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RÉORDINATIONS. 1/ÉPOQUE CAROLINGIENNE


autres que sa condamnation. » Il vaut d’ailleurs la peine de signaler la restriction importante qui concerne le baptême : Sed hoc de baptismo accipi fas non est, quod iterari non débet. L’auteur n’en est que plus ferme pour proclamer l’invalidité des autres sacrements administrés par le condamné : Reliqua vero ministeria per indignum data minus firma videntur.

Le grand missionnaire Boniface, un Anglo-Saxon lui aussi, ne laisse pas d'être touché par cet état d’esprit. On le voit anxieux au sujet de la validité de certains baptêmes donnés par des prêtres adultères et indignes, P. L., t. lxxxix, col. 525 ; le pape Grégoire II est obligé de lui rappeler qu’il est interdit de rebaptiser ; ce que fait encore 'e pape Zacharie en 744. Ibid., col. 929. Si Boniface raisonnait ainsi pour le baptême, en dépit même des considérations que nous venons de lire dans Egbert, quels ne devaient pas être ses sentiments au sujet des ordinations conférées par ces évêques aventuriers et gyrovagues qui troublèrent si souvent son ministère ?

Il n'était pas sans intérêt de signaler ces pratiques insulaires ; quand l’on songe à ce que la première renaissance carolingienne doit aux Anglo-Saxons et aux Scots, on ne peut s'étonner de la faveur que vont rencontrer sur le continent les errements suivis en Grande-Bretagne.

2° Au temps du pape Constantin II (767-769). — On a dit à l’art. Constantin II, t. iii, col. 1225, dans quelles conditions irrégulières se firent l'élection et la consécration de ce pape, les circonstances qui amenèrent la chute de cet « usurpateur », son remplacement par Etienne III, les représailles enfin dont il fut la victime. Ce qui nous intéresse ici, c’est la façon dont le concile, rassemblé à Borne au printemps de 769 (12 avril et jours suivants) régla la question des ordinations faites par Constantin durant son bref pontificat. Celui-ci, en eflet, avait ordonné huit évêques, huit prêtres, quatre diacres. Aux yeux des contemporains que pouvaient valoir ces ordinations, dont la validité est, à nos yeux, absolument incontestable ?

Cette validité ressort pour nous du fait que la consécration même de Constantin, quelque irrégulière qu’ait été son élection, était certainement valide. Sans doute, au moment de sa prétendue élection il était simple laïque ; l'évêque de Préneste lui avait promptement conféré la cléricature pour qu’il pût être élu ; au lendemain de son élection, le même évêque de Préneste l’avait ordonné sous-diacre et diacre ; c'était le 29 juin, fête des saints apôtres ; puis le dimanche suivant, 5 juillet, le même prélat, assisté des évêques d’Albano et de Porto, avait conféré au diacre Constantin la consécration épiscopale. On voudra bien noter qu'à cette époque où il arrivait très souvent que les archidiacres fussent promus à l'épiscopat, soit à Borne, soit ailleurs, on ordonnait directement le diacre évêque, sans lui conférer d’abord la prêtrise. Sur ce point voir l’art. Ordre, t. xi, col. 1388. Ainsi la validité de la consécration épiscopale de Constantin apparaît aux théologiens et aux canonistes modernes comme au-dessus de toute contestation. Nous n’avons non plus aucune raison de mettre en doute la validité des ordinations ou consécrations conférées par lui. A la vérité elles se firent, comme nous dirions aujourd’hui, extra tempora ; la date régulière des ordinations à la prêtrise et aux ordres inférieurs était alors le samedi des QuatreTemps d’hiver. (Pour ce qui est des consécrations épiscopales elles se faisaient toujours un dimanche. Nous ne savons si les consécrations épiscopales administrées par Constantin furent faites en bloc, ou au fur et à mesure des besoins des Églises qui ressortissaient immédiatement de Borne.) Mais quel est le canoniste actuel qui, pour ce fait, jetterait la plus légère suspicion sur une ordination ?

Cette circonstance fut cependant invoquée pour attaquer la validité des ordinations conférées par Constantin. Mais à côté de ce grief, après tout secondaire, les conciliaiies de 769 invoquèrent un autre chef d’accusation : l’invalidité de la consécration même de « l’usurpateur » : Il n’avait pas été élu canoniquement ; d’autre part il était, comme l’on disait alors, néophyte. Voir ce mot, t. xi, col. 67. A en juger par ce qui nous reste des délibérations du concile ce fut particulièrement cette dernière exception qui fut soulevée.

Le concile qui eut à connaître de tout cela présentait une physionomie assez particulière. C'était bien le « synode romain », lointain prédécesseur de nos consistoires, et tel que les papes le rassemblaient fréquemment, en faisant appel aux évêques italiens, suffragants directs du Siège apostolique. Mais à ce personnel ordinaire du synode romain, on avait adjoint, pour corser la représentation épiscopale, des prélats tant de la province de Bavenne que de celle de Milan. Surtout on avait convoqué d’outre-monts une imposante députation d'évêques francs. Sitôt installé, en effet, Etienne III avait adressé au roi Pépin et à ses deux fils Charles et Carloman, une ambassade, chargée de demander l’envoi à Borne d’un certain nombre d'évêques « instruits dans les divines Écritures, érudits et très habiles en fait d’institutions canoniques ». En son désarroi, l'Église romaine voulait s’aider des lumières de l'Église franque. Betardée par la mort du roi Pépin (25 septembre 768) et les formalités de la prise de pouvoir de ses deux fils, Charles et Carloman, la délégation épiscopale franque ne se mit en route qu’au printemps de 769 : elle avait à sa tête Wilchaire de Sens, « archevêque de la province des Gaules », et se composait de douze autres évêques de l’empire franc. Bien entendu, il ne nous est pas possible de dire quelle part d’influence exerça au concile cette délégation. Il faut penser néanmoins, étant donné qu’elle représentait les deux puissants souverains francs, protecteurs attitrés de l'Église romaine, que ses avis ne passèrent pas inaperçus. Et l’on n’oubliera pas, pour fixer complètement les idées, que les « pénitentiels insulaires » avaient vulgarisé dans les Gaules l’idée de réordination. Pour achever de donner la physionomie de l’assemblée on se rappellera enfin que les séances furent présidées par le pape Etienne III en personne.

Ce qui nous intéresse dans cette assemblée, c’est moins le récit des débats — - ils furent orageux et l’on oublia plus que de raison l’axiome juridique res sacra reus — que les décisions qui furent prises relativement aux actes de Constantin, et en particulier aux ordinations conférées par lui. Le principe général fut posé : tous les actes ecclésiastiques de l’intrus étaient déclarés nuls et devraient être renouvelés à l’exception du baptême : quæ… in sacris officiis isdem Constantinus peregil præler lantummodo baplismum omnia ilerentur. Texte conservé par Bathier de Vérone dans le Libetlus cleri Veronensis…, P. L., t. cxxxvi, col. 480-481. (Le Liber pontificalis, éd. Duchesne, t. i, p. 476, 1. 22, semble mettre le sanctum chrisma sur le même pied que le baptême : la confirmation ne serait donc pas renouvelée.) La conséquence en ce qui concerne les ordinations était expressément formulée :

> Nous décidons d’abord que les évêques consacrés par lui (Constantin), s’ils étaient antérieurement prêtres ou diacres, seront rétrogrades dans leur fonction antérieure ; après quoi, leur élection (en qualité d'évêque) s'étant faite de la manière accoutumée, qu’ils reviennent au Siège apostolique, avec le peuple (qui les a élus) ou le procès-verbal d'élection, pour s’y faire consacrer, et qu’ils reçoivent ainsi la consécration du Seigneur apostolique (le pape), comme s’ils n’avaient pas été ordonnés du tout.

Quant aux prHres et diacres qu’il a ordonnés pour le service de l'Église romaine, qu’ils reviennent a leur rang de sous-diacre ou de l’autre ollice qu’ils remplissaient ; et Votre