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2393 RÉ0RDINAT10NS. L’ANCIENNE TRADITION GRECQUE 2394

2. Les distinctions faites en Asie et à Anlioche aux IVe et Ve siècles. — -Les Pères du ive siècle, un Athanase, un Basile, un Épiphane ont, à l’occasion, des paroles sévères pour les baptêmes et les ordinations des ariens, mais qu’il ne faudrait pas toujours prendre à la lettre ; ce sont parfois expressions de polémistes.

Il faut attacher plus d’importance à certaines consultations canoniques, celles, par exemple, que donne saint Basile dans les deux lettres clxxxvih et cxcix, à son collègue Amphilochius d’Iconium, dans P. G., t. xxxii. Le canon 1, col. 664 sq., s’il est très explicite pour ce qui est de l’admission ou du rejet du baptême des diverses sectes, ne contient qu’une indication fugitive sur les ordinations des dissidents. Basile distingue ceux-ci en trois classes : les hérétiques, qui diffèrent des catholiques par des dissentiments sur des points essentiels de la foi et dont le baptême est rejeté ; les schismatiques, dont les dissentiments sont de moindre importance et dont le baptême est reconnu ; enfin les membres de « conventicules », séparés de l'Église pour des raisons surtout personnelles ; « quand ces derniers viennent à nous, on les reçoit sans plus, et même ceux qui étaient dans les ordres, avant la sécession, rentrent chez nous avec leur ordre. » Cette simple incise soulève, on le voit, d’assez lourds problèmes. Ceux qui ont été ordonnés dans un conventicule après la sécession voient-ils leur ordination confirmée ou infirmée ? Les clercs schismatiques, s’ils veulent rester en fonction, doivent-ils être réordonnés ? Aucune réponse précise n’est faite à cette question. Mais, si l’on songe à la défiance générale que Basile professe — il est bien en ceci l’héritier de Firmilien — à l’endroit de ceux qui se séparent de la Catholica, on est porté à croire que les solutions sévères n'étaient pas pour l’effrayer. S’il ne poussait pas à bout, à propos du baptême, les conséquences des principes posés jadis par son prédécesseur et qu’il rapporte ici même, c'était pour des raisons d’opportunité qui laissent perplexe le théologien d’aujourd’hui.

Mais voici, à quelque temps de là un autre son de cloche qui se fait entendre, cette fois en Syrie. C’est vraisemblablemînt en effet d’un milieu antiochien, peut-être apparenté à Diodore de Tarse, qu’est sorti un lot de pièces pseudonymes mises sous le nom de Justin Martyr avec qui elles n’ont certainement rien à faire et qui sont rassemblées dans P. G., t. vi, col. 1181 sq. Dans l’une d’entre elles, les Quiestiones et responsiones adorthodoxos, q. 14, ibid., col. 1261, on lit :

Q. : Si le baptême donné par les hérétiques est faux et vain, pourquoi les orthodoxes ne baptisent-ils pas l’hérétique qui revient à l’orthodoxie et le laissent-ils dans la souillure de son baptême ? Et même si l’hérétique se trouve avoir reçu l’ordination chez eux, les orthodoxes la reçoivent comme valide. Gomment celui qui est ainsi reçu et ceux qui le reçoivent sont-ils à l’abri de tout reproche ?

Rép. : Quand un hérétique revient à l’orthodoxie son état malheureux (i^àXiJLa) est rectifié de la manière suivante : l’erreur de sa pensée, par son changement d’opinion ; son baptême, par l’onction du saint chrême, et son ordination, par l’imposition des mains (rf, : hk ^EîpoTOVt’aç rîj vecpoôsaia). Il ne reste donc plus rien à délier.

Laissons de côté la « rectification » du baptême par la chrismation (est-ce la confirmation ? Est-ce un simple rite de réconciliation ?) Pour ce qui est de l’ordre, il est clair que l’auteur anonyme admet la valeur de ce sacrement conféré dans la dissidence et qu’en pratique, autour de lui, on reçoit à l’exercice de leurs fonctions les clercs ainsi ordonnés : « les orthodoxes reçoivent cette ordination comme valide. » Il est non moins clair que, avant d’admettre les clercs dissidents à exercer, on les soumet à une /eipoOsaîa, cérémonie qui est à l’ordination ce que la chrismation est au baptême. N’est-ce p >i il là précisément ce que le concile de Nicée avait prescrit pour les clercs novatiens

(Xeipo0£Tou(j.svot., ci-dessus, col. 2391) et, semble-t-il aussi, pour les clercs méliciens (p : o<ynxa>Tépa X^P 0Tovia (3ï60uco6évTe< ;)?

Il n’y avait pas, d’ailleurs, que dans les milieux antiochiens que l’on agissait ainsi. Presque à la même date, Théophile, patriarche d’Alexandrie, interprétant le canon 8 de Nicée, expliquait à un évêque, qui l’avait interrogé sur la réception des clercs cathares (novatiens), qu’il fallait leur donner l’imposition des mains, XstpoTovsïaOai. toùç 7rpoæp/o|iivo’jç. P. G., t. cxxxviii, col. 912. Seulement, comme on le voit, le patriarche ne fait pas la différence que fait si nettement le Pseudo-Justin entre ysipoOsatoc et yeiporovla. Il y a dans cette confusion des termes, chez Théophile, un indice de la confusion qui règne dans les idées. Sur les clercs ordonnés dans la dissidence se pratique une cérémonie dont l’essentiel est une imposition des mains ; de dire s’il s’agit là d’une nouvelle ordination (qui supposerait l’invalidité de la première) ou d’un rite de rectification ou de complément, voici qui embarrasserait beaucoup plusieurs de ces Orientaux. On comprend, dans ces conditions, le sens de la consultation demandée au patriarche de Constantinople par le titulaire d’Antioche, Martyrius (159-471), à une date qu’il n’est pas possible de préciser plus exactement. Nous avons la réponse de Constantinople, sous la forme un peu extraordinaire d’un canon apocryphe (le 7e) du concile de 381. Sur ce phénomène voir Beveridge, PandecUe canomim, t. ii, annot. p. 100. Pour répondre aux questions de Martyrius sur la réception dans l'Église catholique des hérétiques, soit laïques, soit clercs, le patriarche de la ville impériale distingue deux catégories de dissidents : d’abord ceux que nous pourrions appeler les hérétiques mineurs : ariens (c’està-dire homéens de la confession de Rimini-Séleucie), sabbatiens (variété de novatiens), novatiens, quartodécimans, apollinaristes ; puis des hérétiques majeurs, si l’on ose dire : eunomiens (c’est-à-dire anoméens), montanistes, sabelliens, sans compter beaucoup d’autres qui ne sont pas nommément désignés. Le cas des membres de cette deuxième catégorie est des plus clairs : « s’ils veulent revenir à l'Église, nous les recevons comme s’ils étaient des païens, àtç, 'EXXîjvaç 8r£ÔpisOa », en d’autres termes, nous ne reconnaissons aucun des sacrements reçus chez eux. Toute différente l’attitude à l'égard des membres du premier groupe : « pour admettre les laïques, nous leur demandons de souscrire une profession de foi, puis nous les confirmons (o"9paYiÇ6 % ii, evoi) ; s’il en est qui sont prêtres, diacres, sous-diacres, psalmistes, lecteurs, nous les traitons comme de pieux laïques et nous les ordonnons, wç ff7rou8aïoi Xoeïxol yeiporovoûvrat èxeivoi ot yjaav Ttap' aoToù ; tô Trpo-rspov zïzz upsaou-repoo, sire S'.âxovoi, eÏte ÛTroStàxovoi., site '.{ « xXtou, eÏte àvayvtôaTai. « Le texte est clair cette fois ; visiblement, on a interprété, à Constantinople, d’une véritable ordination la yziPQÔscroc imposée aux clercs novatiens par le canon 8 de Nicée, la (i.uaTi.xa)-repa xstpoTovLa qui doit être donnée aux méliciens, on a généralisé cette pratique à l’endroit de toute une catégorie de clercs dissidents ; ils sont traités en simples laïques.

3. L'époque des schismes christologiqu.es. — La consultation adressée à Martyrius ne fait pas encore état des hérésies ou des schismes engendrés par les controverses christologiques. Sans doute est-elle antérieure aux premières grandes séparations.

La question du retour à l'Église orthodoxe de clercs nestoriens ne s’est guère posée ; il n’y eut jamais, dans l’Empire, de communautés nestoriennes, il n’est pas établi que l’on ait considéré dès l’abord comme « nestoriennes » les Églises de l’Empire sassanide.

Mais, dès le dernier tiers du v siècle, les monophijsites ont formé des Églises dissidentes au sens propre