils pourraient même être promus à un ordre supérieur (c'était d’ailleurs chose déjà faite pour Wulfade, qui, peu après le concile de Soissons de 866, avait, d’ordre de Charles le Chauve, été installé et consacré comme archevêque de Bourges). Ainsi la doctrine canonique proposée par Hincmar était-elle mise en échec en fait et en droit : quoi qu’il en fût des sentences épiscopales ou pontificales quiavaient frappé Ébon — il paraît certain que le pape Sergius II l’avait réduit à la communion laïque en 844, cf. Jaffé, t. i, p. 327-328 — il demeurait entendu que les ordinations données par lui ne pourraient être attaquées. Ceci dirimait, au moins provisoirement, un point de doctrine sur lequel l’accord était loin d'être fait.

Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que l’archevêque de Beims cherchera plus tard à faire la théorie de la réconciliation des clercs ordonnés de façon irrégulière. C’est dans un traité que Bernold de Constance au xie siècle, s’est approprié en le démarquant. Le traité de Bernold, De excommunicalis vilandis et de reconcilialione lapsorum, dans P, L., t. cxlviii. col. 1181, cf. Mon. Germ. hisl., Libelli de lile, t. ii, p. 112-142, n’est pas autre, en effet, que le De variis capilularibus ecclesiasiicis d’Hincmar. Sur ce traité d’Hincmar, son titre exact, sa restitution, cf. Saltet, op. cit., append. i, p. 395-402. Il faut prendre le mot varias dans son sens le plus fort : « discordant. » Les prescriptions sur les clercs lapsi, fait observer Hincmar, sont en effet discordantes., les unes sévères, les autres plus miséricordieuses ; c’est qu’en effet l'Église peut dispenser de la rigueur de ses lois. Hincmar détermine ensuite la nature de l’imposition des mains qui, selon les vieilles prescriptions canoniques, réconcilie les clercs ordonnés dans le schisme ou l’hérésie. Est-elle une véritable réordination ? Hincmar ne le pense plus maintenant ; elle est ad psenitenliam, tout de même que l’imposition des mains accordée à ceux qui, baptisés dans l’hérésie, reviennent à l'Église et qui ne saurait être une « confirmation » renouvelée. On voit l’importance de ce traité où commence à s'ébaucher une doctrine qui finira par s’imposer.

Les ordinations du pape Formose.

Pour assurée

que semble la doctrine de la curie romaine sur le point qui nous intéresse dans la seconde moitié du ixe siècle, il s’en faut qu’elle ait toujours été constante avec ellemême.

1. Variations de la curie romaine.

Dans la lutte du Saint-Siège contre Photius, il est certain que les expressions employées à plusieurs reprises par les rédacteurs des lettres apostoliques tendraient à mettre en cause non pas seulement la légitimité de l’ordination conférée à Photius et des ordinations faites par lui, mais encore la validité même de ces actes. Voir l’art. Photius, t.xii, col. 1573, 1579, 1597. De son côté Photius a bien pu prendre des mesures à rencontre des clercs ordonnés par Ignace, durant la restauration de celui-ci, après 867. Il n’est pas impossible qu’il y ait eu, lors du second patriarcat de Photius, sinon des réordinations, du moins des réconciliations par imposition des mains des clercs ordonnés par Ignace. On a dit combien longtemps avait duré la querelle, même après