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RELIQUES. DROIT ACTUEL
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ve siècle. Cependant ces œuvres n’ont jamais été utilisées parfaitement pour mettre en relief les nuances de la doctrine qu’ils décèlent ; nous avons conscience d’avoir été nous-mêmes très incomplet dans les pages précédentes. Il faudrait relire, à ce point de vue, tous les panégyriques des saints, les histoires de toutes les translations, etc. Les notes copieuses de dom Leclercq dans ses articles : Ad martyres et Martyrs du Dictionnaire d’archéologie ont laissé de côté presque toute la documentation patristique.

2. La doctrine spéculative sur noire matière a fait, il faut l’avouer, peu de progrès depuis les derniers scolastiques. En ce qui regarde les motifs de ce culte, on insiste moins aujourd’hui sur la première raison donnée par saint Thomas : l’attachement à tout ce qui nous vient des saints, laquelle raison s’étend si bien, à tout le défini, et quand on le fait, on ne se garde pas toujours assez de la lointaine analogie tirée du culte des héros et des ancêtres. On s’attache plutôt aux trois raisons données par le Concile de Trente en faveur des corps saints : ce sont des membres de Jésus-Christ, des temples du Saint-Esprit, des corps appelés à la résurrection glorieuse. Dans le développement de la première raison, la tentation serait d’insister trop sur l’idée du corps du Christ, qui consiste avant tout dans l’union des âmes des saints avec la sienne, et qu’on ne saurait étendre qu’avec précaution à l’union physique avec le corps du Christ des corps saints que nous honorons. Qu’ils aient été les temples du Saint-Esprit, c’est ce que l’on démontre par les vertus héroïques que les saints ont déployées avec le secours de leurs corps : les martyrs en supportant les supplices dans leurs membres, les confesseurs et les vierges en les domptant par la pénitence, la tempérance, les œuvres de charité. Sous ce rapport, il semble que le culte des reliques devrait profiter des progrès et de la diffusion des notions historiques concernant la vie des saints anciens et modernes. Ces deux motifs sont, en somme, fondés sur l’influence de la grâce qui se fait sentir de l’âme des saints sur leurs corps en vertu de l’unité naturelle et substantielle entre les deux : le retour à la philosophie thomiste ne peut que faciliter cette démonstration. La troisième preuve, qui s’appuie sur la résurrection future des corps saints, dans leur identité primitive, trouve de vraies difficultés dans la philosophie scientifique moderne ; le cardinal Billot a donné dans son traité De novissimis des principes qui peuvent servir à étayer notre doctrine des reliques, selon les indications de saint Thomas, IIl a, q. xxv, a. 6, ad 3um.

Mais, au cours du développement des trois preuves, on s’aperçoit qu’elles ne concernent, comme le concile de Trente l’avait déclaré, après saint Thomas, que les reliques au sens propre du mot, les restes corporels ; les efforts que l’on fait pour montrer que « le corps des saints sanctifie ses vêtements et les objets à son usage », ne vont pas sans quelque exagération dangereuse, la consécration de ces objets inanimés ne pouvant se comparer à la sanctification des sacrements par Jésus -Christ, ni même à la consécration d’un vase sacré par la bénédiction de l’Église et l’usage qu’elle en fait. La sanctification d’un vêtement par un saint, est tout à fait à la dernière zone de son influence, comme saint Thomas le note, II^II*, q. xcix, a. 3. On ne néglige assurément pas les miracles opérés devant les reliques, mais on a raison de ne pas insister sur ce motif.

L’exposé des preuves amène les théologiens à se demander si les reliques ont une excellence surnaturelle intrinsèque, susceptible de motiver un culte absolu, ou comme on dit, direct. C’est l’ancienne controverse de Bellarmin et de Billuart qui se perpétue. Quelques théologiens affirment cette excellence propre, et il faut bien dire que la préférence que l’on donne aux preuves

intrinsèques et physiques ne peut que faire pencher l’opinion théologique dans ce sens. Cependant, après Lugo, Jungmann la nie et Pesch également. Jungmann, De Deo homine, 1901, n. 394 ; Pesch, De Verbo incarnalo, 1922, n. 665 sq.

L’enseignement courant de la prédication s’attache beaucoup plus à montrer les avantages divers du culte des reliques : développement de la foi qui retrouve l’âme sainte et prédestinée dans un fragment de son corps, exemples de charité, de zèle des âmes, de patience héroïque que nous donnent ces souvenirs d’une vie sainte : Horum inluentes conversationem imilamini fidem, dileclionem ; motif d’espérance en la résurrection glorieuse, cujus in eorum cineribus pignora veneramur. (Collecte.)

Voici, pour conclure, une bonne définition des saintes reliques par Franzelin : « C’est à peu près de la même manière que des images qu’on doit parler des reliques et autres objets sacrés à honorer en relation avec Dieu, le Christ rédempteur et les saints, si ce n’est que la relation ici ne consiste pas en une pure représentation, mais dans une spéciale conjonction (réelle), soit dans le passé, soit dans le présent, soit dans l’avenir, entre ces reliques et la personne qui est l’objet absolu d’adoration ou de culte. » Franzelin, De Verbo incarnalo, th. xlv, p. 459.

Droit canonique concernant les reliques.

1. Définition.

— Au sens large, les reliques sont tous les objets ayant eu quelque relation avec le saint : vêtements, objets familiers, cercueil… ; au sens strict « les reliques sont le corps ou les parties du corps ». Parmi ces reliques, l’Église nomme » reliques insignes » : le corps, la tête, le bras, l’avant-bras, le cœur, la langue, la main, la jambe (mais pas le tibia, S. C. Rit., 1234, ad 2um) ou la partie du corps dans laquelle le saint a soulïert le martyre pourvu qu’elle soit entière et pas petite. Cari. 1281, § 2 ; S. C. Rit., 1333 ad M" m ; 1334 ad 3 lm.

2 Authenticité. Même dans les églises exemptes, on ne peut proposer au culte public des fidèles que des reliques dont l’attribution authentique est reconnue par un document écrit, officiel, d’un cardinal, ou bien de l’Ordinaire du lieu. Can. 1283. Le pouvoir de délivrer des « authentiques » appartient à l’Ordinaire du lieu, revêtu ou non du caractère épiscopal, can. 198, § 1 et 2 ; les vicaires généraux ne peuvent sans délégation spéciale certifier l’authenticité des reliques, can. 1283, § 2, ni non plus un évêque qui ne serait pas « Ordinaire », car le terme « Ordinaire du lieu » est strict. Par contre, cette faculté peut être attribuée par induit apostolique à n’importe quel « ecclésiastique ».

Cette mesure sévère a été prise pour éviter d’honorer des reliques douteuses ou superstitieuses. La piété des fidèles n’a rien à perdre à l’amour de la vérité, ni au progrès des sciences historiques. Les Ordinaires doivent donc prudemment retirer les reliques quand ils sont certains de leur non-authenticité, can. 1284 ; plusieurs fausses reliques ont été retirées à Rome même, et une des sources du canon 1284 est une décision de la S. Congrégation des Rites de 1697 qui interdit l’exposition de reliques de Melchisédech et de la « Pierre où N. S. s’est assis pour composer l’Oraison Dominicale », S. C. Rit., 1977. L’exposition publique d’une fausse relique, connue pour fausse, scienter, ferait encourir ispo facto l’excommunication réservée à l’Ordinaire du lieu. Can. 2326.

Par contre l’Église attache une grande importance à la tradition : une relique qui est l’objet d’un culte ancien jouit d’une présomption de droit et il faut des arguments certains pour en nier l’authenticité, can. 1285, § 2, d’autant que le culte rendu, la dévotion exercée envers le saint, les faveurs spirituelles peut-être obtenues, ont pu conférer un certain caractère