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RÉORDINATIONS, L'ÉPOQUE CAROLINGIENNE


Sainteté aura ensuite le pouvoir soit de les ordonner, soit d’en disposer comme il lui plaira. « Texte do Pi ithier, ibid.

Le Liber pontificalis, qui donne un résumé précis des Actes et supplée à une lacune du texte, ajoute qu’il avait été également décidé que ces clercs perdraient tout espoir de s'élever plus haut dans la hiérarchie : ceux que le pape réordonnerait diacres demeureraient diacres, les prêtres resteraient prêtres, nul ne pourrait arriver à l'épiscopat. C'était une manière de montrer l’horreur que l’on avait des actes accomplis par l’intrus. Le pape Etienne déclara d’ailleurs que, pour son compte, il ne ferait pas usage de la faculté que lui laissait le concile à l'égard des clercs romains ordonnés par Constantin. Il en agit autrement à l’endroit des évêques : rétrogrades par le concile, ils rentrèrent en leurs Églises, s’y firent élire à nouveau et revinrent chercher à Rome la consécration épiscopale.

Ces décisions prises dans un concile présidé par le pape en personne ne seraient pas de nature à faciliter la besogne des théologiens et des canonistes de l’avenir. La publicité que le Liber pontificalis leur donna permettra d’invoquer bien souvent, par la suite, ce très fâcheux précédent. Les partisans des réordinations ne s’en priveront pas.

Les ordinations données par les chorévêques.


Sous le nom de chorévêques, c’est-à-dire d'évêques de la campagne, on désigne, soit en Orient, soit en Occident, dès la fin de l'époque antique et dans le haut Moyen Age, des clercs qui semblent bien avoir été revêtus du caractère épiscopal mais qui se distinguent des évêques proprement dits par l’absence d’un titre permanent (ils ne sont pas évêques de telle ou telle cité), par le fait aussi qu’ils ne sont consacrés que par un seul évêque, au lieu de l'être par trois, comme les évêques résidentiels. Laissant de côté l'évolution de cette institution en Orient, nous nous occuperons seulement de son devenir en Occident au viiie et ixe siècles, où elle prend un assez grand développement. Véritables évêques auxiliaires, on les voit se multiplier au cours du vine siècle, où certains évêques les utilisent de façon judicieuse. Il ne faudrait pas les identifier sans plus à ces évêques sans siège, aventuriers et vagabonds, contre lesquels Boniface le grand réformateur dut mener la lutte. Ces derniers appartiennent à ces missionnaires scots fort nombreux alors sur le continent ; on sait que, dans les régions celtiques, le caractère épiscopal était donné à un très grand nombre de clercs, sans toujours assez de discernement.

Mais les mêmes plaintes, qu’au milieu du vine siècle Boniface exprime contre les évêques gyrovagues, se font entendre au IXe siècle, contre les chorévêques. Ce n’est pas seulement aux abus de pouvoir dont quelques-uns ont pu se rendre coupables, que l’on s’en prend, c’est à l’institution elle-même. Elle a le tort en effet de faciliter au pouvoir séculier certains empiétements, dont on commence à se plaindre fort, tout au moins dans le royaume de Charles le Chauve. L’existence du chorévêque permet à l’autorité royale soit de se débarrasser d’un évêque résidentiel gênant, sans paralyser la vie religieuse des diocèses, soit de prolonger les vacances des sièges épiscopaux, dont les revenus sont alors perçus par l’administration royale. Pour ces deux raisons l'épiscopat en titre voit souvent d’assez mauvais ail l’institution ; un effort va être tenté par lui pour arracher aux chorévêques une partie de leurs pouvoirs d’ordre ; nous voyons déjà comment la question des réordinations va s’insérer ici.

1. Les décisions du concile de Meanx (846) et la consultation de Raban Maur. Le concile commencé à Meaux en 845 et qui se continue à Paris en 846 eut une grande importance. Au lendemain des troubles civils qui ont suivi la mort de Louis le Pieux (840) el ont alunit i au traité « le Verdun (843), il essaie de restaurer

dans le royaume de Charles le Chauve la discipline ecclésiastique fortement compromise.

Précisant, entre autres, les droits et devoirs des évêques, il traite, can. 44, de la question des chorévêques.

Le chorévêque doit garder la place que lui assignent tes saints canons ; qu’il ne tente pas de donner le Saint-Esprit, ce qui est réservé aux seuls évêques selon les décrets d’Innocent ; qu’il ne consacre pas les églises, qu’il ne donne pas les ordres ecclésiastiques qui se confèrent par l’imposition des mains et donc pas au-dessus du sous-diaconat, et encore (ne confércra-t-il les ordres inférieurs) que sur l’ordre de l'évêque et dans les lieux que désignent les canons. Pour ce qui est de l’imposition de la pénitence (publique) ou de la réconciliation des pénitents dans le diocèse (parochia) qu’il s’en tienne aux ordres de l'évêque. Mansi, Concil., t. xi, col. 82e.) Mon. Genn. hitl., Capital., t. i, p. 4')9.

La signification de ce canon reste douteuse ; du fait que le concile interdit aux chorévêques et la confirmation et les ordinations majeures, s’ensuit-il qu’il déclare invalides les sacrements en question conférés par eux ? Ne se contenterait-il pas de les déclarer illicites ?

On notera d’abord que nos concepts actuels de validité et de licéité ne doivent pas être transposés sans précaution à cetlte époque, où il ne semble pas — l’affaire de Constantin II nous l’a montré — que l’on fit nettement le départ entre ces deux idées. En matière sacramentelle tout au moins, un acte interdit par la loi était aisément considéré comme un acte invalide. Pour ce qui est du cas particulier, on peut l'éclairer, à la suite de L. Saltet, en faisant appel à une consultation donnée à Drogon « archevêque » de Metz, par Raban Maur, alors dans la retraite. P. L., t. ex, col. 1195-1206. Drogon a rapporté à son correspondant que, dans la Francie occidentale, certains évêques réordonnaient ceux qui, sous leurs prédécesseurs, avaient été ordonnés prêtres ou diacres par des chorévêques ; il ajoutait, d’ailleurs, qu’il n’y avait pas unanimité et que d’autres reconnaissaient et la confirmation et les ordinations conférées par les chorévêques. A quoi Raban répond en défendant les pouvoirs de ces auxiliaires. Il invoque le précédent des évêques Lin et Clet (Anaclet) qui furent, au sens propre, les chorévêques de Pierre. « Je suis donc persuadé, continue-t-il, que les chorévêques ont le droit de donner les ordinations. » Et de rappeler les textes canoniques qui justifient son point de vue : le 12e canon d’Ancyre, qui défend aux chorévêques d’ordonner des prêtres ou des diacres sans l’ordre de l'évêque résidentiel ; le 10e canon d’Antioche, qui reconnaît explicitement que les chorévêques ont reçu « l’imposition des mains des évêques et ont été consacrés comme évêques ». Ce point de vue de Raban Maur finira par prévaloir définitivement en Germanie ; dans la France’de Charles le Chauve, au contraire, l’opposition ne fera que croître et amènera la déroute de l’institution.

2. Les pouvoirs des chorévêques dans la littérature pseudo-isidorienne. — Cette littérature apocryphe, qui comprend surtout Vllispana d’Autun, les FauxCapitulaires de Benoît Lévite, et les Fausses-Décrélales du pseudo-Isidore, a certainement vu le jour, entre 8 17 et 852. dans le royaume de Charles le Chauve, soit dans la région mancellc, soit dans le diocèse de Reims. Un des principaux desseins des faussaires étant de relever l’autorité des évêques dans leurs diocèses, on peut s’attendre à ce que soit mis en échec le pouvoir des chorévêques.

Déjà dans VHispana d’Autun, premier et timide essai, figure une lettre apocryphe du pape Damase aux évêques de Numidie condamnant sévèrement l’institution des chorévêques. Vacuum est, est censé écrire le pape, quidquid in preedicto sacerdotii summi egerunt minislerio. Tout ce qu’ils ont tenté de faire est irriltun : aussi bien ne peuvent-ils donner ce qu’ils n’ont pas :